Le microenvironnement immunitaire des Carcinomes épidermoïdes de la cavité orale
Les cancers de la cavité orale
Epidémiologie, classification, aspects cliniques, prise en charge et pronostic
Plus de 90% des cancers des voies aéro-digestives supérieures (VADS) sont des carcinomes épidermoïdes (CE) se développant aux dépens des muqueuses de la cavité orale, du pharynx et du larynx. Ils constituent le 8ème cancer le plus fréquent dans le monde, et se classent à la deuxième place chez les patients présentant des facteurs de risques comme l’alcool et le tabac, juste après les cancers du poumon (Ferlay et al. 2015). On en répertorie plus de 500 000 nouveaux cas par an dans le monde (11 610 en France en 2015), pour lesquels le taux de survie globale à 10 ans s’établit seulement à 20-30% (21% en France, dont 17% chez l’homme et 36% chez la femme) (INCA, 2015). Le pronostic est donc sombre, malgré les thérapies actuelles, du fait, notamment, du risque élevé de récidives locorégionales. Les carcinomes épidermoïdes de la cavité orale (CECO) y représentent environ 25% et se classent en France parmi les cancers les plus fréquents, au 5ème rang chez l’homme, au 15ème chez la femme (HAS 2009). Leurs taux d’incidence varient suivant les différentes régions du monde (Figure 1), ceux de l’Europe de l’Ouest (France et Grande-Bretagne, notamment) se plaçant parmi les plus élevés (Parkin et al. 2005). Ils concernent majoritairement des hommes entre la sixième et la septième décade, mais la répartition des cas par sexe et âge semble varier selon l’exposition à certains facteurs de risques. Figure 1. Taux d’incidence international du CECO chez l’homme (A) et chez la femme (B) (Ferlay et al. 2015). Les CECO peuvent être regroupés sous différentes classifications : 24 Topographiques : Les CECO (Figure 2) affectent la langue, les gencives, le plancher, le palais, les lèvres muqueuses ou les joues. De nombreuses études montrent que le site le plus fréquemment atteint est la langue, représentant, selon les études, entre 30 et 76% des cas de CECO recensés (Dahlstrom et al. 2008; Koo et al. 2013; Durr, Li, and Wang 2013; Müller et al. 2008). Ils sont codifiés dans la « Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes (CIM) » gérée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), dont la 10ème révision a été réalisée en 1993 ; les tumeurs de la cavité orale y ont des valeurs alphanumériques allant de C00 à C06. Par stades : Les cancers sont évalués en fonction de trois critères cliniques majeurs : la taille de la tumeur (T), la présence d’un envahissement ganglionnaire et son type (N), et l’existence de métastases (M). La classification TNM permet alors d’apprécier l’ampleur de la progression cancéreuse. La combinaison des trois critères TNM permet également d’établir un stade de cancer (de I à IV) dont la classification est la plus couramment utilisée dans la littérature internationale (Tableau 1). Tableau 1 : Détermination du stade TNM pour les cancers des VADS et du stade global pour les cancers des VADS. 25 Figure 2 : Schéma situant la cavité orale au sein des VADS. D’après l’Institut National du Cancer, 2012. Classification par types cliniques et histologiques : Les CECO peuvent se présenter sous différents aspects cliniques (Figure 3-A-B-C-D) : ulcéreuses, végétantes ou ulcéro-végétantes, mais aussi fissuraires (Kuffer and Samson 1994). La forme ulcéreuse est la plus fréquente. Les bords de la lésion sont irréguliers et surélevés. L’induration dépasse les limites macroscopiques cliniques de la lésion. La forme végétante apparaît comme un nodule épais, le plus souvent exophytique. D’un point de vue histologique, les CE peuvent présenter plusieurs grades de différenciation selon leurs similarités avec un épithélium malpighien normal (Figure 3-E-F-G). En effet, certains cancers sont très différenciés, indiquant que les cellules impliquées dans le processus néoplasique sont des kératinocytes bien identifiés, tandis que d’autres tumeurs sont constituées de cellules moins avancées dans leur développement, et dont la spécificité tissulaire est moins identifiable. C’est également à l’examen anatomopathologique qu’il est possible de noter la présence ou l’absence d’engainement péri nerveux ou d’embole vasculaire. Tous deux correspondent à des néoformations initiées par les cellules cancéreuses. Leur présence, alors signe d’une installation tumorale au sein des tissus, est de mauvais pronostic.
Prise en charge des CECO
Le diagnostic de CECO se fait à partir d’un examen anatomopathologique d’une biopsie ou d’une pièce d’exérèse, et est accompagné d’un bilan d’extension local systémique (endoscopie, bilan d’imagerie …) permettant d’évaluer la présence ou non d’une tumeur synchrone, de métastases, ganglionnaires ou à distance, ou de localisations secondaires (INCA, 2012). À partir de ce bilan complet, les décisions thérapeutiques sont prises en collaboration lors de Réunions de Concertation Pluridisciplinaire (RCP). La classification TNM définitive du cancer se fait après analyse de la pièce d’exérèse et de l’ensemble des ganglions permettant de statuer sur le franchissement de la lame basale, l’envahissement potentiel des tissus adjacents à la tumeur, ainsi que sur le nombre de ganglions atteints. Trois types de traitements sont utilisés pour les CECO : la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie auxquelles, plus récemment, peuvent être ou non associées les thérapies ciblées. Les CECO sont majoritairement traités par une chirurgie, impliquant une exérèse en marge de la lésion. Elle peut être complétée par un évidement ganglionnaire, uni ou bilatéral. À cela peut s’ajouter de la chimiothérapie, et/ou de la radiothérapie cervico-faciale (50 à 70 grays totaux). Les chimiothérapies les plus couramment utilisées dans les cancers des VADS sont le 5 Fluoro-uracile (5-FU), le doxétaxel et le méthotrexate qui peuvent être délivrées selon trois modalités : seules, pour contenir la tumeur des patients qui ne pouvaient bénéficier des traitements curatifs (extension tumorale trop importante ou de l’existence de contreindication) ou en traitement pré-chirurgical, pour réduire la taille de la tumeur afin d’effectuer une chirurgie moins mutilante, ou encore en association avec une radiothérapie, appelée alors radio-chimiothérapie concomitante, dans le but de potentialiser les effets de la radiothérapie. Pronostic des CECO Concernant les cancers des VADS, on recense chez les hommes 3 900 décès en 2013. Leur diminution depuis les années 1970 est estimée à 4% par an pour les hommes et 1% chez les femmes (Figure 4), les épidémiologistes attribuant cette baisse à la diminution importante de la consommation d’alcool entre ces deux périodes. Le taux de mortalité dû aux cancers des VADS est l’un de ceux qui a le plus diminué entre 1990 et 2013 (Ribassin-Majed, Le Teuff, and Hill 2017). Pour ce qui est des CECO, si leur incidence en France est l’une des plus élevées dans le monde (Age Standardised Rates ASR = 5.6), leur taux de mortalité y est moindre, et se situe au niveau de la moyenne internationale (ASR 1.3) (Ferlay et al. 2015). Durant ces deux dernières décennies, de nombreux progrès ont été réalisés dans la prise en 28 charge globale des cancers des VADS (INCA, 2012). Pour les deux sexes, une amélioration de la survie nette à 5 ans est observée pour la plupart des cancers solides. La tendance de survie nette standardisée à 5 ans des personnes atteintes de CECO est passée de 35% entre 1989 et 1993 à 43% pour ceux entre 2005 et 2010. Cependant, les cancers liés au tabac et à l’alcool, dont ils font partie, restent de très mauvais pronostics (Source : Etat de la santé de la population en France, Rapport 2017), et on observe un retard de diagnostic dans la population générale, où une majorité de cancers est diagnostiquée au stade II et III. Le marqueur pronostique des CECO reconnu aujourd’hui est la classification TNM résumant le niveau de développement tumoral (American Joint Committee on Cancer–AJCC, and Union for International Cancer Control-UICC). Le taux de mortalité y est directement lié à l’augmentation du stade (Fervers et al. 2008
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