Le matériau, un joint soudé
Le matériau étudié au cours de cette thèse est un joint soudé d’acier P91. Ce chapitre introduit tout d’abord les conditions d’utilisation de cet acier. Par la suite, la microstructure (taille de grain, cristallographie, texture) de chacune des zones du joint ainsi que les différentes natures de précipités présents dans le matériau de base sont décrites. Enfin, les causes de la faiblesse de la zone de rupture en fluage (l’ICHAZ) sont exposées. Pour limiter la production de CO2 mais aussi pour augmenter le rendement des centrales thermiques ou nucléaires, il nous faut choisir des matériaux capables d’être utilisé à plus de 650°C et plus de 600 bars (60 MPa). L’acier P91 répond à ce critère. Cet acier fait partie de la famille des aciers à 9% de chrome dont la Figure 3-1 donne un bref aperçu. Cet acier est utilisé dans la fabrication de chaudières, turbines et lignes à vapeur de centrales électriques (super et ultra critique) et dans les centrales nucléaires à température un peu plus basse (450°C à 550°C) pour les équipements sous pression comme des tuyaux à paroi épaisse, des conduits internes pour des pièces hors cœurs comme les cuves sous pression, des pièces de tuyauterie. Ce matériau présente une bonne résistance à l’oxydation, de bonnes propriétés mécaniques et une bonne soudabilité. L’acier P91 a été créé par Oak Ridge national Laboratories and Combustion Engineering au milieu des années 1970 [Hald 2005]. Il s’appelle ainsi car il est constitué d’environ 9% de chrome et 1% de molybdène, ce nom lui a été donné par l’ASME en 1984. Sa première application a été réalisée en 1988 au Japon dans la centrale de Kawagoe. Sa composition chimique est indiquée dans le Tableau 3-1.
Structures cristallographiques
Le P91 présente une microstructure martensitique (structure cubique centrée) constituée de lattes arrangées en blocs parallèles (au sein desquels la désorientation inter lattes est faible, groupe de lattes avec le même plan d’accolement) qui sont eux même structurés en paquets (groupe de lattes avec la même orientation) (Figure 3-2) de dimension comprise entre 10µm et 20µm dans des anciens grains d’austénites de 40µm en moyenne comme on peut le voir sur les Figures 3-3 à 3-5. Ces valeurs correspondent à celles obtenues par F. Vivier [Vivier 2009] mais sont deux fois plus faibles que celles obtenues par V. Gaffard [Gaffard 2005]. L’écart entre ces deux résultats peut s’expliquer par le traitement thermique (1h à 1065°C puis 2h à 765°C dans la thèse de V. Gaffard [Gaffard 2005] ; celui utilisé dans cette thèse est indiqué en paragraphe 2.2) qui est différent. Comme nous l’avons brièvement vu précédemment, la microstructure des aciers P91 est complexe. En effet lorsque l’on change de bloc, l’orientation cristalline est faiblement modifiée ; en revanche lorsque l’on change de paquet la désorientation cristalline entre deux paquets est beaucoup plus importante, mais vérifie des relations d’orientation particulière car les paquets sont issus d’un même grain austénitique. En effet, [Vivier 2009] indique que les plans denses {110}α’ [α’ pour martensite] des différents cristaux d’un même paquet sont parallèles aux plans denses {111}γ [γ pour austénite] ; de plus la direction <110>γ est parallèle à <111>α’. Il existe six variants de Kurdjumov-Sachs dans un paquet comme l’indique les Figures 3-6 et 3-7 [Morito 2006].
Les joints présentant une désorientation angulaire comprise entre 2° et 15° seront considérés comme des joints de latte ou de sous-lattes, ceux entre 15° et 45° seront considérés comme des joint de grains, ceux entre 45° et 55° des joints de blocs et enfin ceux entre 55° et 65° seront considérés comme des joint de paquets. Les symétries d’orientation de la phase CC conduit à limiter l’exploration du domaine angulaire à 63°. La répartition des désorientations cristallographiques est caractéristique de ce type de matériau et correspond à celle que l’on peut trouver dans la littérature [Gaffard 2005, Sonderegger 2007, Vivier 2009]. Leur répartition est présentée dans la Figure 3-9. La représentation des cartographies d’orientation à partir de figures de pôles inverses (Figure 3-10) permet de mettre en évidence cette structure en lattes, paquets et blocs. On peut également observer qualitativement qu’il ne semble pas avoir d’orientation privilégiée des grains au sein de la microstructure, car il n’y a pas de couleur dominante sur les clichés. D’autre part, l’analyse de la littérature fournit des compléments de caractérisations de la microstructure. [Ennis 1997, Rodak 2003, Abe 2004, Bumjoom 2008, Das 2008, Hald 2008, Kim 2008] recensent une forte densité de dislocations au sein du matériau, des carbures de M23C6 situés dans les grains où à la frontière des paquets et des précipités MX situés dans les lattes et à la frontière des lattes. Ces types de précipités permettent de limiter la croissance des grains d’austénite. Les dislocations, quant à elles, forment une structure en sous grains avec des joints de sous grains qui ont des angles de désorientation faibles. Lors d’un traitement thermique, si l’on augmente la température d’austénitisation, on augmente la taille des lattes (0,38µm à 970°C, 0,42µm à 1070°C et 0,58µm à 1145°C) et la taille des grains d’austénite. La densité de dislocations décroît d’un facteur 3 après un traitement à haute température de revenu et après un essai de fluage de plus d’un millier d’heures à 600°C.