Le nouvel axe de la centralité métropolitaine des villes méditerranéennes

Le nouvel axe de la centralité métropolitaine des villes méditerranéennes

A partir des résultats obtenus des interviews et du questionnaire, nous essaierons de vérifier  si, dans les trois villes, la recomposition territoriale utilise le patrimoine formant l’espace-mémoire (H 2). La métropole de Marseille, renoue de nouvelles relations avec son interface portuaire, grâce à l’ opération Euroméditerranée (1995), par la récupération de foncier laissé vacant. Elle favorise l’attraction de fonctions métropolitaines de prestige : économiques, touristiques, culturelles, à qui la métropole propose des localisations avantageuses. Le quartier du Panier, bénéficie de ce renouvellement de la centralité, car il propose des localisations en position de centralité, un patrimoine qui garantisse une authenticité et une image renouvelée de cet espace redevenu attractif. Il est possible de déceler une nouvel axe de reconquête de la centralité de Marseille qui relie le Vieux-Port au périmètre Euroméditerranée et au centre des affaires de la Joliette, le long de la rue de la République ; le quartier du Panier qui se trouve dans son immédiate proximité, bénéficie de cette nouvelle dynamique territoriale. Sur ce nouvel axe se déploient les nouvelles fonctions, qui sont en quête de localisation en position de centralité. Toujours dans ce quartier, en ce qui concerne le regard porté sur la rénovation par les habitants anciens, le bénéfice qui provient de la rénovation compense le sentiment de dégradation de la période précédente, le quartier change, l’impression de dégradation régresse. Pour les nouveaux venus, attirés par le village, les propriétaires qui bénéficient de la rénovation du bâti assimilent la rénovation physique à un phénomène qui valorise leur patrimoine immobilier ainsi que celui du quartier du Panier. Nous pourrions nous interroger sur le statut patrimonial des enquêtés, pour déceler des tendances récurrentes parmi les propriétaires traditionnels ou récents. Nous envisagerions de poser autrement la question, de manière plus explicite sur le modèle : bénéficiez-vous de la rénovation de votre quartier ? Le patrimoine culturel immatériel qui participe de la ressource patrimoniale, reste un héritage de vagues migratoires liées à l’histoire coloniale de la métropole de Marseille, qui déposent, dans le quartier du Panier, une sédimentation culturelle corpus identitaire à l’état latent de la ressource territoriale. Il reviendrait donc aux habitants du centre ancien de s’approprier ces territoires de la mémoire, parfois concurrents qui pourraient converger vers une mémoire collective attachée à un territoire au niveau régional. La métropole de Marseille revendique une image cosmopolite, à partir de la dislocation de l’empire colonial, ce qui se traduit par une capacité à accueillir l’étranger. « Confirmant ces observations ponctuelles, les sources statistiques rappellent que la cité phocéenne a accueilli plusieurs groupes nationaux durant le seul XX ° siècle : Italiens pauvres et Grecs à partir de la fin du XIX ° siècle, Russes émigrés en 1917, Arméniens en 1915 et 1923, Espagnols après 1936, Maghrébins depuis l’Entre-deux-guerres, Africains après 1945, Pieds-Noirs après 1962. Correspondant à la fin de l’Empire français, la création de la zone industrialo-portuaire de Fos-surmer suscita une forte attraction pour les étrangers à partir du début des années 60, faisant de Marseille une véritable métropole. » Nous pensons que la dimension éthique de la culture75 s’avère indispensable à la définition d’une mémoire sédimentée du territoire, garante d’une nouvelle centralité. En effet cette mémoire du territoire porte les signes de la vie des populations qui se sont succédées sur l’espace du centre ancien. « On peut apprécier ce quartier, pour des raisons très différentes. cela a été très longtemps un quartier Corse. Cela remonte, à la fin du XIXème et au début du XX ème, ça été le quartier principal d’immigration des Corses, dans chaque rue les gens venaient, de tel ou tel village, ou habitaient cette partie du Panier. Il reste encore des descendants de ces gens-là, qui sont nés là et qui pour rien au monde ne quitteraient ça, donc ils apprécient ce quartier pour ça. Il doit y en avoir un peu, mais de moins en moins. Sans doute aussi les gens, immigrés plus récents, les Comoriens, qui se regroupaient là, ce qui peut avoir le même effet que les Corses et qui apprécient de se retrouver, comme ça dans cette ambiance là. Et puis il y a effectivement, les nouveaux habitants, qui viennent, pour des raisons liées au fait qu’on apprécie le côté tranquille, qu’on est en centre ville, le syndrome Plus belle la vie.76 Une très forte ancienneté de résidence ou une très faible ancienneté de résidence peuvent jouer, dans le même sens pour dire que l’on apprécie le quartier. » (N ° 9) Marseille génère un imaginaire singulier, que l’on détecte, par exemple, dans le générique de la série « Plus Belle la vie ». Les espaces publics, les rues, les places, le café, la lumière, les couleurs, les sons, les bruits, composent une partition harmonieuse propice à la création d’une image valorisée de la métropole qu’affectionne les nouveaux habitants. Il s’agit d’une image moderne qui prend ses distances avec une vision traditionnelle « à la Pagnol ». Les thématiques sont actuelles et sont celles de tous les français. Elle s’oppose en tous points, avec la funeste réputation de Marseille : plaque tournante du banditisme et ville phare de la French Connection, qui bénéficiait des services logistiques du port et de multiples contacts internationaux en particulier avec le Levant. 

L’insertion de la continuité symbolique matérielle des centre anciens

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 Nous allons présenter l’apport des scénarii photographiques à l’analyse de la continuité symbolique matérielle du centre ancien, dans un premier temps nous évoquerons la patrimonialisation (§ 9-2-1), dans un second temps nous nous arrêterons sur la gentrification (§ 9-2-2). 

La continuité symbolique matérielle du centre ancien 

 le scénario 3 Nous proposons de contribuer à l’étude de la continuité symbolique par le recours au scénario 3 du circuit sémiotique : la patrimonialisation, dont nous avons déjà développé l’origine et l’utilisation que nous entendons en faire (conclusion de la première partie et dans la partie II Chapitre 3). Les édifices rénovés sur des parcelles de foncier en situation de centralité et qui bénéficient de qualités architecturales manifestes, se muent en sémiophore ou en système de sémiophores de la continuité symbolique du centre ancien. Ce processus, de réinvestissement symbolique de la forme, constitue le troisième scénario du circuit sémiotique. Le troisième scénario débute par une forme urbaine à laquelle se rattache une fonction donnée et qui s’estompe, la forme perdure et bénéficie d’une mesure de sauvegarde et entre, peu à peu, 419 sous l’effet de sa réappropriation symbolique par les acteurs du territoire, dans le circuit sémiotique, avant de se muer en sémiophore. A Marseille dans le quartier du Panier, la rue Caisserie, située dans le secteur sud, considérée comme une limite du Panier aligne des immeubles de style, mais dont la mise en valeur des rez-de-chaussée commerciaux connaît l’instabilité et le turn over. La montée des Accoules, dans le secteur ouest, le plus dégradé, présente un immeuble en rénovation, des façades fermées et une vacance de toute fonction. Dans le secteur est, la Place des Moulins, représente une qualité d’habitabilité maximale, elle bénéficie d’une mise en valeur que nous remarquons sur la façade des immeubles. Cet ensemble en quadrilatère qui accueille le groupe scolaire devient un système de sémiophores qui qualifie le secteur est, le Panier, la ville de Marseille. Cette représentation rejoint les images véhiculées par certaines agences immobilières et certains médias pour « vendre le Panier », comme village provençal au cœur de Marseille, aux nouveaux habitants. En outre le prix du mètre carré avoisine les 3000 €. (Photo 1) A Thessalonique, dans le quartier de Ano Poli, dans le secteur nord, en lisière du secteur est, le mieux rénové, odos Aximeos, illustre le processus de modernisation d’une forme ancienne par la modernisation de la fonction résidentielle. La forme initiale présente une avancée du premier étage sur la rue, selon le modèle régional macédonien, qui se rattache plus largement à un système oriental de formes. La chromatique ocre, rattache ce bâtiment à une tradition architecturale. Cet îlot figure sur les plans de sauvegarde et de protection. La similitude des formes avec l’état initial de l’objet rehausse la valeur patrimoniale de l’ensemble. Au bout de la rue le Catholicon de Saint Nicolas l’Orphelin, Haghios Nikolaos Orphanos85, datée de 1310-1320, dont la forme s’est perpétuée sous la période ottomane. Ainsi l’îlot décrit ci-dessus bénéficie de ce patrimoine religieux monumental et de son prestige culturel, en outre la préservation du jardin clos, fournit un espace public attractif. Cet îlot fonctionne comme un système de sémiophores de la vieille Thessalonique. Pour s’en convaincre il n’est qu’à consulter les cartes postales des années 1915-1920, copiées et diffusées largement chez les marchands du Pit Bazar.

La continuité symbolique matérielle du centre ancien 

le scénario 5 Le cinquième scénario est initié par une forme urbaine, à laquelle se rattachait une fonction donnée ; celle-ci ne perdure plus, mais la forme conservée et rénovée se voit affecter une fonction nouvelle souvent tertiaire ou culturelle. Nous avons intitulé ce scénario : gentrification. L’objet patrimonial acquiert le statut de sémiophore. Le processus de patrionialisation/gentrification atteint son stade ultime, les fonctions du centre ancien se diversifient rapidement : leur localisation, les critères architecturaux et d’ancienneté, répondent à une demande complexe d’acteurs en position de conduire des stratégies au niveau local/régional. Nous avons étudié de manière détaillée, dans le Chapitre 1 à Marseille, Thessalonique et Séville, plusieurs édifices significatifs, que nous rattachons au scénario 5. A Marseille, dans le quartier du Panier, dans le secteur sud, la rue Caisserie, accueille aux rez-de-chaussée commerciaux, des commerces alimentaires de proximité. La façade régulière, sur trois étages présente la forme classique de l’immeuble sur une parcelle étroite, typique au Panier. Dans le secteur ouest, la rue Baussenque figure un axe sévèrement dégradé, surtout en sa partie médiane qui donne sur la place du Refuge. Les volets clos indiquent une présence, mais interrompent la continuité avec l’espace public. L’enseigne restaurée, joue désormais le rôle de sémiophore du Panier d’autrefois 87 . Elle intègre un système de sémiophore, plus vaste qui s’étend au quartier et aux espaces centraux de Marseille, pour symboliser la mémoire du village. La gamme chromatique, associe le jaune et l’ocre, qui se décline en de nombreuses nuances et tonalités. Les ocres du Roussillon, de Sienne, d’Ombrie, procurent des tonalités chaudes qui renvoient à une identité visuelle méditerranéenne. « La palette du Panier est riche et variée : c’est grâce à la présence de badigeons de chaux qui revêtent un bâti de type traditionnel aux dimensions humaines dans un quartier populaire, dont les habitants, d’origines et de cultures diverses, bien qu’encore méditerranéennes, y ont implanté leur mode de vie. »

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