Le neavus blanc spongieux ou hamartome spongieux muqueux

La stomatite candidosique

Définition et présentation clinique

Les Candida sont des champignons microscopiques appartenant à la famille des levures. Seul Candida albicans est un hôte saprophyte exclusif des muqueuses (respiratoires, vaginales, digestives). Il n’est jamais retrouvé sur la peau saine à l’instar des autres levures candida qui peuvent se trouver normalement sur la peau et les muqueuses. Un enfant sur trois est porteur sain de Candida albicans.(1,3–5)
Sous l’influence de facteurs locaux, généraux (déficit immunitaire, hémopathie) ou iatrogéniques (antibiothérapie récente, corticothérapie) la levure Candida albicans passe du statut saprophyte à celui de parasite entraînant des manifestations pathologiques (1,3,4).
Les modalités d’infection sont au nombre de deux :
– par voie endogène avec une porte d’entrée digestive ou génitale. Cette modalité est la plus courante
– par voie exogène (beaucoup plus rare), comme la contamination du nouveau-né par la mère atteinte de vaginite candidosique au moment de l’accouchement (candidose néonatale) (6,7). On peut également retrouver une transmission au nourrisson via le lait maternel (8). Cependant, Azevedo et coll. (2020) dans une revue de la littérature ont constaté qu’il n’y a pas de différence de contamination fongique entre les enfants allaités au sein et ceux nourris avec le lait artificiel. Cela peut s’expliquer par la présence de facteurs antimicrobiens dans le lait maternel (7).
Dans de rare cas chez l’enfant immunodéprimé, Candida albicans peut provoquer des septicémies ou des lésions viscérales profondes dues au terrain immunitaire fragile.
Le diagnostic positif de candidose buccale tient compte de deux aspects :
– l’aspect clinique, qui est en règle générale très évocateur et suffisant à lui seul pour poser un diagnostic,
– l’aspect biologique. En effet dans certains cas (lésion atypique, résistance au traitement bien mené), on cherchera une confirmation du diagnostic par un examen mycologique avec une technique simple et un résultat rapide.
Les manifestations cliniques de la candidose peuvent revêtir différentes formes : aiguës, subaiguës, ou chroniques. Ces candidoses restent généralement localisées. Les formes diffuses rares se retrouvent le plus souvent chez l’enfant et le nourrisson. Il faudra chercher la ou les facteurs favorisants l’apparition de la candidose (3). En effet la stomatite candidosique peut résulter de plusieurs facteurs locaux, dont la prise d’antibiotiques à large spectre, ou l’utilisation de corticoïdes inhalés chez les patients asthmatiques. On a dans ce cas-là très souvent un aspect plus érythémateux que pseudomembraneux, On remarquera ainsi l’importance du rinçage de la bouche après prise de ces traitements (1,6). Parmi les facteurs locaux, l’altération des fonctions salivaires peut jouer un rôle important dans l’apparition des candidoses buccales. Des facteurs plus généraux sont à prendre en compte, comme l’immunodépression dans un contexte de cancer, d’infection par le VIH, de maladies auto-immunes ou inflammatoires chroniques nécessitant des traitements immuno-suppresseurs, de pathologies endocriniennes immuno-déprimantes comme le diabète. Des modifications métaboliques comme une alimentation trop riche en glucides ou une anémie ferriprive peuvent constituer un terrain propice pour les candidoses. Certaines situations physiologiques comme la grossesse favorisent également le développement de ces candidoses (3–5,9).
La forme aiguë est communément appelée « muguet ». Cette candidose aiguë pseudomembraneuse est la forme la plus fréquente des candidoses oro-pharyngées, et est le plus souvent retrouvée chez le nourrisson et le jeune enfant (4). Cette candidose évolue en 3 phases :
Phase initiale : d’une durée de 2 à 3 jours entrainant une stomatite érythémateuse diffuse qui se caractérise par une sensation de sécheresse buccale accompagnée de douleurs à type de cuisson, de gêne à la mastication avec impression de goût métallique. Tout ceci peut conduire à des difficultés pour s’alimenter, et à des troubles de la succion chez le nouveau-né.
A l’examen endobuccal, la muqueuse est rouge, douloureuse et desséchée avec une langue plus ou moins dépapillée (Figure 2). Cette stomatite touche la face dorsale de la langue, les faces internes des joues ainsi que la voûte palatine.(1,6,10)
Phase d’état : l’aspect de la lésion change avec l’apparition d’un dépôt blanc crémeux qui se détache par un raclage léger à l’abaisse langue mettant en évidence la muqueuse érythémateuse. Les symptômes sont les mêmes que lors de la phase de début mais de moindre intensité.(1,6) Figure 3. Muguet(11) Muguet(12)
Phase de guérison : une guérison spontanée est possible sans l’usage d’aucun traitement. Cependant à l’inverse, une extension au pharynx ou un passage à la chronicité peuvent être observées en l’absence de traitement (6). Avec un traitement bien mené, l’évolution est rapidement favorable.
L’examen clinique est dans la majorité des cas suffisant du fait de l’évidence des lésions (4,6). Cependant il peut être confirmé par un examen biologique dans les formes récidivantes, atypiques ou en cas de doute diagnostic (4). Il consiste à un prélèvement à l’aide d’un écouvillon sec frotté de manière énergique sur un dépôt blanc, un sillon de perlèche ou une plaque érythémateuse (1,4,6). L’examen direct pour être positif doit mettre en évidence des levures bourgeonnantes. La présente de pseudo-filaments, de filaments et de nombreuses colonies en culture confirme le caractère pathogène de la lésion en présence (4,6).

Prise en charge

Dans un premier temps il sera nécessaire d’identifier les facteurs locaux favorisants l’apparition de ces mycoses buccales et de les éradiquer dans la mesure du possible. En effet les antifongiques qui seront prescrit ne pourront pas à eux seul traiter la pathologie si l’étiologie n’est pas identifiée et supprimée (3,6,10).
Le traitement est essentiellement local par antifongique (nystatine, amphotéricine B, miconazole) (3,6). Le traitement systémique (fluconazole, itraconazole) est indiqué lorsqu’il y a une intolérance au traitement local ou une résistance, dans les formes récidivantes, étendues ou graves et chez les patients susceptibles de développer des infections systémiques (3,5,13). L’efficacité des traitements antifongiques permet un traitement d’une durée moyenne de 15 jours (3,6).

Le lichen plan

Définition et présentation clinique

Le lichen plan est une dermatose inflammatoire chronique muco-cutanée en général bénigne. D’aspect polymorphe le lichen plan touche la peau, les phanères (ongles, cheveux), les muqueuses malpighiennes (muqueuse buccale principalement mais aussi génitale, anale, conjonctivale). Il est à noter que l’étiologie précise de cette pathologie demeure encore inconnue (14,15).
Le lichen plan est plus souvent retrouvé chez l’adulte que chez l’enfant. Ainsi l’étude de Pilar Luis-Montoya et al en 2005 conclue que sur 235 patients âgés de 3 à 82 ans, atteints du lichen plan, seulement 10,2% étaient âgés de moins de 15 ans. Cette prévalence varie de 2.1 à 11,2% dans la littérature internationale (16).
Quant à l’atteinte de la sphère orale, chez les enfants, celle-ci est encore plus rare. L’étude de R. Laeijendecker et al en 2005, mené sur 10 000 patients de moins de 18 ans, touchés par le lichen plan, retrouve seulement 3 patients avec une atteinte de la sphère orale (17). L’équipe napolitaine de Cascone et al en 2017 confirme cette tendance, avec seulement 8 enfants âgés de 9 à 17 ans touchés par un lichen plan oral sur l’ensemble des patients reçus dans le service d’odontostomatologie de Naples dans une étude rétrospective de 4 ans (15).
Les études menées en Inde retrouvent une prévalence du lichen plan plus importante chez les enfants. A.J. Kanwar et.al en 2009 conclue son étude avec 17% d’enfants âgés de moins de 15 ans avec un lichen plan oral (18). Cette prévalence est confirmée par l’étude de Pandhi D et al de 2014 qui sur un effectif de 316 enfants de moins de 14 ans atteints de lichen plan, retrouve 18% de lichen plan oral (19), ainsi que par l’étude de Kumar et al en 2018, avec 28,6% d’enfants avec un lichen plan oral sur un effectif de 42 enfants (20). La prévalence élevée du lichen plan en Inde, notamment dans les études en population pédiatrique, soulève l’hypothèse que la génétique et l’environnement joueraient en un rôle non négligeable dans l’apparition et le développement de cette pathologie (14,18–23).
Le lichen plan buccal peut prendre plusieurs formes : forme réticulée, papules blanches, plaques blanches, forme érosive, forme ulcérée avec aspect bulleux ou encore une forme érythémateuse atrophique (24). Les formes réticulées, papuleuses et en plaques sont de couleur blanche. Les formes érosives et bulleuses sont de couleur jaune. La forme érythémateuse est rouge. Généralement multiples, ces lésions sont souvent bilatérales (17) et ne se décollent pas au grattage. Elles touchent la muqueuse jugale, les bords latéraux de la langue, la muqueuse labiale et le palais dur.
Elles prennent communément la forme d’une papule blanche qui progressivement grossi et se collapse prenant une forme réticulée, annulaire ou en plaque. Un trait caractéristique de ce lichen plan oral est la présence de fines stries blanches (stries de Wickam) qui irradient depuis la papule vers la périphérie. La forme réticulée se présente comme un réseau dentelé de lignes grises-blanches, légèrement en relief et souvent parsemé de papules ou d’anneaux (Figure 4). La forme en plaque se distingue de la leucoplasie par le fait qu’elle n’entraîne pas de modification de la souplesse de la muqueuse (Figure 4). La forme érythémateuse peut être accompagnée ou non d’érosions. La forme avec présence de bulles reste plutôt rare (12).
Les formes réticulées, papuleuses et en plaques sont le plus souvent asymptomatique contrairement aux formes érosives et érythémateuses (12). La forme la plus prévalente est la forme réticulée avec des stries blanches, avec une localisation bilatérale et symétrique sur la muqueuse jugale (25).
Figure 4. Liche plan (26) : (à gauche) réticulé et (à droite) en plaque
Les symptômes les plus souvent rapportés sont des douleurs qui peuvent être accompagnées de picotements de la muqueuse exacerbées par l’alimentation notamment lorsque celle-ci est épicée ou acide (15).
Le diagnostic est dans un premier temps clinique mais peut être confirmé par un examen histologique. En effet, il faudra établir le diagnostic différentiel avec une réaction lichénoïde (souvent associé à une prise de traitements ou à la présence de soins dentaires en bouche), une candidose, ou la linea alba. La réalisation d’une biopsie avec examen histologique mettra en évidence une hyperkératose, avec dégénérescence de la couche basale et la présence d’un infiltrat lymphocytaire en bande au niveau sous épithéliale (23).

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Prise en charge

Concernant le traitement de cette lésion, il n’y a pas de consensus dans la littérature. Néanmoins le traitement de choix reste la corticothérapie topique (triamcinolone acétonide en crème) dans les formes symptomatiques en association avec des antifongiques topiques (clotrimazole) car l’utilisation prolongée de corticoïdes peut favoriser l’apparition d’une candidose (15,18,27,28).
Dans certaines études (14,21,27), des rétinoïdes topiques comme la trétinoïne en crème à 0.05% ont été prescrit donnant des résultats satisfaisants. Dans l’étude de Sharma et al en 2017 (27), le gel d’aloé-vera a également été utilisé en relais de la trétinoïne topique. Dans cette étude, la patiente de 12 ans présentant un lichen plan buccal symptomatique s’est vu prescrire de la triamcinolone acétonide topique à 0.2% et un antifongique topique (clotrimazole 1%) pendant deux semaines. L’absence d’amélioration a conduit à l’arrêt de ces traitements et à la prescription de trétinoïne topique à 0.05% deux fois par jour pendant deux semaines. Ce dernier traitement s’est révélé très efficace avec une amélioration significative des symptômes et de l’aspect clinique de la lésion. Cependant l’utilisation à long terme de rétinoïdes peut entraîner des irritations d’où la prescription de gel d’aloe-vera pour prendre le relais (deux fois par jour pendant un mois) et qui possède des propriétés anti-inflammatoires et apaisantes (27).
Malgré l’efficacité de certains traitements rapportée dans la littérature, les études menées jusqu’à présent ne permettent pas d’établir un schéma thérapeutique consensuel pour la prise en charge du lichen plan notamment chez l’enfant. En effet l’absence d’études, surtout en milieu pédiatrique, et avec un suivi post-traitement suffisant rend difficile la validation de protocoles de soins standardisés.

Les perles d’Epstein

Définition et présentation clinique

Les perles d’Epstein sont des kystes kératinisés, sous formes de nodules qui apparaissent dans les restes épithéliaux piégés le long des lignes de fusion du processus embryologique (29). Elles appartiennent à la catégorie des kystes odontogéniques liés au développement selon la classification de l’OMS (1).
Il s’agit de petites tuméfactions gingivales d’un diamètre allant de 1 à 3 mm, bien circonscrites, de surface lisse, de couleur blanche ou jaunâtre, remplies de kératine et non inflammatoires. Elles sont le plus souvent multiples, et généralement indolores (1).
Elles se localisent sur la ligne médiane du palais dur, le plus souvent à la partie postérieur (1,29). Ces perles d’Epstein se trouvent en général chez le nourrisson jusqu’à l’âge de 3 mois (1,30). Figure 5. Perles d’Epstein(31)
La découverte de ces lésions est généralement fortuite par les parents. Et le diagnostic est purement clinique (1,30).

Prise en charge

Il n’y a pas de traitement. Il faut rassurer les parents, car ces nodules disparaissent spontanément au bout de quelques semaines avec le développement de la succion (1,29,30).

Les grains de Fordyce

Définition et présentation clinique

Ces grains sont des glandes sébacées en surcroissance, ectopiques, se retrouvant à la surface d’un épithélium. Ils peuvent être situés sur les organes génitaux, les lèvres et dans la cavité buccale. Le bord du vermillon des lèvres étant le site le plus commun. Ils ne sont pas pathologiques mais restent inesthétiques pour certains patients. Variantes anatomiques, ces grains sont présents dès l’âge de 3 ans, et surtout à l’adolescence et leur nombre augmente avec l’âge (1,32–36).
Les grains de Fordyce ont l’aspect de petites papules de 1 à 3 mm, indolores, arrondies, pâles, blanches-jaunâtre, ou rouges, toujours regroupées allant jusqu’à donner dans certains cas l’aspect d’une plaque blanche. En étirant la muqueuse on voit alors les gains s’individualiser. Ils se situent sur les muqueuses labiales et jugales dans la zone rétro-molaire et sont asymptomatiques (34,35).
Figure 6. Grains de Fordyce (37): (a) au niveau de la muqueuse jugale, (b)au niveau labiale
Le diagnostic est purement clinique (1). Le diagnostic différentiel se fera avec la candidose buccale (dépôts blancs facilement détachables), la leucoplasie (plaque blanche adhérente avec souvent une surface fissurée) et le nævus blanc spongieux (plaques épaisses blanches et spongieuses) (34).

Prise en charge

Aucun traitement n’est nécessaire. Les grains de Fordyce ne sont pas pathologiques, c’est une variante anatomique (1,34,35). Cependant des traitements à visée esthétique ont été décrits dans la littérature chez l’adulte comme l’utilisation du laser dioxyde de carbone (CO2) ou l’éléctrodessication (34,36).

Le neavus blanc spongieux ou hamartome spongieux muqueux

Définition et présentation clinique

L’hamartome spongieux muqueux est une dyskératose génétique rare de transmission autosomique dominante due aux mutations des gènes codant pour les kératines K4 ou K13 (38,39). Ces gènes sont spécifiquement exprimés au niveau de la muqueuse orale d’où la localisation du neavus blanc spongieux au niveau de la muqueuse buccale, labiale et gingivale.
Le neavus blanc spongieux se caractérise par des plaques blanches d’aspect spongieux, rugueux, bilatérales, symétriques, et présentes très tôt chez l’enfant. Asymptomatique, il touche la muqueuse buccale de manière diffuse avec des plaques blanches qui ne se détachent pas au grattage ou très difficilement, révélant une muqueuse sous-jacente saine. Malgré l’absence de symptomatologie, l’hamartome spongieux muqueux reste inconfortable pour le patient sur le plan esthétique et en raison d’épisodes de desquamation par lambeaux de la lésion (38,39).

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