Le premier élément de la problématique concerne l’importance de la dimension sociale de la participation des immigrants au Québec vis-à-vis d’autres dimensions, telles que politiques, économiques ou démographiques. Deux mesures sont prises en compte pour considérer cette importance : les recherches scientifiques ainsi que l’intérêt politique.
Du point de vu des recherches scientifiques, il est d’abord à mentionner que la participation au sens large est étudiée depuis près de cent ans en Europe et en Amérique. C’est en effet au début des années 1920 que le sociologue américain F. Stuart Chapin s’est intéressé aux associations volontaires, aux coopératives, aux syndicats et aux entreprises (Comeau, 1995). Or, la participation se déculpe en plusieurs dimensions, certaines ayant été plus étudiées que d’autres. Simard (2003 : 11), faisant une méta-analyse de la participation globale des jeunes d’origine immigrée, constate un intérêt marqué des recherches envers la dimension politique de la participation : « Nous décrivons ici les principaux titres recensés sous diverses formes de participation (sociocommunautaire, politique, culturelle, professionnelle et syndicale). On constatera que c’est la participation politique qui est la plus étudiée ». Pour sa part, Benjamin (2001) remarque la rareté des études sur la participation des personnes immigrantes en dehors du travail, de l’économie et de la politique. Puis, Lebel-Racine (2008) évoque la rareté des recherches sur la dimension sociale de l’établissement des immigrants en région au Québec. Sachant que le présent mémoire s’intéresse à la dimension sociale de la participation en contexte régional, ce constat de Lebel-Racine est intéressant.
Certes, il y existe des bénéfices économiques et démographiques au fait d’accueillir des personnes immigrantes, ce qui se traduit dans l’intérêt politique de l’immigration. À ce sujet, Boudarbat et Grenier (2014) résume en quoi la participation économique d’une personne immigrante représente un apport économique pour la société d’accueil. En occupant un poste rémunéré, la personne participe à la production des biens et services. Elle y gagne en retour un revenu, ce qui lui permet de consommer à son tour des biens et services. En ayant un revenu, l’individu paye des impôts et des taxes à la consommation, ce qui a un effet positif sur les recettes publiques. « Plus les immigrants participent au marché du travail, plus ils contribuent au développement de la société dans laquelle ils évoluent » affirment donc Boudarbat et Grenier (2014 : 38).
L’apport économique et démographique des personnes immigrantes ne représentent pas un problème en soi, au contraire. Or, le problème réside plutôt dans la sous-représentation des apports sociaux et culturels de l’immigration dans le discours politique et dans la croyance populaire. S’étant toutes deux intéressées aux représentations sociales des personnes immigrantes en contexte régional, Lebel-Racine (2008) ainsi que Morin (2012) remarquent que la population favorable à l’immigration (élus et citoyens) considère seulement les bienfaits économiques et démographiques de celle-ci. Rares ou inexistants sont donc ceux qui soulignent les apports sociaux et culturels des immigrants. De plus, les politiques migratoires canadiennes sont de plus en plus reconnues pour chercher les bénéfices de l’immigration en terme de ressources humaines, et ce, en offrant de moins en moins de protections (Frozzini & Gratton, 2015).
Par ailleurs, l’Enquête sociale générale de Statistique Canada sur le don, le bénévolat et la participation s’intéresse entre autres au bénévolat chez les personnes immigrantes. Cette source de données représente un apport considérable à l’état des connaissances sur la participation sociale des immigrants, mais elle a certaines limites que ce présent mémoire cherchera à compenser. En effet, l’ESG utilise une méthodologie principalement quantitative, il ne s’appuie donc pas sur le discours et sur les sentiments perçus des immigrants quant à leur participation sociale au Québec et au Canada.
Finalement, les études s’étant intéressées à la dimension sociale de la participation des personnes immigrantes ont notamment porté sur les déterminants de la participation, donc sur ce qui a favorisé leur implication dans leur milieu. Les déterminants recensés sont de l’ordre sociodémographique (âge, revenu, sexe, scolarité, statut d’immigration, etc.), personnel (qualités individuelles, attitudes envers la participation) et structurel (degré d’ouverture des lieux de participation, possibilités de participer, etc.). Or, il semble que les déterminants d’ordre personnel ont été moins étudiés que les autres, ce que notent d’ailleurs Desmarquis (2009) et Helly (1997).
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