Erreur médicamenteuse
Une erreur médicamenteuse (EM) se traduit par un risque ou un évènement indésirable pour le patient dû à l’omission ou à la réalisation d’un acte non intentionnel impliquant un médicament durant le processus de soins.
C’est l’écart par rapport à ce qui aurait dû être fait lors d’une prise en charge médicamenteuse optimale du patient. Cet écart est évitable et susceptible de provoquer ou d’induire un usage inapproprié du médicament ou de nuire au malade.
Différents dommages peuvent être générés par une EM, notamment l’aggravation de la pathologie, la survenue d’une nouvelle pathologie, l’altération d’une fonction de l’organisme ou encore l’absence d’amélioration attendue de l’état de santé .
On parle d’EM : Avérée : lorsqu’elle est parvenue jusqu’au patient sans avoir été interceptée ; Potentielle : si l’erreur est détectée et interceptée avant l’administration du produit au patient ; Latente : s’il s’agit d’une observation témoignant d’un danger potentiel pour le patient . Malgré leur caractère évitable, l’incidence des EM reste importante.
Lutte contre la iatrogénie dans les établissements de santé
La certification des hôpitaux
La certification est un dispositif d’évaluation externe dont l’objectif est de porter une appréciation indépendante de la qualité des soins des hôpitaux et cliniques en France. Elle a été mise en œuvre par la Haute Autorité de Santé (HAS) pour tout établissement de santé et est effectuée tous les 4 à 6 ans par des professionnels de santé mandatés par la HAS, experts visiteurs. Son but est d’évaluer la qualité et la sécurité des soins dispensés dans les établissements de santé .
Dans le manuel de certification des établissements de santé de l’HAS V2014, le critère 20a indique que la maitrise de la prise en charge médicamenteuse est l’un des critères majeurs de sécurité des patients. Ce critère fait partie des pratiques exigibles prioritaires (PEP) de la V2014, c’est-à-dire qu’il porte sur un thème pour lequel un niveau d’exigence renforcé est attendu et est considéré comme essentiel pour l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins. Il souligne que la continuité du traitement médicamenteux doit être organisée de l’admission jusqu’à la sortie, transferts inclus, à la bonne posologie, selon la bonne voie, dans les bonnes conditions et au meilleur coût, permettant ainsi une diminution de la iatrogénie.
La mise en place d’une démarche qualité concertée de ce processus systémique complexe et pluri professionnel concourt à la prévention de la iatrogénie médicamenteuse évitable .
Le système de santé évolue, les attentes des patients et professionnels de santé également. Ainsi, afin de s’adapter aux mouvements d’évolutions réglementaires, d’opportunités médicales et du nouvel environnement technologique, la 5ème version de la certification, la V2020, s’appliquera à partir de 2020 avec des démarches, des procédures, des méthodes d’évaluations et des outils qui seront simplifiés . Avec cette nouvelle démarche de certification, on va poursuivre les valeurs de la V2014 et les porter dans un nouveau référentiel avec 3 grands axes d’orientation : Médicaliser et mieux prendre en compte les résultats de la prise en charge ; Simplifier l’ensemble du dispositif de certification ; S’adapter aux regroupements d’établissements publics et privés .
Le contrat d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins
Le Contrat d’Amélioration de la Qualité et de l’Efficience des Soins (CAQES) a été créé afin de simplifier et fusionner dans un contrat unique l’ensemble des contrats existants entre les établissements de santé, l’ARS et l’assurance maladie :
Contrat de Bon Usage (CBU); Contrat pour l’Amélioration de la Qualité et l’Organisation des Soins (CAQOS); Contrat de Pertinence des Soins (PAPRAS); Contrat d’Amélioration des Pratiques en Etablissements de Santé (CAPES).
Son objectif est d’améliorer les pratiques en matière de régulation des prescriptions médicamenteuses, de pertinence, de qualité et de sécurité des soins avec un focus fort sur le médicament et les produits de santé.
La notion de CTM a fait son apparition dans l’arrêté du 27 avril 2017 relatif au CAQES notifiant que «l’établissement s’engage à développer des pratiques pluridisciplinaires (…) en vue de garantir la continuité de la prise en charge thérapeutique du patient tout au long de son parcours de soins. Il conçoit et met en œuvre un plan de déploiement de la pharmacie clinique intégré à la politique de management de la prise en charge médicamenteuse et de la CTM».
Avec le CAQES, la pharmacie clinique et plus particulièrement la CTM deviennent des obligations générales des établissements de santé via le développement des pratiques pluridisciplinaires, permettant ainsi de faciliter la concertation entre les établissements de santé, l’ARS et l’assurance maladie. Ce contrat s’inscrit donc dans une démarche globale d’amélioration de la qualité et de l’efficience de soins permettant une lutte contre la iatrogénie.
Impact de la conciliation médicamenteuse associée à la révision des traitements dans la lutte contre l’iatrogénie
Ces dernières années, plusieurs études ont montré les risques d’erreurs pouvant survenir aux étapes de transitions que sont l’admission, le transfert et la sortie du patient, constituant des points critiques dans la continuité des traitements médicamenteux. Ces erreurs peuvent survenir à la suite d’informations incomplètes, erronées ou absentes.
En 2005, Cornish et al. ont évalué à plus de 50 % les patients ayant eu une DNI à l’admission, dont 40 % des cas avec un impact clinique significatif .
Dans l’étude de Vira et al., 60 % des patients avaient au moins une DNI à l’admission ou à la sortie dont 18% avec un impact clinique sévère . Tam et al. ont réalisé une revue de la littérature de 1966 à 2005 dans différentes bases (MEDLINE, EMBASE et CINAHL) et mettent en avant que 27 à 54 % des patients présentaient au moins une erreur dans les antécédents médicamenteux et que 19 à 75 % des divergences étaient involontaires.
Tim Dornan et al. ont montré un taux d’erreur de prescription de 8,9 %, avec un risque d’erreur de prescription augmenté de 70 % lors de l’admission .
D’autres études ont démontré l’intérêt de la CTM dans la lutte contre la iatrogénie dans les établissements de santé Français.
Dans une étude réalisée à l’admission au centre hospitalier de Cambrai, sur 828 patients, 969 DNI ont été identifiées lors de la comparaison de la liste des médicaments pris au domicile et la prescription à l’admission .
Une étude a été réalisée au CHU de Grenoble chez 34 patients, 1 à 4 mois après la sortie d’hospitalisation pour connaître les changements apportés aux 209 prescriptions réalisées à l’hôpital. Après la CMS, 88,5 % des changements ont été maintenus . Une étude a démontré que la révision des prescriptions réalisée à l’hôpital de Hautepierre, chez 257 patients hospitalisés dans un service de rhumatologie, avait entrainée 182 interventions pharmaceutiques (IP), dont 93 % ayant conduit à une modification de la prescription . L’étude française de Pourrat and al. a évalué l’impact de la conciliation de sortie avec la transmission d’information au pharmacien d’officine. Les résultats montrent que pour les patients hospitalisés ou âgés de moins de 75 ans, les interventions sont significativement bénéfiques .
Ces études démontrent l’intérêt de la CTM associée à la RT dans la mise en évidence des DNI lors des étapes de transition et donc son rôle dans la lutte contre la iatrogénie. La CTM permet de sécuriser la prise en charge médicamenteuse du patient tout au long de son parcours de soin grâce à un décloisonnement ville/hôpital.
Elle permet aussi d’intercepter et prévenir les EM (potentiellement iatrogènes) afin de contribuer à une maitrise des dépenses et coûts de santé liés à une potentielle ré-hospitalisation non prévue.
Troubles bipolaires
Le trouble bipolaire (ou maladie maniaco-dépréssive) est un trouble récurrent de l’humeur. C’est une pathologie chronique débutant chez l’adulte jeune dont le handicap est très important se caractérisant par une alternance de phases d’expansion de l’humeur avec une augmentation de l’énergie et des activités (épisodes maniaques ou hypomaniaques) et des baisses de l’humeur avec diminution de l’activité, de l’énergie et la survenue d’épisodes dépressifs. Ces deux phases sont séparées par des intervalles libres plus ou moins longs.
Le trouble bipolaire entraîne pour le patient une vulnérabilité́ chronique, en raison des oscillations de l’humeur plus ou moins permanentes. Durant les épisodes aigus, l’humeur du patient, son comportement et ses activités peuvent être significativement perturbés. 90 % des patients qui ont présenté un épisode maniaque présenteront d’autres épisodes thymiques, ce qui nécessite une prise en charge à vie .
Outils de diagnostic chez l’adulte :Le diagnostic de troubles bipolaires se fait au cours d’un examen clinique psychiatrique réalisé par un médecin à partir de symptômes rapportés, de signes observés et de l’histoire de la maladie qui vont permettre d’appuyer le diagnostic. Néanmoins, les médecins ne disposent pas actuellement de biomarqueurs (caractéristiques biologiques mesurables) qui permettraient de confirmer ce diagnostic.
Le psychiatre va alors identifier deux grands syndromes : le syndrôme dépressif et le syndrôme maniaque. Agissant en alternance, le premier se traduit par une diminution de l’énergie et des activités et le second à contrario, est caractérisé par une hyperactivité motrice. Ces syndrômes doivent répondre à des critères de durée et de retentissement, pour être qualifiés de «dépressif» et de «maniaque» par le psychiatre .
Table des matières
INTRODUCTION
I. Conciliation des traitements médicamenteux et lutte contre les erreurs de prescription
A. La iatrogénie : un problème majeur de Santé Publique
1. Définitions
1.1. La iatrogénie
1.2. Erreur médicamenteuse
2. Incidence en France
3. Règlementation
4. Lutte contre la iatrogénie dans les établissements de santé
4.1. La certification des hôpitaux
4.2. Le contrat d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins
B. La conciliation des traitements médicamenteux
1. Définition et objectifs
2. Principe
3. Contexte international et national
3.1. L’expérience Américaine et Canadienne
3.2. Projet High 5S
3.3. Projet Med’Rec
4. Impact de la conciliation médicamenteuse associée à la révision des traitements dans la
lutte contre l’iatrogénie
5. Interface ville-hôpital : un risque majoré
II. Le patient psychiatrique : un patient à haut risque d’erreur
A. Pathologies mentales
1. Schizophrénie
1.1. Généralités
1.2. Symptômes
1.3. Composante génétique et environnementale
1.4. Diagnostic complexe
1.5. Traitement
2. Troubles bipolaires
2.1. Généralités
2.2. Outils de diagnostic chez l’adulte
2.3. Traitement
B. Comorbidités somatiques associées
1. Incidence de la mortalité
2. Types de comorbidités rencontrées
3. Pathologies et poly médication
4. Facteurs de risque de développer une comorbidité
4.1. Activité physique et sédentarité
4.2. Régime alimentaire
4.3. Dépendances
C. Comorbidités liées au traitement
1. Effets indésirables iatrogènes
1.1. Types d’effets indésirables rencontrés
1.2. Médicaments correcteurs
D. Un suivi médical difficile
1. Désinsertion sociale
1.1. Nomadisme médical
1.2. Un accès aux soins difficile
2. Mauvaise observance thérapeutique
III. Expérience au centre hospitalier Édouard Toulouse dans deux unités pilotes
A. Présentation du centre hospitalier Édouard Toulouse
1. Généralités
1.1. Histoire du centre hospitalier Édouard Toulouse
1.2. Organisation de l’établissement
1.3. Modes d’hospitalisation en psychiatrie
1.4. Rapport médical des activités de l’établissement
2. Le circuit du médicament au Centre Hospitalier Édouard Toulouse
2.1. Sécurisation du circuit du médicament
2.2. Activités de pharmacie clinique
B. La conciliation des traitements médicamenteux associée à la révision de la thérapeutique au Centre Hospitalier Édouard Toulouse
1. Mode opératoire de la conciliation des traitements médicamenteux à l’admission
2. Mode opératoire de la CMS
2.1. Comparaison du BMO avec l’ordonnance médicamenteuse de sortie
2.2. Le lien hôpital-ville
2.3. Entretien pharmaceutique de sortie
C. Matériel et méthode
1. Population étudiée
2. Méthode
3. Indicateurs
D. Résultats
1. Description de la population
2. Conciliation des traitements médicamenteux à l’admission
3. Révision thérapeutique
4. La conciliation médicamenteuse de sortie
5. Évaluation de la satisfaction des pharmaciens d’officine
6. Patients n’ayant pas bénéficié d’une conciliation des traitements médicamenteux à l’admission
7. Proposition de pharmacien d’officine référent
E. Discussion
Conclusion