« La justice sera réformée par un triple saut » , a annoncé KOEN GEENS, l’ancien ministre de la Justice dans un « Plan justice » du 18 mars 2015. Ce dernier s’est donné pour objectif de réformer fondamentalement le Code de procédure pénale. Il a alors composé une Commission chargée de cette rédaction . Une proposition de loi contenant le Code de procédure pénale a été déposée le 11 mai 2020 par S. VERHERSTRAETEN et B. SLEGERS.
La Commission de réforme a proposé des changements importants et notamment la suppression de « l’engagement de l’action publique par une plainte avec constitution de partie civile » . En contrepartie de cette suppression, elle propose d’introduire un nouveau droit, qui est le droit de recours contre une ordonnance de classement sans suite. Le présent travail de fin d’études portera sur la place laissée à la victime dans cette proposition de loi. La réforme opère des changements fondamentaux et propose la modification, voire la suppression de droits primordiaux pour la victime. Cette dernière n’a pas toujours été reconnue et a souvent été « l’oubliée » du procès, bien qu’au fil des années, elle y ait pris une place de plus en plus importante.
Au fil des années, la victime a pris de plus en plus de place dans le procès. À la suite des événements marquants des années nonante et notamment des affaires « Dutroux » et « Tueurs du Brabant », le système pénal belge a été réformé par la loi Franchimont du 12 mars 1998 , aussi appelée « Petit Franchimont ». Cette réforme a apporté des changements majeurs au Code de procédure pénale belge de 1808 et a apporté de nombreux droits à la victime, en insérant une vingtaine de dispositions consacrées à celle-ci . Cette loi a remis sérieusement en cause le caractère inquisitoire de l’enquête. Elle a été complétée par de nombreuses lois et notamment la loi du 27 décembre 2012 portant diverses dispositions relatives à la justice, venue étendre plusieurs droits pour la victime (ces droits seront évoqués plus en profondeur dans les chapitres suivants).
Parmi les droits que cette loi a apportés, figurent le droit d’accès au dossier répressif et le droit de demander des devoirs d’enquête complémentaires. Ces droits apportent un rôle actif à la victime. À titre plus anecdotique, la loi Franchimont a également créé le terme de « personne lésée » . Plusieurs lois ont ensuite suivi cette grande réforme, en apportant toujours plus de droits et d’importance à la victime. L’objectif de la loi Franchimont était d’exprimer explicitement une préoccupation pour les victimes et elle a d’ailleurs prévu à l’article 3 du Code de procédure pénale, que les victimes d’infractions ainsi que leurs proches devaient être traités avec attention, notamment en leur donnant des informations et en établissant un contact avec les services spécialisés, comme les assistants juridiques. L’article 46 de la loi du 5 août 1992 relative à la fonction de police, prévoyait déjà d’ailleurs que la police doit mettre les personnes qui demandent de l’aide et de l’assistance en contact avec des services spécialisés.
Afin de compléter la réforme « Petit Franchimont », une autre tentative de réforme a eu lieu, appelée « Grand Franchimont ». Ce projet comprenait le projet de loi adopté par le Sénat et déposé à la Chambre en 2005. Cependant, semblant trop irréaliste, il fut retiré par la Chambre.
En outre, même si la Belgique accorde une position forte à la victime, ce n’est pas un phénomène exclusivement national puisqu’elle a subi une grande influence européenne. En effet, plusieurs directives européennes ont été adoptées concernant les victimes. Parmi celles-ci il y a notamment la directive 2012/29/UE du 25 octobre 2012, obligatoire en raison de la ratification de cette directive en Belgique. Cette dernière qui établit des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes remplace la décision-cadre du 15 mars 2001 qui accordait déjà une grande reconnaissance à la victime. À côté de cette influence européenne, dans le cadre du travail au sein des parquets du procureur, diverses circulaires accordant aux victimes certains droits ont été mises en place. En guise d’exemples, il existe la circulaire du 15 mai 2012 sur l’interdiction temporaire de résidence en cas de violence domestique, la n°06/2018 concernant l’autorisation de consulter le dossier ou d’en obtenir une copie, une autre n°16/2012concernant l’accueil des victimes au sein des parquets et tribunaux, ou encore la circulaire n°17/2012 concernant le droit de rendre un dernier hommage en cas de meurtre. Enfin, il est important de mentionner qu’assez récemment, dans un exposé d’orientation politique du 4 novembre 2020, le nouveau ministre de la Justice, V. VAN QUICKENBORNE, a fait part de son souhait de placer la victime au centre du procès pénal en lui accordant plus d’attention et notamment aux victimes de violences sexuelles par exemple. Il s’agit là d’une affaire à suivre.
INTRODUCTION GENERALE |