La courbure effective
Le modèle GO4 isotrope (3.7) dépend de deux paramètres, un paramètre de pente totale (mss) et un paramètre de courbure total (msc). La mss totale est un paramètre très utile car il quantifie, en termes physiques, la surface d’échange entre l’océan et l’atmosphère. En termes mathématiques, la décroissance du spectre de mer lorsque le nombre d’onde augmente assure la convergence du deuxième moment de ce spectre. Au contraire, la notion de courbure totale est mal définie, car elle fait référence à la forme pointue des vagues qui augmente pour les petites échelles. En termes mathématiques, cette courbure totale représente le moment d’ordre 4 du spectre de mer qui lui-même a une décroissance en k−4 et est donc très sensible au choix d’une coupure haute fréquence dans son calcul. Le paramètre utile est seulement la courbure à une échelle limitée sur le spectre. Il est bien connu que le processus de diffusion électromagnétique confère un filtre naturel sur le spectre de mer, c’est-à-dire que le radar ne voit pas les longueurs d’ondes des vagues plus petites que la longueur d’onde électromagnétique. Dans cette même idée, le modèle de l’Optique Géométrique classique a été adapté à ce que « voit » le radar via une mss dite « filtrée », ce qui correspond à diminuer la variance des pentes. Deux approches dans ce cas existe :
Exemples et résultats
Nous présentons dans ce paragraphe les principaux exemples de calcul de la msc effective isotrope (3.17), ainsi que l’estimation du paramètre α de coupure haute fréquence du spectre (3.18) dans le cas des spectres de mer d’ Elfouhaily et al. [1997], de Kudryavtsev et al. [1999] ainsi que de Bringer et al. [2014]. Nous estimons ces paramètres pour 3 différentes bandes de fréquences micro-ondes, à savoir, la bande C (f0=5,35 GHz), la bande Ku (f0=13,6 GHz) et la bande Ka (f0=36 GHz). Nous comparons également les résultats de calcul de SERN isotrope avec les modèles PO et GO2 pour un spectre de mer d’Elfouhaily et al. [1997].
Paramètre de coupure haute fréquence α
Nous avons représenté sur la figure 3.1 suivante l’évolution du paramètre de coupure haute fréquence α (3.18) en fonction du vent à 10 m pour les 3 bandes de fréquences et les 3 spectres omnidirectionnels cités précédemment. Le paramètre de coupure haute fréquence α reste relativement stable en fonction de la vitesse du vent, il augmente progressivement avec la vitesse du vent. Lorsque la fréquence électromagnétique augmente (de la bande C à la bande Ka), le paramètre de coupure haute fréquence α tend vers sa valeur unitaire correspondant à une coupure au nombre d’onde électromagnétique sur le spectre.
Les valeurs approximatives du paramètre α sont : α ≃ 1 en bande Ka, α ≃ 2 en bande Ku et α ≃ 2, 5 en bande C.
Courbure effective isotrope msce
Nous avons représenté sur la figure 3.2 l’évolution du paramètre de courbure effective isotrope msce (3.17 ou 3.18) en fonction du vent à 10 m pour les 3 bandes de fréquences et les 3 spectres omnidirectionnels cités précédemment. Comme attendu, et à l’inverse du paramètre de coupure haute fréquence α, la msc effective isotrope augmente rapidement lorsque la vitesse du vent augmente et/ou la fréquence électromagnétique augmente. Des variations importantes sont observées entre les différents modèles spectraux (jusqu’à 20-30% d’écart relatif entre modèles).
SERN isotrope avec le modèle GO4
Nous avons représenté la SERN isotrope pour les 3 bandes de fréquences C (figure 3.3), Ku (figure 3.4) et Ka (figure 3.5) pour deux conditions de vent à 10 m, un vent de 6 m.s−1 et de 15 m.s−1.
Les SERN isotropes sont calculées avec le modèle GO4 isotrope (3.7) et la courbure effective isotrope msce comme illustrée sur la figure 3.2 avec un spectre omnidirectionnel d’ Elfouhaily et al. [1997]. Nous avons ajouté la comparaison avec notre modèle de référence de l’Optique Physique (PO), avec le modèle de l’Optique Géométrique (GO2) calculé avec une mss totale et calculé avec une mss filtrée à K0/3 (Brown [1978]), qui est actuellement très utilisé dans les simulations. Plus la fréquence est élevée (approximation haute-fréquence du PO) et plus la surface de la mer est « rugueuse » (plus le vent est fort), plus le modèle GO4 est précis et se superpose au modèle PO. En bande C et pour des vents faibles, le modèle GO2 avec une mss filtrée à K0/3 est meilleur pour représenter le modèle PO. Cependant, lorsque la bande de fréquence augmente, nous constatons un écart, principalement sur la valeur attendue au Nadir de l’odre de 0,1 dB en bande Ka. Cette erreur va jusqu’à environ 1 dB lorsque le vent vaut 15 m.s−1. Le modèle GO2 avec mss totale sous-estime la SERN isotrope au Nadir, alors que le modèle GO2 avec mss filtrée à K0/3 la surestime. Pour les vents modérés et supérieur (& 10 m.s−1 ), le GO4 représente de manière excellente le modèle PO pour les 20 premiers degrés d’incidence en bande Ka, les 12 premiers degrés d’incidence en bande Ku et les 10 premiers degrés d’incidence en bande C.
Exemples de SERN directionnelle
Nous avons représenté des diagrammes de SERN en incidence ainsi qu’en azimut pour les trois bandes de fréquences C (figure 3.7), Ku (figure 3.8) et Ka (figure 3.9) pour un vent à 10 m de 10 m.s−1 . Les différents diagrammes sont calculés avec le modèle GO4 directionnel (3.31), les courbures effectives isotrope (msce ) et anisotrope (msca) sont calculées à partir des formules, respectivement, (3.38) et (3.40) avec un spectre d’Elfouhaily et al. [1997]. Le modèle de l’Optique Physique est ajouté comme référence. Les diagrammes en incidence et azimutaux montrent que, sur l’ensemble du domaine de validité en incidence en fonction de la bande de fréquence utilisée, le modèle GO4 représente de manière précise le comportement azimutal de la SERN directionnelle. Pour l’ensemble des bandes de fréquence illustrées, il apparaît que l’erreur de modélisation de la SERN est la plus importante dans les directions crosswind (φ = 90◦ et φ = 270◦ ) mais reste néanmoins faible. En conclusion, sur le domaine de validité en incidence propre à la bande de fréquence utilisée et à la rugosité de surface observée, le modèle GO4 directionnel représente de manière précise l’évolution azimutale de la SERN.
Nous avons représenté sur la figure 3.10 l’évolution du paramètre de courbure effective isotrope non gaussien en prenant comme paramètre λ4=0,4 quasi-constant estimé par Cox and Munk [1954]. La correction de kurtosis apportée ici devient importante en bande Ka, en effet on observe 48 Chapitre 3 – Le modèle GO4 une augmentation de la msc effective de presque 50%. Il faut préciser que la valeur du kurtosis utilisée ici, trouvée expérimentalement par Cox and Munk [1954], n’est pas seulement due à la forme plus ou moins pointue des vagues (l’apparition des très petites pentes et des très grandes pentes est plus fréquente en réalité que la prévision faite par la statistique gaussienne) mais aussi à la nature composée des statistiques des pentes de la mer, comme développé dans Chapron et al. [2000]. Finalement, il est important de noter que la variation des statistiques au sein de différentes scénes de mer résulte simplement en une augmentation de la msc effective calculée dans le cas de statistiques purement gaussiennes.
Estimation de paramètres de surface à partir de données expérimentales
Le modèle GO4 isotrope présente l’avantage de ne posséder que deux paramètres : la mss isotrope ou totale, qui est un paramètre intrinsèque à la surface étudiée, à la différence de la mss filtrée qui est une mss « vue par le radar » et dépend donc de la configuration électromagnétique considérée et le paramètre de courbure effective isotrope msce , qui permet une connaissance assez étendue en incidence de la SERN à partir du Nadir. La principale difficulté dans l’évaluation des paramètres de mss et de msc à partir de données aéroportées ou spatiales vient de la calibration absolue de ces données. En effet, prenons pour exemple un simple modèle GO2, son expressionau Nadir est alors :
Notre analyse est basée sur différents jeux de données de SERN proche Nadir de la littérature.
Cette minimisation a été effectuée sur les données aéroportées en bande Ka du radar SRA 1 utilisé lors de la mission SOWEX 2 (Banner et al. [1999]; Walsh et al. [2008]) et des données en bande Ku du radar de précipitation de la mission TRMM 3 (Kummerow et al. [1998]; Tran et al. [2007]) dont les mesures de SERN disponibles s’étendent en incidence de 0 à 25◦ et de 0 à 18◦ respectivement.
Il faut noter que la précision d’estimation des différents paramètres est dépendante de l’angle de minimisation maximal θmax de la fonction coût (3.55). À priori, cet angle doit être suffisammentimportant afin de séparer le comportement quartique du modèle GO4 du comportement quadratique du modèle GO2 mais doit en même temps respecter le domaine de validité en incidence du modèle GO4. Cette sensibilité en incidence de l’estimation des paramètres de surface à partir des modèles de rétrodiffusion et des mesures de SERN a été abordée pendant longtemps dans le cas de l’inversion d’une mss « vue par le radar » à partir du modèle GO2 (Walsh et al. [1998]). Quant au domaine de validité, nous avons vu que celui-ci augmente avec la vitesse du vent et la longueur d’onde électromagnétique (Figures 3.3, 3.4 et 3.5). Nous avons également fait une étude à partir de données altimétriques provenant de l’altimètre Jason2 en bande Ku et C ainsi que les données aéroportées du diffusiomètre en bande Ka de l’étude de Vandemark et al. [2004]. Dans ce cas, seule la valeur de SERN Nadir est disponible et nous nous sommes alors basé sur sa valeur absolue. La msc effective est évaluée en se basant sur la mss calculée par Cox and Munk [1954] et nous l’appelerons par la suite « CM-mss » pour « mss de Cox et Munk » quand nous nous en servons. L’expression analytique de la mss totale de Cox and Munk [1954] est donnée par :
Synthèse des données
Dans ce paragraphe nous faisons la synthèse des différents résultats de msc effective estimées à partir du modèle GO4 sur les différents jeux de données cités précédemment. Nous faisons également une petite étude pour la bande L dont aucune donnée proche Nadir n’était disponible. En effet, Cox and Munk [1954] ont mesuré, en plus de la mss totale, une mss dite « slick ». Ils ont versé sur la surface d’eau un mélange d’huiles (pétrole, huile de sardine et huile de vidange) afin d’empêcher la formation des petites vagues de longueurs d’ondes inférieures à 30 cm. Ces mesures permettent de quantifier la contribution des petites vagues aux pentes de la surface de mer et ils montrent que les longueurs d’ondes de vagues inférieures à 30 cm sont responsable d’environ 30% de la contribution aux pentes de la surface de mer. Ils donnent alors l’expression de cette mss « slick »