Le pays de Haïti ( Histoire d’un combat pour l’indépendance )

Pour comprendre la situation actuelle de Haïti, il est indispensable de comprendre son histoire et sa culture, très ancrées dans les mœurs de la population. Nous en parlerons régulièrement dans la réflexion car celles-ci inspirent les modes de vie des haïtiens dont il faut tenir compte pour penser l’urbanisme de leurs villes.

Histoire d’un combat pour l’indépendance

En retraçant les évènements passés depuis la découverte de l’île en 1492 par Christophe Colomb, Haïti a été soumis à de nombreuses catastrophes tant naturelles qu’humaines.

La terre vierge de l’île d’Hispaniola a été exploitée et colonisée par les Espagnols pour son or, en réduisant les Amérindiens à l’esclavage. La population indigène s’est éteinte suite à des excès de violence et aux conditions de vie misérables. Nicolas de Ovando, gouverneur espagnol de l’île de 1502 à 1509, fit venir des esclaves noirs d’Afrique pour compenser les pertes autochtones et continuer l’exploitation des terres.

« La conquête espagnole a pour conséquence la première grande tragédie de notre histoire, le génocide de la population autochtone, d’une population évaluée à plus d’un million d’habitants en 1492, il n’en restait que 4000 en 1519. », annoncé lors de la conférence « L’espace haïtien – Comment gouverner la rosée » du professeur et architecte et urbaniste Leslie Voltaire, le 25 juillet 2018, dans le cadre du cours : Urbanisme – Formes urbaines – Pratiques spatiales et aménagement urbain en Haïti à SODADE dans la commune de PétionVille.

En 1530, les richesses de l’ouest commençant à manquer, les Espagnols se sont alors déplacés sur la partie Est de l’île, la République Dominicaine actuellement. Les français se sont donc intéressés à la partie occidentale en s’établissant dans un premier temps sur l’île de la Tortue puis, avec le temps, sur des terres abandonnées par les Espagnols qui s’étendent vers le Sud. C’est en 1777 que la frontière, entre les parties espagnole et française de l’île Hispaniola, est établie officiellement par le traité d’Araniuez.

La culture haïtienne a été le fruit d’une mixité d’ethnies aux coutumes différentes dont principalement celles d’Afrique. Nous noterons que la langue officielle de Haïti, depuis 1987, est le créole haïtien à base lexicale française avec des influences de divers dialectes africains. Aujourd’hui, tant la culture haïtienne qu’africaine, ont évolué indépendamment.

La religion est ancrée dans le quotidien des haïtiens, celle-ci représente beaucoup pour eux par rapport à leur histoire. La religion catholique, imposée par les colons, est restée longtemps dominante mais l’article « L’Église catholique face à la diversité religieuse à Port-auPrince (1942-2012) »   , de Lewis Ampidu Clorméus, souligne la diversité religieuse et notamment celle de la religion vaudou , originaire d’Afrique, beaucoup pratiquée.

« Fondée en 1749, la ville de Port-au-Prince est aujourd’hui le lieu de concentration du pouvoir politique et économique d’Haïti dont elle est la capitale. Durant tout le XIXe siècle, elle fut le théâtre d’événements indiquant la prédominance sociopolitique de l’Église catholique. Jusqu’aux années 1950, cette suprématie reste indiscutable d’autant plus que, dans plusieurs constitutions, la religion catholique revêt un caractère officiel. Mais, depuis environ un demisiècle, les changements opérés dans le paysage sociopolitique et religieux témoignent d’un phénomène de diversification confessionnelle. D’une part, les courants réformés s’engagent dans la conquête la capitale haïtienne. D’autre part, depuis 1986, des associations de promotion du vodou se multiplient et influent sur le jeu politique. » Lewis Ampidu Clorméus, juillet 2017.

Vers la fin du XVIIIème siècle
Les premières cultures ont été celles du tabac et de l’indigo qui demandaient beaucoup de main d’œuvre mais de petites surfaces de terre. Puis, plus tard, la production de sucre et de café a pris le dessus avec de grandes surfaces agricoles. Saint-Domingue, la future Haïti surnommée « la perle des Antilles » connut une période de prospérité grâce à une production et des exportations croissantes. La richesse de la colonie française a été permise, notamment, par l’accroissement de la traite des noirs avec près de 200 000 esclaves et plus tard, en 1789, elle comptait près de 500000 esclaves noirs pour 32 000 blancs et 28 000 affranchis (généralement des mulâtres).

Fatigué de voir les blancs garder tous les privilèges, le système entraîna, en 1791 pendant la Révolution Française, la révolte des noirs qui se transforma vite en une guerre pour leur libération sous la conduite du général Toussaint Louverture (1743 1803). Plus d’un millier de blancs furent massacrés et leurs maisons incendiées, mais leur colère ne fut pas vaine : le 4 février 1794 eut lieu la proclamation de l’abolition de l’esclavage dans toutes les colonies françaises.

La naissance d’un Etat « indépendant »

Après avoir renversé la situation militaire et libéré la moitié du territoire, Toussaint Louverture fut nommé, par la constitution, gouverneur à vie en juillet 1801. En 1802, il fut arrêté par les Français suite à ses intentions d’établir en Haïti une république noire et mourut le 7 avril 1803 en captivité dans le Jura. Un signal de révolte fut lancé par Alexandre Pétion (1770-1818) en octobre 1802. JeanJacques Dessalines (1758-1806) rejoignit les révoltés et provoqua le massacre de la population blanche.

Le 1er janvier 1804, Dessalines déclara l’Indépendance de la République et Haïti fut la première colonie noire ayant gagné sa liberté. Haïti a été une source d’inspiration pour de nombreux pays tels que le Venezuela. Ces évènements resteront toujours très ancrés dans la vie de la population haïtienne. Cependant pour gagner leur liberté, les Haïtiens durent s’endetter d’une somme s’élevant alors à 150 millions de francs pour indemniser la France. En conséquence, les Haïtiens exploitèrent leurs terres pour envoyer leurs richesses en Europe et n’eurent donc pas la possibilité de commercialiser celles-ci. Après l’assassinat de Dessalines en 1806, le pays fut scindé en deux avec le Nord, dirigé par Henri Christophe (1767-1820) et au Sud, la république gouvernée par Alexandre Pétion. A la mort de Pétion, en 1818, Jean Pierre Boyer (1776-1850) lui succéda et quatre ans plus tard parvint à réunifier les deux parties de l’île. C’est lors de son règne, en 1831, que Pétion-Ville fut fondée. Elle eut pour objectif de reprendre le rôle de capitale avec de nombreuses infrastructures développées au fil de temps, mais Port-au-Prince resta la capitale de Haïti. En 1844, l’Est fit définitivement sécession et se nomma République de Saint Domingue et l’Ouest, République d’Haïti.

Haïti, toujours dépendante de la France financièrement, n’a jamais su trouver une stabilité politique.

Un pays sous tension permanente .

Elu président en 1859, le mulâtre Nicolas Geffrard (1762-1806) restaura la république et gouverna le pays jusqu’en 1867. Entre 1859 et 1910, la direction du pays fut exclusivement gérée par des mulâtres qui instaurèrent une période de calme, malgré les troubles financiers du pays.

Après avoir fait pression sur Port-au-Prince, la banque américaine National City acheta, en 1910, une part importante de la Banque de la République d’Haïti, la banque centrale gérée par l’Etat. Ainsi, cette banque étrangère devint à la fois trésorière du pays et disposa du monopole sur l’émission de billets. Inquiétés par les répercussions que pourrait avoir la guerre en Europe sur Haïti, les Américains, déjà présents en République dominicaine, décidèrent d’occuper militairement le pays dès le 28 juillet 1915 et ainsi défendre leurs intérêts. Malgré les fortes protestations haïtiennes et profitant en 1922 de nouvelles élections qui élurent Louis Borno (1865 1942), les Etats-Unis s’engagèrent à apporter une aide politique et économique à Haïti en contrepartie de leur occupation. Nous aurions pu dire que l’occupation américaine a marqué une période de relative stabilité, mais c’est sans parler de l’instauration du travail forcé et de la montée du racisme qui engendra de nombreuses pertes humaines.

L’hostilité que portaient les Haïtiens aux occupants américains, grandissait et entraîna le 21 août 1934 le départ des Américains. Cependant, ils maintiendront leurs contrôles sur les douanes jusqu’en 1946. Un climat d’instabilité s’instaura de nouveau et des dictatures militaires assurèrent la transition du pouvoir à deux reprises, en 1946 et 1950. Le pouvoir resta entre les mains de l’armée jusqu’en septembre 1957, date à laquelle le médecin François Duvalier (1907-1971), dit « Papa Doc » , fut élu président de la République grâce au soutien des noirs qui voulaient lutter contre le règne des mulâtres instauré jusqu’ici. Celui-ci imposa directement une politique répressive, son régime sema la terreur et parvint à étouffer toute résistance. Le 1er avril 1964, Duvalier se proclama « président à vie » et engagea plusieurs massacres contre les opposants avec l’aide de ses partisans membres de la milice paramilitaire, surnommés « les Tontons macoutes ». A sa mort en 1971, son fils, Jean-Claude Duvalier (1951-2014), accéda à la présidence très jeune, d’où son surnom « Baby Doc », et continua d’appliquer la répression installée par son père. Les conditions de vie de la population favorisèrent l’exode de nombreux haïtiens principalement vers les Etats-Unis et le Canada, à partir de la fin des années 1970. Mais en 1986, un soulèvement populaire entraîna la démission et l’exil de Jean-Claude Duvalier dans le sud de la France.

Une instabilité politique qui persiste .

Malgré la fin de l’ère des Duvalier, la répression ne s’arrêta pas là, la corruption et les coups d’Etat militaire entraînèrent des manifestations populaires et des révoltes faisant suite à des assassinats menés par des ex-macoutes et paramilitaires. Jusqu’en 1990, les différents présidents, qui se succédèrent, finirent tous par s’exiler jusqu’à ouvrir la voie à des élections sous contrôle international. Jean-Bertrand Aristide (1953-), un prêtre catholique, accéda à la présidence en redonnant un peu d’espoir au peuple haïtien. Cependant, celui-ci fut vite écarté du pouvoir, renversé par une junte militaire en septembre 1991 et se réfugia aux Etats-Unis. Suite à ce coup d’Etat militaire, les Nations Unies imposèrent des sanctions économiques et internationales contre le nouveau régime militaire. Le 15 octobre 1994, le président Aristide fut rétabli dans ses fonctions grâce à l’intervention militaire des Etats-Unis. Son mandat touchant à sa fin, René Préval (1943-2017) fut élu en 1995 et prit ses fonctions en 1996. Aristide fut réélu en 2000. Mais après plusieurs mois de pression exercée par la France et les Etats-Unis, il remit sa démission en 2004 et quitta Haïti pour l’Afrique du Sud, accusé de corruption et de trafic de drogue. Il fut remplacé par Boniface Alexandre (1936-) suite à un nouveau coup d’Etat militaire. En février 2006, après à une campagne fort agitée, René Préval remporta les élections grâce à l’appui de manifestations populaires et malgré certaines fraudes à son encontre.

Table des matières

Introduction
1. Description du contexte: le pays de Haïti
1.1. Histoire d’un combat pour l’indépendance
La découverte et les migrations
Vers la fin du XVIIIème siècle
La naissance d’un Etat « indépendant »
Un pays sous tension permanente
Une instabilité politique qui persiste
L’impact du séisme de 2010
1.2. Position géographique et structure géologique
1.2.1. Les catastrophes naturelles
1.3. La situation du pays face à ces aléas
1.3.1. La population
1.3.2. L’urbanisme des villes et identification des acteurs
2. L’urgence
2.1. Analyse des différents comportements adoptés par la population à la suite d’un tremblement de terre
2.1.1. La fuite de la population de leurs habitations
2.1.2. La formation de campement
2.2 Cycle de la gestion de l’urgence
2.2.1. Méthodologie de la fermeture d’un camp
2.2.2. Une transition difficile de l’urgence au développement : la réhabilitation des quartiers sinistrés
2.2.3. La situation actuelle
2.3. Propositions d’actions à privilégier afin de mieux se préparer face au tremblement de terre
2.3.1. Prévention, information, diffusion
2.3.2. La participation citoyenne, une force sous exploitée
La notion de participation citoyenne
Le citoyen en tant que simple usager
Le citoyen en tant qu’usager et acteur de son territoire
Des interventions citoyennes exemplatives afin de mieux faire
faces aux aléas climatiques
3. Analyse de projets de réhabilitation de quartiers sinistrés
3.1. La réhabilitation de quartiers sinistrés
3.2. Analyse des projets
3.2.1. Description
Projet Nord Alexis
Projet Union 1B
3.2.2. Analyse critique des projets
3.3. Propositions de critères minimaux qu’un quartier en reconstruction doit rencontrer
Conclusion

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