Le périmètre de la PME en droit fiscal
Avant de s’intéresser à la fiscalité des petites et moyennes entreprises, il est primordial de délimiter le périmètre visé par cette notion. L’article 15 du Code des sociétés définit la petite société en se fondant sur une série de critères. Faut-il se référer à cette disposition lorsqu’on aborde la PME en droit fiscal ? La question sera abordée de façon chronologique. Nous pouvons relater 3 phases consécutives dans l’évolution de la définition de la PME.
Une multitude de critères
Frédéric HALLEUX, Samantha HAULOTTE et Christian VALENDUC fournissent une synthèse des deux premières « phases » de l’évolution du périmètre de la PME dans le bulletin de documentation « Quelle définition pour les aides fiscales aux PME ? » . Nous nous baserons ainsi pour les deux premières sections, sur leur analyse et nous y renvoyions pour les détails. A l’origine, le législateur n’était pas unanime quant à la définition de la PME. Les différentes mesures fiscales se référaient à des notions divergentes. En réponse à une question parlementaire, le secrétaire d’État à la simplification administrative adjoint au premier ministre a relevé qu’il résulte d’un rapport de l’ASA qu’une quarantaine de législations au total se référaient à la petite et moyenne entreprise, tout en utilisant des définitions différentes. Nous pouvons à ce stade isoler d’une part les mesures se référant au critère du taux réduit à l’impôt des sociétés et d’autre part les mesures se référant à d’autres critères.
Incitants se référant au critère du taux réduit
Parmi les différentes dispositions accordant un avantage fiscal aux PME, beaucoup utilisaient le critère de taux réduit à l’impôt des sociétés. Il en était ainsi pour la réserve d’amortissement de l’ancien article 194quater §1 du Code des impôts sur les revenus de 1992 (ci-après « CIR/92 »), le crédit d’impôt de l’article 289bis CIR/92, la non application de la limitation de la première annuité d’amortissement de l’article 196 §2, 1° CIR/92. L’article 215 alinéa 2 CIR/92 prévoit un taux réduit progressif à l’impôt des sociétés. Pour pouvoir en bénéficier, les sociétés doivent d’une part réaliser un bénéfice imposable ne dépassant pas 322.500 euros, et d’autre part, ne pas se trouver dans les exclusions formulées à l’alinéa 3. Cette disposition est alors devenue une référence pour un certain nombre d’incitants.
Ainsi par exemple, l’article 289bis CIR/92 instaure un crédit d’impôt pour les entreprises qui augmentent leur capital par un apport en numéraire. Cette mesure a été introduite par l’article 15 de la loi du 20 décembre 1995 et a pour but de lutter contre l’endettement des entreprises ainsi que d’encourager l’accroissement des fonds propres. Le but du législateur était de favoriser l’autofinancement des PME. Pour bénéficier de cette mesure la société devait pouvoir également bénéficier des taux réduits à l’impôt des sociétés au sens de l’article 215 alinéa 2.
Incitants se référant à des critères autres que celui du taux réduit
Pour d’autres incitants le législateur a choisi de ne pas se référer au critère du taux réduit à l’impôt des sociétés. Nous pouvons citer à titre d’exemple :
– la déduction pour investissement « ordinaire » de l’article 201, alinéa 1er, 1° CIR/92.
– l’immunisation pour personnel supplémentaire des PME visée à l’article 29 de la loiprogramme du 10 février 1998, modifiée par l’article 167 de la loi-programme du 30 décembre 2001.
Arrêt de la Cour d’arbitrage 59/2004
Le recours au critère de taux réduit à l’impôt des sociétés a très vite commencé à poser problème. En effet le fait de franchir le seuil de 322.500€ faisait perdre le bénéfice du crédit d’impôt, mais également des avantages fiscaux se basant sur ce critère. Certaines sociétés qualifiables de « PME » qui se sont vues exclure du bénéfice de ces avantages, se sont alors empressées d’introduire un recours devant la Cour d’Arbitrage en demandant l’annulation de l’article 7 de la loi du 24 décembre 2002. En l’espèce, il s’agissait de plusieurs sociétés considérant qu’il y avait violation du principe d’égalité et de non discrimination des articles 10, 11 et 172 de la Constitution. Selon ces sociétés, la mesure attaquée a pour effet « de créer, sans justification des différences de traitement entre sociétés indépendamment de leur taille, et de favoriser des sociétés qui ne répondent pas à la notion de PME, tout en pénalisant de réelles PME, au motif qu’elles bénéficient ou non du taux réduit à l’impôt des sociétés. ». La cour a finalement suivi ce raisonnement et a jugé que ce critère distinctif était non pertinent et discriminatoire. La distinction entre différentes PME, selon qu’elles bénéficient ou non de taux réduits est donc discriminatoire et non pertinente par rapport aux objectifs poursuivis par la mesure attaquée. « B.6. La mise en œuvre du critère retenu par la disposition attaquée aura donc pour conséquence que certaines P.M.E. ne pourront pas bénéficier de l’exception prévue par celle ci, alors qu’elles se trouvent, par rapport aux objectifs spécifiques poursuivis par le législateur à leur égard, dans une situation semblable à celle des P.M.E. qui en bénéficieront. B.7. Il s’ensuit que le critère retenu n’est pas pertinent et que l’article 7 de la loi du 24 décembre 2002 n’est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution. » .
La Cour d’arbitrage décide donc que l’article 7 de la loi du 24 décembre 2002 sera applicable à toutes les sociétés. Cependant elle maintient les effets de la disposition litigieuse pour l’exercice d’imposition 2004. Il est important de noter que cette jurisprudence a été confirmée par un autre arrêt de la même juridiction, concernant cette fois ci le crédit d’impôt de l’article 289bis CIR/92. De plus la section législation du Conseil d’État a rendu un avis allant dans le sens de la jurisprudence de la Cour. Il est évident que le critère de taux réduit à l’impôt des sociétés a été jugé par la cour comme non pertinent et discriminatoire. Cependant cela n’emporte pas pour autant une harmonisation de la définition de la PME en droit fiscal. Finalement, il ne s’agit à ce stade que d’un signe avant-gardiste qu’une harmonisation de la définition de la PME en droit fiscal est nécessaire.
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