Le microblogging comme dispositif de médiation en formation à distance
Le microblogging au cœur d’un écosystème numérique
La médiation numérique consiste à rendre les usagers plus autonomes dans leurs usages quotidiens. Mais pour qu’un dispositif sociotechnique soit médiateur et non pas uniquement « tuyaux », une communication multimodale s’impose entre tuteurs et apprenants. Twitter est l’élément central de notre dispositif, Twitter constituerait un fil d’Ariane salutaire pour les moins aguerris d’entre eux. En complément des conférences synchrones planifiées dans chaque module de cours, c’est le canal de médiation privilégié pour connecter un flux de ressources pédagogiques et des usagers toujours on line. Telle est la vocation de l’Institution éducative : relier les communautés d’usagers aux outils de gestion et d’organisation des traces mémorielles. La plate-forme LMS et le blog dédié aux apprenants disposent d’un widget qui affiche les flux de Twitter afin de pouvoir interagir en toute circonstance. En utilisant des ressources pédagogiques qui exploitent des plates-formes sociales, les étudiants intègrent naturellement les « bonnes pratiques ». Cette démarche d′acculturation au web social sur le principe du learning by doing a pour objectif d’inciter nos étudiants à s’approprier les outils de production et de publication sur Internet qui feront d’eux des User Generated Content193. Car les transformations documentaires les plus riches font appel à des processus interactifs dans lesquels les intervenants humains coopèrent avec des procédés automatisés ; c’est notamment le cas des outils de curation194 tels que Paper.li utilisés pour agréger automatiquement des tweets, hashtags ou listes issues de Twitter. Ils permettent d’obtenir aisément des résultats éloquents en matière de veille thématique en exploitant l’indexation des tweets par les moteurs de recherche. L’objectif poursuivi, à travers une médiation instrumentée par des dispositifs accessibles au plus grand nombre, est la vulgarisation de pratiques généralistes vouées à susciter les réactions des usagers sur la toile. Il s’agit, en d’autres termes, de démocratiser la diffusion des connaissances à l’heure où se démocratise la production des connaissances. En tant qu’utilisateurs assidus de blog et micro blog, nos prérogatives pédagogiques nous amènent aussi à partager, avec notre communauté d’apprenants sur Twitter, le fruit d’une veille continue. L’objectif est de relayer toute information jugée opportune dans le cadre d’un apprentissage en effectuant un « re-tweet » en direction des « followers » (suivi du hashtag thématique), principalement constitués d’apprenants abonnés à notre compte. Il s’agira par exemple d’offres de stages, d’opportunités professionnelles, de challenges étudiants195, tout ce qui participe de près ou de loin à l’ouverture sur le secteur professionnel et ses caractéristiques socio-économiques. À travers l’usage de Twitter et dans le prolongement du blog, nous établissons des connexions entre les futurs diplômés et leurs milieux professionnels. Il s’agit ici d’une toute autre médiation que celle des moteurs de recherche, dont l’objectivité algorithmique est souvent controversée. Celle-ci s’appuie sur les principes élémentaires de l’entraide, la recommandation, voire la cooptation, qui sont les principes fondateurs de sites de réseautique sociale à vocation professionnelle. Pour ces étudiants sur le point d’achever une formation diplômante, ces metaxu196 vont constituer des passerelles salutaires sur le marché de l’emploi.
Diversifier les médiations
Entrer dans le flux des pratiques
Le nomadisme est l’un des stigmates de la nouvelle génération d’apprenants ; leurs habitus en terme de mobiquité (Badillo, 2009) ont contraint les concepteurs pédagogiques à développer des interfaces accessibles sur terminaux alternatifs. De fait, le tuteur se doit aussi d’entrer dans le flux des pratiques de ses apprenants en utilisant leurs propres dispositifs sociotechniques. A travers les réseaux sociaux et les blogs, un nouveau style dialogique se met en place :Une autre pratique consiste à interpeller le plus grand nombre sur la twittosphère198 pour un conseil spécifique ou pour résoudre un problème technique. Les tweetos199 ont maintenant l’habitude d’être sollicités et de répondre spontanément sur le principe du volontariat et de la mutualité. Des pratiques récurrentes qui illustrent l’horizontalité relationnelle et une médiation vertueuse entre pairs.Sur le blog « Icademie », un complément pédagogique est proposé aux étudiants dans un style narratif qui s’apparente davantage à la sphère domestique qu’à l’environnement académique
Décloisonnement de l’environnement formatif
Pour intégrer de nouveaux dispositifs pédagogiques, le tuteur est également contraint de sortir du cadre académique conventionnel. Dans le modèle de pédagogie transmissif, l’environnement numérique est essentiellement un territoire « extra-universitaire » et reste cloisonné dans le champ des distractions. L’enjeu consisterait à établir une relation durable, sans clivage, entre le savoir académique et les pratiques issues de la sphère domestique. Dans le dispositif que nous expérimentons, les interactions sociales s’initient au cours des confcall certes programmées par l’institution mais se prolongent hors temps de formation, dans la sphère privée. Les modalités intrinsèques de Twitter permettent de relier efficacement deux entités spatio-temporelles contigües
Une autre dimension spatio-temporelle
Le même décloisonnement s’opère également sur le plan pédagogique. Dans le cadre d’une veille « temps réel », nous sommes régulièrement amenés à re-tweeter des sources informationnelles au moment même où celles-ci apparaissent. Il est plus simple de re-tweeter instantanément en s’affranchissant de toute considération temporelle plutôt que les archiver pour une diffusion ultérieure durant le temps académique. Twitter permet indifféremment d’interagir suivant deux entités spatio-temporelles : • pendant les confcalls, en mode synchrone pour communiquer une information simultanée dans le cadre d’une séquence pédagogique, • hors temps académique, l’information est re-tweetée vers les « followers » pour être réceptionnée de façon synchrone ou asynchrone, mais cette fois dans la sphère privée. Pour autant, une telle dichotomie spatiale n’est pas sans incidence sur le statut même de l’information. L’intérêt suscité auprès du récepteur peut considérablement varier en fonction de critères de temps ou de lieu, dans le cercle privé ou sur le temps de formation. Ainsi, les bouleversements induits par les nouveaux usages numériques affectent autant la valeur attribuée aux contenus que les modes de médiation eux-mêmes. Les littératies définissent précisément des modalités d’apprentissage qui reposent sur de telles discontinuités spatio-temporelles, oscillant entre la sphère académique et domestique. Olivier Ertzcheid200, dans son article « Pourquoi je suis « ami avec mes étudiants », explique que son parti pris pour Facebook ne correspond pas à un choix personnel mais à la volonté de venir « s’asseoir à la même table » que ses étudiants : « Parce que c’est sur Facebook qu’ils viennent me poser les questions qu’ils ne me posent plus en commentaires de mon blog du cours. Parce que c’est sur Facebook qu’ils sont aussi de plus en plus disponibles, ouverts et réceptifs, parfois bien davantage que dans l’espace-temps d’un cours dont la capacité de médiation est largement dépendante de la forme de l’acteur qui l’anime » (Ertzscheid, 2013, p. 42).
Le mythe des Digital natives
Si les Digital Natives s’approprient spontanément les interfaces du web, ils ne disposent pas des outils d’analyse, de compréhension et, pour le moins, de critique d’une information collectée passivement et sans la moindre distanciation. Ces usages s’opposent aux « bonnes pratiques » des tuteurs et médiateurs qui se confrontent, au quotidien, à la suprématie des géants du web ; l’usage massif d’outils populaires tels que Google ou Wikipedia au détriment des outils documentaires dédiés. L’enjeu, en termes de médiation, consiste à faire intégrer par l’usager le principe de fonctionnement des outils pour qu’il n’accorde plus le même crédit aux résultats de ses requêtes. Dans le contexte des réseaux socionumériques, l’initiation par l’usage est insuffisante et il est illusoire de croire que l’intérêt qu’ils suscitent suffit pour comprendre leur fonctionnement et d’intégrer in fine toute une écologie informationnelle. D’aucuns évoquent aussi une littératie sociale, s’agissant d’apprendre à utiliser les nouveaux dispositifs, mais s’agissant surtout de parvenir à développer des aptitudes au travail collectif. En leur fournissant le « mode d’emploi » de dispositifs sociotechniques adaptés, l’objectif est de canaliser la dynamique collaborative dont ils font preuve pour la rendre plus efficiente dans le contexte de l’apprentissage distant.