Le notaire et l’avocat promoteurs d’une sortie pacifiée du divorce

L’endiguement des conflits pécuniaires par l’intervention neutre du notaire

Dans un premier temps, pour parachever l’oeuvre de pacification, il paraît opportun de se pencher sur l’anticipation du règlement des intérêts patrimoniaux grâce au notaire (A) et dans un second temps de s’interroger sur la qualité d’expert et le réel pouvoir d’initiative du notaire (B).

L’anticipation du règlement des intérêts patrimoniaux grâce au notaire

Avant la loi de 1975, le notaire intervenait essentiellement lors de la liquidation après le prononcé du divorce. La loi de 11 juillet 1975 a intégré le notaire dans la procédure de divorce, son domaine d’intervention s’est étendu. Avant le jugement lors du règlement des conséquences du divorce dans le cas d’un divorce sur requête conjointe, le notaire intervenait en présence de bien immobilier soumis à publicité foncière. Dans les divorces contentieux, il pouvait intervenir à la demande des époux pour constater toute convention portant liquidation et partage de la communauté (ancien article 1450 du Code civil) soit à la demande du juge en cours d’instance pour établir un projet réglant les conséquences financières des époux et dresser un projet de liquidation du régime matrimonial (ancien article 1116 du N.C.P.C.).
L’allègement procédural du divorce par consentement mutuel place la convention comme l’élément déterminant de la procédure gracieuse. En effet, la désunion judiciaire dépend de la qualité de la convention. Autrement dit, il est préférable pour des époux désireux de divorcer de mettre toutes les chances de leur côté afin d’obtenir l’homologation. Pour s’en assurer le notaire est un important allié dans l’élaboration de la convention, son domaine de prédilection étant les rapports pécuniaires. Par conséquent, il se consacre essentiellement à mettre en conformité les aspects patrimoniaux avec ce qui est exigé par la loi. Sous peine d’irrecevabilité la convention doit contenir entre autres un état liquidatif du régime matrimonial, et celui-ci doit être passé en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation comporte un bien soumis à publicité foncière (article 1091 du C.P.C.). « Ceci implique que l’ensemble des aspects patrimoniaux aient été définitivement, intégralement et irrévocablement, sous la seule réserve suspensive de l’homologation, réglés avant le dépôt. »158Le notaire dans la nouvelle procédure de divorce par consentement mutuel doit dresser un projet d’état liquidatif qui sera présenté au magistrat dès le début de la requête. En effet, il doit établir un état liquidatif en peu de temps, sans entacher la qualité de celui-ci, d’autant plus que les époux peuvent émettre quelques pressions n’attendant plus que ce document pour avoir une convention complète pour divorcer. Pour que la célérité de la procédure soit respectée, les avocats doivent collaborer dès le début de la procédure avec le notaire, en lui demandant de dresser un état liquidatif afin que cet état soit prêt lors de la requête. « En définitive, dans la procédure de divorce par consentement mutuel, le notaire exécute le même travail mais il le commence beaucoup plus tôt, à un moment où l’instance judiciaire n’est pas engagée. »

La qualité d’expert et le réel pouvoir d’initiative du notaire

La qualification du notaire d’expert lorsqu’il intervient à la demande du juge dans la procédure de divorce est réductrice et minimise son degré d’influence dans la réalisation des objectifs posés par la loi. Son rôle, lorsqu’il est désigné par le juge est proche de celle d’un expert (article 255,9° et 10°). En effet, il est désigné soit d’office par le juge soit à la requête des deux parties, comme pour un technicien. Le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par une expertise (article 232 du C.P.C.).Le juge fixe également l’étendue de la mission confiée au technicien.168 Pareillement, au cours de la procédure de divorce le juge peut désigner un notaire ou tout professionnel qualifié (notamment le notaire), dans un but précis, soit dresser un inventaire estimatif, soit faire de propositions quant aux règlements des intérêts pécuniaires des époux ou soit élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager. La mission impartie par le juge tend à solliciter du notaire la proposition d’une solution dans un domaine technique limité, c’est –à dire patrimonial, immobilier et relatif à la liquidation et le partage. L’intervention du notaire comme celle de l’expert se justifie par les difficultés rencontrées par le juge. Notamment, celles qui découlent de la complexité du règlement des conséquences financières nécessitant un état précis du patrimoine commun des époux accompagné de propositions de solution.
Dans l’exercice de sa mission, le notaire possède des pouvoirs similaires à l’expert (article 259-3 du Code civil). Le notaire peut donc invoquer les pouvoirs d’investigations conférés au juge par l’article 259-3 du Code civil. Il doit réunir un certain nombre d’éléments pour cela : «Les époux doivent se communiquer et communiquer au juge ainsi qu’aux experts ‘et autres personnes désignés par lui en application des 9°et 10° de l’article 255`, tous renseignements et documents utiles pour fixer les prestations et pensions et liquider le régime matrimonial. » L’article 267 alinéa 4 prévoit de faire procéder à toutes recherches utiles « auprès des débiteurs ou de ceux qui détiennent des valeurs pour le compte des époux sans que le secret professionnel puisse être opposé »
Le tribunal ne sollicite pas le notaire en tant que technicien pour apprécier une question de fait qui échappe à ses aptitudes, mais avant tout en sa qualité d’officier public (celui qui a reçu de l’autorité publique le pouvoir d’authentifier certains actes et d’apposer la formule exécutoire au nom du peuple français). Ainsi, le juge n’interroge pas le notaire pour l’éclairer avant de trancher une question dont il resterait saisi. Bien au contraire, il l’investit en propre de la mission de règlement des intérêts patrimoniaux des ex-époux. «Ce n’est en effet que dans l’hypothèse où les parties n’arrivent pas à s’entendre que le tribunal est à nouveau saisi sur les points de difficulté par le procès verbal dressé par le notaire. »172 Dès lors, si le notaire n’a pas réussi à faire transiger les époux sur l’aspect patrimonial du divorce, alors, le juge intervient. Par conséquent, le notaire dispose d’un réel pouvoir d’impulsion du règlement des conflits préalable à l’intervention du juge, contrairement à l’expert.
L’expert doit rendre des comptes et c’est au juge, en fonction des diligences accomplies, du respect du délai imparti et de la qualité de son travail, qu’il appartient de fixer sa rémunération. En effet, l’expert ne peut être payé directement par les parties.
Contrairement au notaire, qui peut être directement rétribué par les parties notamment si le projet du notaire recueille l’accord des parties, il se transforme en contrat auquel le notaire confère la forme authentique. Dans un arrêt du 4 juillet 2006173, la Cour de cassation semble confirmer cette solution. « Les dispositions des l’article 6§1 de la Convention EDH et l’exigence d’impartialité ne sont pas applicables au notaire chargé d’établir le projet liquidatif de la communauté et celui-ci n’a pas l’obligation de communiquer à l’avance le projet d’état liquidatif par lui établi. »

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La garantie d’une sortie efficace du mariage par la synergie des acteurs du divorce

Le terme synergie a été repris par plusieurs auteurs ; il caractérise la mise en commun de plusieurs actions dans la réalisation d’un but unique. La collaboration permet de garantir la sécurité des parties (A) et elle paraît nécessaire à la prévention du conflit (B).

Une collaboration nécessaire pour accéder au divorce

Jusqu’à présent l’acteur principal du divorce était l’avocat en tant que défenseur, le notaire quant à lui n’intervenait qu’au cours de la liquidation après le prononcé du divorce. La procédure a laissé aux époux une grande liberté contractuelle, qui a eu pour influence d’une part de renforcer la présence de l’avocat et d’autre part de rendre nécessaire l’intervention du notaire dans la procédure. « Cette nouvelle philosophie de la procédure a conduit à un redéploiement des tâches processuelles et à l’instauration d’une véritable équipe divorçante, sur le modèle des équipes médicales : il faut établir un diagnostic de la situation matérielle et immatérielle des époux, trouver les remèdes adaptés à leurs exigences, et proposer au juge de parfaire le traitement par le prononcé de la rupture ».
La loi de 2004 renforce la finalité de la loi de 1975. Elle a donné une place importante au notaire. Cette redistribution des rôles impose un réajustement positionnel de chaque acteur. « Notaire et avocat deviennent dans le divorce des compagnons de route tout au long de la procédure. » 176Une collaboration est par conséquent indispensable afin de parvenir au règlement rapide et pacifique et surtout le plus adapté aux intérêts des époux.

Une collaboration nécessaire pour prévenir les conflits

Au-delà du prononcé du divorce, leur coopération peut avoir également son importance. Une fois le divorce prononcé, la présence de l’avocat n’a plus lieu d’être. Il reste au notaire liquidateur lorsque des difficultés persistent à établir un procès verbal recensant les points de désaccords et d’accords. Cependant l’articulation de la désignation du notaire sur le fondement de l’article 255(10°) et le fait que le juge puisse trancher les points de désaccords suite au projet établi par le notaire sur le fondement de ce même article modifie la stratégie du divorce. En effet, la concertation notaire et avocat peut avoir un intérêt, car d’une part l’avocat peut par son intervention garantir le recensement des points de désaccords de son client et les motifs de ce désaccord et d’autre part il peut également de par son expérience indiquer au notaire lors de la rédaction du projet de liquidation les attentes du juge.
Le rapport du notaire doit être de qualité car c’est grâce à ce document que le juge va avoir connaissance de l’ampleur des différends pour trancher et réduire les risques d’une prolongation des relations patrimoniales entre ex-époux. « La liquidation du régime matrimonial n’est pas qu’une relation comptable et financière ; elle peut bloquer, pour des raisons psychologiques et personnelles. Elle doit être évoquée et appréciée dès le début de la procédure comme le ‘tissu fondamental` de la résolution du conflit patrimonial. C’est dire la nécessité et l’intérêt qu’il y a pour l’avocat et le notaire de se rencontrer le plus rapidement possible. Avocat et notaire ne doivent jamais se sentir en opposition ; ils doivent au contraire collaborer chacun dans leur ‘spécialité`pour permettre aux époux en état de crise de parvenir à une situation équitable et responsable ».
Même si leur rôle est sensiblement différent, en effet, l’intervention du notaire se fait uniquement dans l’intérêt du couple ; contrairement à la mission de l’avocat qui même si il doit se contraindre à la recherche du consensualisme, doit également conseiller son client et défendre ses intérêts. Cela ne doit pas faire obstruction à leur collaboration. Il faut que soit « mise en oeuvre une collaboration effective et réelle afin d’élaborer un code de bonne pratique. » 181
Pour appréhender au mieux le divorce, « le législateur a mis en place un réseau de professionnels : au centre du dispositif, le juge, homme-orchestre, relayé par d’autres compétences. Cette professionnalisation du divorce conduit à une certaine normalisation du mécanisme presque au sens de normes agrées ».182A force d’allègement, d’assouplissement et de raccourcissement et de pacification, la procédure s’est débarrassée d’un certain nombre de freins (procéduraux). C’est ainsi que le procès du divorce est devenu une sorte de rouage bien rodé qui conduit presque inévitablement au divorce. Si les époux s’appliquent à suivre rigoureusement les règles alors ils obtiendront leur habilitation pour sortir du mariage. L’ouverture au divorce tant sur le plan de son accessibilité que sur le plan de son obtention exige un maniement habile de cette grande liberté laissée par la loi. La libéralisation du divorce a eu pour conséquence de concentrer entre les mains des professionnels la réussite du divorce. L’obtention du divorce est certes favorisée par la suppression des obstacles procéduraux, maiségalement, par l’objectivation des voies judiciaires.

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