Le prédicat et le traitement automatique
La description linguistique des cas d’anaphore associative de type méronymique en vue du traitement automatique nécessite aussi bien une approche syntaxique qu’une approche sémantique qui accorderait l’importance nécessaire au prédicat et à l’argument dans le site anaphorique .Ainsi, la notion d’emploi est fondamentale dans la mesure où la forme d’un mot n’est pas suffisante pour lui attribuer une valeur sémantique, il faut tenir compte également de ses occurrences dans les énoncés, c’est-à-dire de ses conditions d’emploi. L’étude d’un « emploi » quelconque regroupe l’ensemble des propriétés spécifiques mêlant de façon imbriquée la syntaxe et la sémantique. Nous rejoignons donc le point de vue de Gross qui considère que la définition des mots tient compte de ses propriétés combinatoires. Dans le cadre du lexique –grammaire, la phrase simple est constituée d’un prédicat et de ses arguments. Le prédicat constitue le noyau de la phrase dans la description linguistique. Ainsi, nous nous proposons dans le cadre de ce travail de commencer par la restitution des prédicats partitifs dans les cas d’anaphore associative méronymique. Ce travail est susceptible d’expliciter le rapport entre l’anaphorisant et l’anaphorisé. Ainsi, l’étude des prédicats dans le cadre de l’anaphore associative méronymique s’inscrit dans le cadre de « l’étude des prédicats de manière générale qui contribuent au traitement automatique de toutes sortes de contenus propositionnels aussi bien du point de vue de leur Le prédicat et le traitement automatique 78 reconnaissance que de celui de leur interprétation »1 et « le concept d’emploi prédicatif permet d’expliquer la nature des propriétés sémantiques d’un prédicat instancié dans un énoncé en fonction de ses propriétés morphosyntaxiques et distributionnelles »
Place du prédicat partitif dans le cadre des anaphores associatives nominales
Comme nous l’avons évoqué plus haut, dans le cadre du lexique- grammaire, la phrase simple est formée d’un prédicat et de ses arguments, le premier sélectionne les seconds. Ainsi, le prédicat est d’abord défini par son domaine d’arguments. Et il a été constaté empiriquement que tout changement de sens d’un prédicat est corrélé à un changement de schéma d’arguments. La mise au point du sens exige que l’on précise la nature des arguments que prend un emploi donné de prédicat. Dans le cas de l’anaphore associative méronymique, le prédicat partitif n’apparait pas en surface, il est implicite. Ce prédicat « absent » est donc inféré à partir du contexte et nécessite un travail d’interprétation à partir des arguments figurant en surface. Nous envisageons de commencer notre étude des occurrences par la récupération du prédicat partitif élidé ce qui est susceptible d’expliciter le rapport entre anaphorisant et anaphorisé qui ne sont que les arguments sélectionnés par ces prédicats. Selon Le Pesant3 , il existe au moins une cinquantaine de prédicats partitifs exprimant la relation partie-tout. Ce sont des prédicats à deux arguments. Dans chaque couple d’arguments une des deux positions est occupée par une classe de méronymes (noms de parties), l’autre par une classe d’holonymes (noms de touts). Les arguments des prédicats partitifs sont Soit non prédicatifs comme dans ces deux exemples proposés par D. Le Pesant: Ce militaire (appartient, est incorporé) à la deuxième armée française. Soit prédicatifs comme dans : Le maltage (fait partie, est une phase) du processus de fabrication de la bière (les deux arguments sont prédicatifs). ou dans : Ce timbre (fait partie de, compte parmi) ma collection d’objets rares où c’est le deuxième argument qui est prédicatif. Certains prédicats comme appartenir, faire partie de…sélectionnent les méronymes en position sujet mais d’autres comme comporter, comprendre, inversement, ce sont les holonymes qui figurent en position sujet. Il est à noter que dans le cadre de l’anaphore associative méronymique, le prédicat n’apparait pas en surface -vu que comme nous venons de le signaler- le prédicat partitif est élidé et que pour le récupérer, il est possible d’opérer plusieurs choix au niveau des arguments inférés et de leur disposition. Selon Le Pesant, le choix du prédicat est dicté par la nature de la relation sémantique entre les deux éléments de l’anaphore. On optera alors pour la récupération du « prédicat approprié »1 . Les prédicats qui appartiennent à la catégorie être une partie de sont appartenir à, faire partie de, (être, former) une partie de, être un élément de, il y a (méronyme) dans (holonyme), comporter, comprendre, (être, former) un ensemble de. La majorité de ces prédicats possèdent trois propriétés syntaxiques qu’il est important de rappeler : 1- La réduction de la construction formée par le pronom relatif et le prédicat partitif (orientée dans le sens partie-tout), à la préposition « de ». Par exemple : les pièces qui (composent, constituent, appartiennent à, font partie de) cet appartement, se réduit à « les pièces de cet appartement ».
Les prédicats verbaux partitifs dans le cas des anaphores nominales
Dans cette partie analytique, nous nous inscrivons dans la même perspective théorique que Buvet qui affirme que « la seule relation partie-tout est insuffisante pour décrire la méronymie et qu’il faut tenir compte également de la relation membre-collection, [du fait que] la relation sous –ensemble_ ensemble subsume les deux précédentes et que la relation contenu-contenant est également nécessaire à la description de la méronymie »2 . Pour rendre compte des variétés référentielles des anaphores associatives méronymiques, nous devrions récupérer les prédicats partitifs élidés en tenant compte du type de relation entre l’antécédent et l’antécédé dans le cadre de la relation de méronymie afin d’observer les différentes combinaisons qui peuvent exister entre les différents prédicats partitifs et les arguments qui peuvent leur être associés sur les plans syntaxique et sémantique.
Les anaphoriques nominaux à prédicat partitif de type « être une partie de »
Dans ce sous-chapitre nous nous attarderons sur le cas de l’anaphore méronymique où la relation entre l’holonyme et le méronyme est paraphrasable par un prédicat partitif de type « être une partie de ». Soit les exemples suivants tirés de notre corpus : (1)- Cet arbre est un fayard, dit mon ami, tapotant le tronc comme un flanc d’animal ami. (2)-En établissant sur pile un clavier dont les touches porteraient les mêmes lettres et établiraient la communication par leur abaissement. (3)- De plusieurs autres, on entendait s’élever le son d’instruments qui produisaient les mélodieux accords de la harpe et l’orgue : on voyait celui qui faisait mouvoir les touches et les cordes. Dans (1) (2) et (3), le prédicat verbal élidé est de type « être une partie de », on analyse tronc, touches et cordes comme des anaphores associatives dont l’interprétation dépend respectivement de arbre, orgue et /ou clavier et harpe. La dépendance entre les reprises et leurs antécédents peut être caractérisée en termes de relation partie-tout, car la justification du lien anaphorique entre tronc et arbre, entre orgue ou clavier et touches et entre harpe et cordes est fondée sur le fait que le référent de tronc, touches et cordes est une partie du référent de arbre, orgue, clavier et harpe qui sont assimilés à des touts. Les N2 tronc, touches et cordes sont donc non autonomes par rapport aux N1 arbre, orgue et /ou clavier et harpe et leurs référents ne peuvent être envisagés que par rapport à ces touts. Ces éléments N2 ne sont définissables que comme étant des parties de N1et présentent une dépendance ontologique par rapport à leurs touts. Chacun de ces méronymes est stéréotypiquement lié à son holonyme. Pour récupérer le prédicat élidé dans le cas de ces noms élémentaires entretenant un rapport de non autonomie et de dépendance ontologique, nous nous référons à ce rapport d’appartenance entre la reprise et son antécédent : le prédicat partitif être une partie de serait 82 le plus adéquat du moment que l’antécédent dénote une partie (tronc/ arbre) ou des parties identiques du SN antécédent (touches, cordes/ orgue ou clavier) Le tronc est une partie de l’arbre. Les touches sont des parties du clavier. Les touches sont des parties de l’orgue. Les cordes sont des parties de la harpe. Il est à noter que dans le cas des substantifs qui ont une relation partie-tout, l’emploi du prédicat partitif « est composé de » dans la structure N1 composé de N2 est quasi inacceptable, sauf si on s’installe dans un contexte où l’on est censé citer les composantes d’un quelconque et où l’on doit en énumérer les différentes parties. Ainsi, l’exemple : ? Un arbre est composé d’un tronc. présente une phrase incomplète où l’on s’attendrait à énumérer le restant des parties de l’arbre : les branches, les feuilles, etc. Mais, cette même structure est acceptable à condition d’ajouter une extension au N2 de type qualificatif, comme le montrent les exemples suivants : (4)Un arbre composé d’un gros tronc. (5) Un arbre composé d’un tronc qui lui sert de support. De même il est inacceptable de dire ? Une harpe composée de cordes ou ? Un couteau composé d’un manche Mais la structure étendue est acceptable : (6)Une harpe (une lyre) composée de douces cordes de chanvre. (7)Un couteau (une canne) composé(e) d’un manche d’ivoire 83 Ce qui donne lieu à la structure suivante : N1 prép N2 (SN étendu), où l’extension permet de spécifier la nature du N2 et de lui donner plus de précisions, comme c’est le cas dans les exemples suivants : (8) L’album tisse les liens de la famille comme la généalogie l’enracine et la déploie comme un arbre avec tronc et branches métaphoriques. GARAT Anne-Marie, Photos de famille : Un roman de l’album, 2011,p.2 (9) Votre rapsode qui tient à la main une lyre à quatre cordes. En revanche, il est impossible de dire : (8’) *L’album tisse les liens de la famille comme la généalogie l’enracine et la déploie comme un arbre avec tronc et branches. (9’)* Votre rapsode qui tient à la main une lyre à cordes. (10’) *Un couteau à manche. (11’)Deux cannes anglaises avec un manche. L’inacceptabilité de ces emplois revient à la nature des méronymes qui sont conventionnellement admis comme des parties « essentielles » de leur tout, relation que nous paraphrasons comme suit : Un arbre a nécessairement un tronc et des branches Une lyre a nécessairement des cordes Un couteau et une canne ont nécessairement des manches