Le mécanisme de l’affaiblissement par un exemple jurisprudentiel

Le mécanisme de l’affaiblissement par un exemple jurisprudentiel

Un arrêt de la Cour de cassation montre le mécanisme de ce possible affaiblissement. Selon cet arrêt133 de la Cour de cassation, lorsque le législateur serait intervenu dans un domaine pour édicter une série d‟obligations d‟information, les juges ne pourraient plus prendre l‟initiative d‟ajouter à cette liste et par exemple sanctionner, en dehors des prévisions légales, une réticence dolosive. Dans cette affaire M. G… avait conclu un contrat de prêt avec la société Fiat crédit France en vue de l‟acquisition d‟un véhicule qui lui fut dérobé un an plus tard. Le tribunal d‟instance annula le contrat de prêt en énonçant «qu’il appartenait à cette société d’informer son cocontractant de la survie du contrat de prêt à la disparition du véhicule pour l’achat duquel il avait été souscrit» et «qu’en s’abstenant d’éclairer l’emprunteur sur l’étendue de ses obligations, la société de crédit avait manqué à son devoir de renseignement ». La Cour de cassation censura ce jugement, sur le fondement de l‟article 1116 du Code civil au motif « qu’en se déterminant ainsi, alors d’une part, que l’offre de crédit, dont l’original est versé aux débats, avait été établie sur le modèle-type n° 1 annexé au décret du 24 mars 1978 dont toutes les rubriques avaient été remplies et signées par l’emprunteur, et alors, d’autre part, qu’il ne pouvait être reproché à l’établissement de crédit d’avoir omis d’aviser son client de la poursuite du contrat de prêt en cas de vol du véhicule, dès lors que le législateur lui-même n’avait pas jugé utile de faire figurer cet avertissement sur le modèle-type qu’il avait lui-même rédigé, de telle sorte qu’aucune réticence dolosive ne pouvait être imputée à la société Fiat crédit France, le jugement attaqué a violé le texte susvisé ». 

L’autolimitation du pouvoir de la Cour de cassation

De tels motifs constituent une limitation par la Cour de cassation de son propre pouvoir ce qui peut paraître surprenant. En réalité, rien n‟impose une telle solution. À partir du moment où les juges constatent qu‟une information était déterminante du consentement d‟une partie, que son cocontractant connaissait cette information et l‟a recélée dans le seul but de l‟inciter à conclure le contrat, il doit pouvoir y avoir annulation de ce contrat pour réticence dolosive. Certes, il est peu probable, en fait, qu‟une information non prévue par le législateur ait été déterminante du consentement, mais, toutefois, rien n‟empêche, en théorie, d‟appliquer le régime de la réticence dolosive pour d‟autres informations, si les conditions d‟application en sont réunies.

Chevauchements de textes et difficultés pouvant en résulter

 Les chevauchements de réglementation possibles. L‟offre dans le commerce électronique ne parvient pas de façon classique à son destinataire ou ses destinataires puisqu‟elle utilise pour ce faire l‟outil des réseaux informatiques. Elle atteint le consommateur à son domicile ou encore, par exemple, sur son lieu de travail, en tout cas dans des lieux non destinés à la commercialisation des biens ou des services, et ce sans le mettre physiquement en présence d‟un professionnel. De telles offres ainsi que les contrats qu‟elles peuvent générer sont soumis, outre aux règles de droit commun du Code civil, aux règles spécifiques et protectrices pour le consommateur, du Code de la Consommation. Or le Code de la Consommation contient deux régimes sensiblement différents selon que l‟on se trouve en présence d‟une offre par démarchage à domicile ou d‟une offre de vente de biens ou de prestation de services à distance qu‟elle soit ou non véhiculée par la voie du commerce électronique. 

 La difficulté de qualification qui en découle. Se pose alors la question classique de la qualification juridique de l‟opération dont l‟importance n‟est pas à démontrer. Elle commande en effet la désignation du régime juridique applicable à la transaction concernée et, par voie de conséquence, le domaine et les modalités de la protection dont bénéficiera le consommateur, ainsi que les sanctions auxquelles s‟expose le professionnel qui ne respecterait pas les prescriptions du régime protecteur applicable. On peut objecter que la différenciation entre les deux régimes à perdu de son importance, en particulier à l‟égard de l‟étendue de la protection offerte, depuis l‟adoption de l‟ordonnance du 23 août 2001 portant notamment transposition de la directive communautaire du 20 mai 1997 «concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance», qui englobe aussi bien les contrats de vente de biens que les contrats de fourniture de prestations de services, alors que tel n‟était pas le cas, à s‟en tenir à la lettre de la loi de l‟ancien régime des «ventes à distance », contrairement à celui du démarchage. L‟ordonnance du 23 août 2001 a unifié sur ce point les deux régimes de protection, mais il n‟en reste pas moins, cependant entre les deux régimes, des différences notables, dont les 82 acteurs du commerce électronique devront tenir compte, en particulier relativement au départ du délai de renonciation accordé au consommateur et aux sanctions encourues par le professionnel. La nécessité de qualifier répond donc ainsi au besoin de sécurité juridique exprimé par les opérateurs du réseau. Deux cas de chevauchement paraissent devoir être examinés : celui de la vente à distance par rapport au commerce électronique (§ 1) et celui du démarchage par rapport au commerce électronique (§ 2).

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Vente à distance et commerce électronique 

 

Les deux critères de définition de la vente à distance. La vente à distance a d‟abord été définie, non par la loi, mais par la doctrine. On peut notamment citer à ce sujet le professeur CALAIS-AULOY et Monsieur STEINMETZ selon lesquels la vente à distance est «celle qui se forme et s’exécute sans présence physique du vendeur. Celui-ci sollicite l’acheteur par une technique de communication à distance, et l’acheteur répond par une technique de communication à distance, identique ou différente. Ces techniques sont généralement utilisées pour la vente, mais elles peuvent l’être aussi pour des prestations de service »134 . Les deux critères retenus ici : le défaut de présence physique et l‟utilisation d‟une technique de communication à distance ont été également repris par d‟autres auteurs135 . Ces deux critères ont été consacrés par le législateur français qui donne désormais, suite à l‟adoption l‟ordonnance du 23 août 2001136 transposant en droit interne la directive européenne du 20 mai 1997 «concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance », une définition de la vente de biens et de la fourniture de prestations de services à distance. Ainsi aux termes du nouvel article L. 121-16 du Code de la Consommation un contrat de vente de bien ou de fourniture de prestation de service est considéré comme passé à distance, au regard du Code de la Consommation, lorsque sa conclusion a lieu « … sans la présence physique simultanée des parties, entre un consommateur et un professionnel qui utilisent exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance ». Il convient de mentionner comme pouvant compléter cette définition, qu‟au nombre de ces techniques les auteurs relèvent notamment les références à la télématique et à la vidéotransmission, le vidéotexte (micro-ordinateur, écran de télévision) avec clavier ou écran tactile ainsi que le courrier électronique138 . Pour ces auteurs la mention du téléphone et de « tout autre moyen technique assimilable » dans la section du Code de la Consommation consacrée au démarchage à domicile n‟implique pas la qualification de démarchage : l‟offre faite par ces procédés implique simplement que dans ce cas l‟offre est en partie soumise aux règles protectrices relatives au démarchage et, par ailleurs, relève incontestablement, selon eux, et sans aucun doute, des procédés de vente à distance. Cette analyse est d‟ailleurs confirmée par le législateur lui-même, à l‟article L. 121-27 du Code de la Consommation, qui impose dans ce cas de figure l‟application des dispositions des articles L 121-16 à L 121-19 du même code, c‟est-à-dire des dispositions du régime des contrats de vente de biens et de fournitures de prestations de services à distance en ce qui concerne l‟obligation d‟information mise à la charge du professionnel, imposée pour la conclusion de tels contrats.

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