Le principe « d’égalité de traitement durant la passation »
Le principe d’égalité d’accès à la commande publique contraint les personnes devant passer un contrat de la commande publique à permettre à tous les opérateurs susceptibles de vouloir répondre à l’appel d’offres de pouvoir le faire. Ce principe s’applique donc en amont de la véritable procédure de sélection des candidats. L’égalité – au sens juridique le plus large – ne joue pourtant pas seulement un rôle en amont, il a aussi une influence tout au long de la phase de sélection des candidats, voire tout au long de la vie du contrat. Il s’agit alors d’une autre forme d’égalité : celle que l’on qualifiera « d’égalité de traitement »118 et qui consiste à traiter de la même manière ceux qui entendent répondre à un marché public. Si l’égalité d’accès justifie clairement l’existence des procédures de passation, le rôle de l’égalité de traitement des candidats dans cette justification de l’existence des procédures de la commande publique est moins facile à démontrer. On peut en effet parfaitement envisager que les personnes passant un contrat de commande publique respectent l’égalité entre les candidats alors qu’aucune formalité de passation n’est imposée, et l’on pourrait laisser le juge sanctionner les inégalités sans qu’existent des procédures. Pour autant, sans imposer formellement des procédures de passation, l’égalité de traitement des candidats va imposer que l’on prouve que le choix du candidat n’a pas été effectué dans des conditions discriminatoires, ce qui conduit nécessairement à la mise en place de procédures de passation afin de constituer ces preuves. De plus, le formalisme protecteur de toute activité administrative119 conduit logiquement à rendre ces procédures inévitables en pratique, ce qui participe à leur caractère obligatoire en droit.
L’égalité de traitement s’est vue reconnaître une valeur de principe depuis plus longtemps que l’égalité d’accès, mais ce principe a récemment été étendu, aussi bien dans le cadre du droit interne dans lequel il bénéficie d’une valeur juridique plus importante que dans le cadre du droit communautaire qui l’a découvert. (A). La mise en œuvre de ce principe dans le cadre du choix initial du cocontractant de « l’administration » trouve de plus des prolongements durant la vie du contrat (B). d’égalité. Il en est même l’expression la plus immédiatement compréhensible dans le cadre de la commande publique. C’est ainsi qu’on en retrouve des applications aujourd’hui dans le cadre de l’ensemble des contrats de la commande publique mais aussi dans les textes antérieurs au code de 1964. Tous ces exemples sont guidés par la même idée : les candidats à un contrat de la commande publique – notamment ceux à un marché public ou une délégation de service public – doivent être mis dans les mêmes conditions générales afin de pouvoir remporter le contrat. Cela n’empêche pas que les différences de situations permettent un choix comprenant une part de subjectivité, mais il faut que ces différences n’apparaissent pas comme des inégalités. On pourrait presque dire que la personne passant un contrat de la commande publique ne doit pas imposer l’égalité entre les candidats, elle doit éviter les inégalités dans son choix.
Le Code des marchés publics de 2004 reconnaît un « principe d’égalité de traitement des candidats » dès son premier article dont le titre est « champ d’application et principes fondamentaux ». Cette disposition apparaît comme directement issue de l’article 47 du Code des marchés publics tel qu’il résulte du décret n° 92-1310 du 15 décembre 1992120. À l’inverse de ce qui prévalait pour l’égalité d’accès on remarque que le texte ne fait que confirmer la reconnaissance d’un principe qui était reconnu bien avant. Cette reconnaissance par les textes n’est par ailleurs pas limitée aux marchés publics puisqu’un des décrets d’application de la loi Sapin121 prévoit expressément que « les candidats [à une délégation de service public] bénéficient d’une égalité de traitement dans l’examen de leurs candidatures ou de leurs offres ». Si ces deux textes ont valeur réglementaire, on peut pourtant estimer qu’ils reconnaissent ou transcrivent un principe applicable non seulement aux contrats qu’ils régissent mais aussi à l’ensemble des contrats de la commande publique. Le fait que les deux textes datent des années 1992 et 1993, donc à des dates auxquelles les directives communautaires subissaient leurs premières « codification » pour former un ensemble plus large que le droit des marchés publics, prémisse de l’idée de commande publique, va dans le sens de cette vision élargie d’un principe d’égalité de traitement.