Le nitrure de gallium

Le nitrure de gallium 

Introduction

 Les matériaux nitrures permettent de repousser les limites des matériaux semi-conducteurs usuels pour un grand nombre d’applications, aussi bien dans les domaines de la microélectronique que celui de l’optoélectronique et de l’électronique en milieu hostile. Le fort potentiel de cette filière a stimulé un effort extraordinaire dans le monde de la recherche. Ces matériaux ont ainsi connu un intérêt croissant depuis les années 1990 afin de mettre à profit leurs caractéristiques. Il est vrai qu’une grande majorité de composants électroniques sont réalisés à base de silicium ; le carbure de silicium a longtemps semblé être le candidat idéal malgré sa faible mobilité de porteurs et ses problèmes de pièges. Cependant, les applications dans le domaine civil ou militaire nécessitent l’utilisation de puissances de plus en plus importantes à des fréquences élevées. C’est alors que le nitrure de gallium a focalisé l’attention des recherches au niveau composant. Ce matériau présente de très bonnes propriétés électroniques pour la puissance aux hautes fréquences. Les transistors HEMTs résultants sont des composants hyperfréquences performants pour des systèmes d’émission réception et pour le traitement des signaux hyperfréquences (amplificateurs, mélangeurs et oscillateurs). Dans le domaine civil, l’une des applications majeures concerne le domaine des télécommunications et en particulier pour l’amplification des signaux en émission/réception dans les stations de base. Dans ce premier chapitre, une présentation des caractéristiques physiques et électriques du nitrure de gallium au travers des propriétés des autres semi-conducteurs sera réalisée afin de mettre en exergue l’adéquation de ce matériau pour les applications de puissance micro-onde. Enfin, les effets limitatifs dans le HEMT GaN seront abordés tels que les effets thermiques et de pièges, puis les points clefs tels que l’augmentation de la tension de claquage ou de la densité de porteurs seront évoqués, suivi d’un état de l’art concernant les transistors HEMT ainsi qu’un état de l’art des amplificateurs de puissance large bande pour la technologie nitrure de gallium.  

Le GaN: un matériau à fort potentiel pour : un matériau à fort potentiel pour les applications de puissance les applications de puissance 

Les semi-conducteurs grand- gap

Historique 

Les matériaux semi-conducteurs sont progressivement apparus avec la radio électricité. D’abord la galène, puis l’oxyde de cuivre, le sélénium et enfin le germanium. Ces matériaux étaient poly-cristallins et étaient utilisés pour réaliser des détecteurs et des redresseurs. Les propriétés curieuses, et même versatiles de ces matériaux ont interpellé les chercheurs. Les effets semiconducteurs ne sont apparus qu’avec la mise au point de techniques de purification extrême. Il faut en effet obtenir une pureté de 10-12 pour pouvoir réaliser un transistor. Les premiers matériaux semiconducteurs modernes (silicium dopé de type N et P) ont été réalisés par S. Ohl, J.H. Scaff et H.C. Theurer aux Bell’s Laboratories au début de l’année 1940 sous la direction de W.H. Brattain. Des jonctions PN furent ensuite réalisées et la technique de fabrication des monocristaux par tirage fut mise au point vers 1947. La théorie des semi-conducteurs s’était développée à partir des travaux théoriques de Brillouin. Les semi-conducteurs sont caractérisés par leur bande interdite ou gap, qui sépare les derniers états occupés de la bande de valence et les états libres suivants dans la bande de conduction. Les électrons dans la bande de conduction et les trous dans la bande valence ont une énergie qui dépend de leur vecteur d’onde. On repère ainsi le maximum de la bande de valence et le minimum de la bande de conduction. Lorsque le minimum de la bande de conduction possède le même vecteur d’onde que le maximum de la bande de valence, le gap est dit direct et il est dit indirect dans le cas contraire. Le monde des semi-conducteurs est dominé, en terme de marché, par le silicium. Ce dernier a un gap indirect de 1.11eV. Le germanium, moins utilisé, a également un gap indirect de 0.66eV. Ces matériaux, étant utilisés depuis longtemps, ont défini une valeur de référence pour le gap de l’ordre de 1eV. On distingue alors les semi-conducteurs petit gap qui ont une bande interdite très inférieure à 1eV et les semi-conducteurs grand gap qui ont une bande interdite très supérieure privilégiés pour la puissance RF 7 (Figure 1-1), [1.58]. Par exemple, le carbure de silicium SiC est un matériau grand gap, de valeur variant suivant les polytypes autour de 3.3eV : il est de gap indirect. Le diamant, réseau cubique de carbone, est un dernier exemple de semi-conducteur à base d’atomes de la colonne IV du tableau périodique des éléments. Il est de gap indirect de valeur 5.5eV. D’autres semi-conducteurs existent ou ont été réalisés à partir des éléments des colonnes III et V ou encore II et IV. Les semiconducteurs III-V sont presque tous à gap direct et sont les champions des dispositifs optoélectroniques et électroniques hautes fréquences. L’arséniure de gallium AsGa est le représentant le plus connu, de gap 1.41eV. L’InP en est un autre, de gap 1.35eV. Leur grande force réside dans le nombre très grand d’alliages possibles entre Ga, As, Al, In et P. Cependant, le gap reste toujours inférieur à 2eV environ et ainsi on ne peut pas les considérer comme des matériaux grand gap.Cette famille de semi-conducteurs III-V s’est agrandie par la venue d’un nouveau matériau, le nitrure de gallium GaN. Également direct, le gap du GaN atteint 3.43eV à 300K. C’est donc un matériau grand gap, qui complète la gamme spectrale de la famille III-V, qui concurrence les composés II-VI à grand gap direct dans le domaine optoélectronique et qui concurrence les composés à grand gap indirect comme le SiC et le diamant pour l’électronique haute température et forte puissance. Un atout supplémentaire et non des moindres du GaN, est la possibilité de réaliser des alliages InGaN et AlGaN (L’addition d’aluminium permet d’augmenter le gap pour atteindre 6.2eV dans AlN).  Le nitrure de gallium n’est en fait pas si nouveau que cela. Dès les années 1970, le potentiel du GaN pour le bleu n’avait pas échappé aux chercheurs, notamment J. Pankove à RCA et l’équipe de R. Dingle aux Bell Laboratories. Une diode électroluminescente bleue avait même été fabriquée. Dans les années 1980, seul un effort très réduit fut poursuivi au Japon par L. Akasaki. Cet effort a débouché au début des années 1990 sur une technique de croissance qui permit d’obtenir des couches de qualité raisonnable. Ces efforts universitaires furent vite relayés par un chercheur industriel de la société Nichia (Japon). Le dopage fut amélioré et des diodes électroluminescentes (DEL) fabriquées. Les performances augmentèrent très vite face à la faible concurrence des autres semi-conducteurs. Cet événement eut un tel retentissement mondial que de très nombreux laboratoires dans le monde entier se mirent à travailler très activement sur ce sujet qui est devenu le sujet de recherche en semi-conducteur le plus actif des années 1990. La motivation est d’abord la réalisation de sources optiques dans le bleu (DEL et laser). Mais les applications du GaN ne s’arrêtent pas aux seules sources bleues : l’électronique de puissance et la détection ultraviolet intéressent des sociétés comme Hughes, Northrop-Grumann, Honeywell, Thomson-CSF devenu Thalès et tant d’autres… Ces matériaux grand gap se révèlent désormais comme des matériaux quasi-idéaux pour la réalisation de transistors de puissance haute fréquence. 

Principales propriétés physiques mises en œuvre dans les performances des transistors de puissance 

Une présentation des principales caractéristiques des matériaux permet de mettre en avant leurs potentialités pour la génération de puissance micro-onde.L’intervalle situé entre le niveau inférieur de la bande de conduction et le niveau supérieur de la bande de valence d’un matériau se nomme bande interdite Eg. L’énergie de bande interdite est une mesure de la quantité d’énergie nécessaire à un électron pour passer de la bande de valence à la bande de conduction sous l’impulsion d’une excitation thermique par exemple. Cette quantité est un facteur de la capacité du matériau à supporter une forte température, elle définit la température maximale de fonctionnement du transistor. En effet, la largeur de bande interdite fixe la limite en température au-dessous de laquelle le dispositif peut fonctionner sans détérioration, ainsi que l’aptitude du semi-conducteur à résister aux radiations. La variation théorique du gap en fonction de la température est représentée sur la Figure 1-4. On peut constater que la largeur de la bande interdite décroît avec la température suivant l’équation indiquée sur le graphique et les paramètres donnés dans le Tableau 1-2. 

Champ de claquage 

Le champ critique ou de claquage Ec est un paramètre primordial à prendre en considération pour les performances en puissance d’un transistor. La tension maximale de fonctionnement du composant découle de ce paramètre. Plus le champ critique est élevé et plus la réalisation de transistors de petites dimensions avec des dopages plus importants sera possible. Par conséquent, le composant présentera une transconductance supérieure, un gain plus fort en puissance, des fréquences ft et fmax plus élevées et un meilleur rendement dû aux résistances d’accès plus faibles. Les matériaux grand gap ont un champ de claquage très important en comparaison au silicium ou à l’arséniure de gallium comme on peut le voir sur la Figure 1-5. Nous pouvons constater qu’il y a un rapport de 8 entre le champ de claquage du GaAs et celui du nitrure de gallium et un rapport de plus de 20 entre le champ de claquage du GaAs et celui du diamant. La valeur de ce champ de claquage est directement liée à la largeur de bande interdite par la fonction : 3 Ec Eg ∝ 2 Eq 1-1 ce qui traduit que plus le gap d’énergie est important, plus le champ de claquage est élevé (Figure 1-5) mais aussi que le champ de claquage diminue lorsque la température augmente.  Le fait d’avoir un gap important et donc un champ de claquage très élevé permet aux transistors grand gap de supporter des tensions de polarisation importantes, ce qui est très intéressant pour les applications de puissance mais aussi pour les qualités d’adaptation d’impédance des transistors de grande taille.

Densité de porteurs intrinsèques 

Un semi-conducteur est dit pur ou intrinsèque lorsqu’il est sans défaut que ce soit chimique ou structural. À la température de 0K, la bande de conduction est vide et la bande de valence saturée : il n’y a pas de porteur de charge. Lorsque la température augmente et qu’un électron passe de la bande de valence à la bande de conduction, un trou apparaît dans la bande de valence. Il y a ainsi la même quantité d’électron que de trous. Leur concentration est alors nommée densité de porteurs intrinsèques notée ni (cm-3) dont l’expression est :où Nc et Nv représentent les densités effectives d’états dans les bandes de conduction et de valence respectivement données par les expressions ci-dessous et k, la constante de Boltzmann (1,38.10-23 J/K soit 8,6174.10-5 eV/K)

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