Le terme valence (valence en français, 配价 pèi-jià en chinois, Valenz en allemand et valence/valency en anglais) est un terme chimique ; la valence atomique désigne la relation entre la molécule et ses atomes. Par exemple, une molécule d’eau (H2O) est composée d’un atome d’oxygène (O) et de deux atomes d’hydrogène (H2) et la valence de l’atome d’oxygène est donc de deux ; tandis que celle de l’atome d’hydrogène est de un. Il y a une similitude entre la combinaison des unités linguistiques et la combinaison d’atomes chimiques. Le terme est utilisé pour préciser la capacité de domination de ses actants par un verbe. Ce concept joue un rôle très important en linguistique.
C’est le grammairien français Lucien Tesnière (1883-1954) qui a introduit la notion de « valence » en linguistique. En 1934, il publia un article Comment construire une syntaxe dans le Bulletin de la Faculté des Lettres de Strasbourg. Cet article est le point de départ de son ouvrage Esquisse d’une syntaxe structurale (1953). Dans cet ouvrage, c’est la première fois que le concept de valence apparaît vraiment. Ensuite, dans le livre Éléments de syntaxe structurale (1959), Tesnière indique que « La syntaxe structurale a pour objet de révéler la réalité structurale profonde qui se cache derrière l’apparence linéaire du langage sur la chaîne parlée » (1959, p.4.). Il s’agit de catégoriser les mots qui composent la phrase et de déterminer les relations qui existent entre eux. Parmi les relations syntaxiques relevées par Tesnière, la relation syntaxique la plus intéressante est la connexion, c’est-à-dire la subordination selon la terminologie traditionnelle.
« Alfred aime son père. »
D’après cette phrase, on peut voir que sémantiquement, Alfred et son sont dans une relation complexe ; tandis qu’il n’y a pas de relation de subordination structurelle. Tesnière soutient que la construction syntaxique peut être considérée comme une connexion de subordination entre les éléments syntaxiques, c’est une relation hiérarchisée. L’élément le plus élevé dans cette hiérarchie peut être considéré comme un nœud, capable de dominer tous les autres. La plupart du temps, ces nœuds sont des verbes, c’est-à-dire que c’est un verbe qui est le noyau de la phrase. Tesnière considère le procès d’un verbe comme un drame comportant nécessairement une action, des acteurs et des circonstants. Dans un procès, le verbe montre le processus d’une action ; les acteurs qui participent à cette action sont souvent des éléments nominaux ; les circonstants expriment le lieu, le temps ou le moyen de cette action, ils sont souvent des syntagmes adverbiaux. Pour les verbes, soit ils ne possèdent aucun actant, soit il peut y avoir un actant, soit deux, soit trois. La capacité de liaison des actants d’un verbe, on l’appelle la valence du verbe. Si un verbe ne peut dominer aucun actant, c’est un verbe avalent (par exemple : le verbe pleuvoir dans la phrase Il pleut.) ; si un verbe peut posséder un actant, c’est un verbe monovalent (par exemple : le verbe dormir dans la phrase L’enfant dort.) ; si un verbe a deux actants, c’est un verbe bivalent (par exemple : le verbe manger dans la phrase La mère mange une pomme) ; si un verbe possède trois actants, c’est un verbe trivalent (par exemple : le verbe donner dans la phrase Il donne son livre à Paul). À ce stade, l’idée de base de la valence grammaticale a été présentée pour l’essentiel.
Le noyau grammatical de la valence a pour objet de préciser la capacité de domination du nombre d’actants d’un verbe. Parmi ces actants, il y a des syntagmes nominaux qui composent les acteurs (actants) et il y a des syntagmes adverbiaux qui fixent les circonstants. Théoriquement, le nombre de circonstants peut être illimité et ils sont facultatifs ; tandis que le nombre d’acteurs (actants) est tout au plus trois et ils sont obligatoires. Ce sont respectivement les prime (le sujet), second et tiers actants .
Plutôt que de parler de valence et d’actance (Lazard, 1994), certains linguistes aujourd’hui parlent de structure argumentale et de place d’argument (Lemaréchal, 1998). On peut représenter la relation d’un verbe et de ses actants sous la forme de f(x), f (x, y) et f (x, y, z), f représentant une fonction prédicative qui peut être portée par un verbe et x, y, z représentant les actants de ce prédicat. C’est ce que fait, parmi d’autres, Lemaréchal (1998, pp..14-18., 96-119., 169-206.) qui montre les places d’argument qui sont remplies par des arguments qui jouent un rôle différent par rapport au prédicat. Par exemple, avec le verbe typique trivalent donner en français, on devra distinguer les rôles de donateur, de donataire et de donation. Ici, il faut bien distinguer la théorie de la valence et théorie de la transitivité. Par exemple, on peut définir le verbe donner comme trivalent si l’on est Tesnièrien, mais on peut aussi parler de verbe ditransitif. On a l’air de dire la même chose avec une autre famille terminologique qui regroupe les verbes intransitifs et transitifs. Parmi les verbes transitifs, il y a également les verbes transitifs directs, transitifs indirects et ditransitifs. Pour les verbes ditransitifs, on a les verbes ditransitifs directs du genre donner quelque chose à quelqu’un, puisqu’un des deux arguments est marqué comme un complément d’objet direct sans préposition ; et les verbes ditransitifs indirects du genre parler de quelque chose à quelqu’un, puisque les deux compléments comportent une préposition. La différence avec la terminologie de Tesnière est qu’elles relèvent de deux terminologies qui ont l’air concurrentes. On peut parler de verbe ditransitif comme donner ou d’un verbe trivalent comme donner, ces deux théories sont donc en partie équivalentes. Or, il y a des différences entre les deux :
Tout d’abord, l’idée de transitivité ou d’intransitivité porte sur les compléments, alors que la théorie de la valence compte sur les arguments / actants le sujet. Tesnière (1959) avait pour principe que le sujet est le premier des compléments. Ainsi, avec la théorie de la valence, ce qui importe est le fait que les trois places d’argument soient remplies par des objets / éléments différents et que le x désigne l’agent ou autre chose. Il faut que les objets jouent un rôle diffèrent auprès du prédicat. Par exemple avec le verbe donner, il faut bien distinguer le rôle du donateur, du donataire et de la donation. Cela ne porte que sur des compléments chez Tesnière, la valence prend en compte l’ensemble et l’idée que le sujet est quelque chose de particulier résultant d’une opération supplémentaire sur la valence, à savoir distinguer parmi les actants le premier des compléments capable de se promouvoir en sujet.
Ensuite, c’est un héritage. L’idée de transitivité remonte aux grammairiens grecs. On mélange l’idée du rôle sémantique ou simplement la présence d’un actant avec leur marquage. En français, dans une grammaire scolaire vraiment traditionnelle, un verbe transitif est un verbe dont le complément peut être subjectivisé par un passif, c’est donc le complément d’objet direct et les verbes qui n’ont pas de complément d’objet direct ne sont pas transitifs. C’est par subdivision et par adaptation que l’on introduit l’idée de transitif indirect. À l’origine, transitif veut dire verbe à complément d’objet direct. Or, on mélange deux choses : tout d’abord, c’est le marquage, c’est-à-dire que le casuel (avec des adpositions, des prépositions dans le cas du français) ; ensuite c’est le fait que la transitivité soit nécessitée par le sens du verbe régissant ; il y a donc deux choses en même temps. Même avec la nomenclature élargie et subdivisée en transitif direct et transitif indirect, ditransitif direct et ditransitif indirect, les mots direct et indirect sont toujours là. Le critère de subdivision est dans le type de marquage. Les théories de la transitivité associent toujours intrinsèquement, implicitement ou explicitement, le marquage à l’existence des arguments et au rôle sémantique de ces places d’argument.
Ainsi, la transitivité et la valence sont deux approches différentes qui vont donc avoir des implications différentes pour la grammaire, donc elles ne sont pas synonymes.
La théorie de la valence a été proposée par le linguiste français Lucien Tesnière, mais elle a rencontré un grand succès en Allemagne par l’intermédiaire du germaniste Fourquet (1952). Cette théorie a été appliquée à diverses langues flexionnelles ou agglutinantes de l’Europe et aussi aux langues du monde— des langues isolantes de l’Asie, comme le chinois moderne. Le chinois contemporain et le français standard sont deux langues très différentes du point de vue typologique. Au contraire des langues agglutinantes et flexionnelles, le chinois, qui appartient à la famille sino-tibétaine, est une langue isolante à tons. Les lexèmes chinois n’ont qu’une seule forme sans aucun marquage de nombre, de genre, de mode ou de temps. En français, langue qui appartient à la famille indo-européenne, la plupart des mots comprennent une racine et des affixes. La forme d’un mot lui-même change selon le genre, le nombre, le temps, l’aspect et le mode. L’ordre des mots est différent dans les deux langues.
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