Comprendre le vieillissement
« Partout dans le monde, les gens vivent plus longtemps. Aujourd’hui, pour la première fois dans l’histoire, la plupart des gens ont une espérance de vie supérieure à 60 ans.
D’ici à 2050, on s’attend à ce que la population mondiale âgée de 60 ans et plus atteigne 2 milliards de personnes, contre 900 millions en 2015 ». (3) (OMS) On donne comme critère les âges de 65 ans et plus, pour définir l’âge à partir duquel on devient vieux. Mais il est plus pertinent de parler de vieillesse à partir de 75 ans. En effet l’âge moyen d’entrée en institution, signe de dépendance, dépasse les 80 ans.
« Le vieillissement correspond à l’ensemble des processus physiologiques qui modifient la structure et les fonctions de l’organisme à partir de l’âge mûr. Il est le résultat des effets intriqués de facteurs génétiques et de facteurs environnementaux auxquels est soumi l’organisme tout au long de la vie. Il s’agit d’un processus lent et progressif qui doit être distingué des manifestations des maladies. L’état de santé d’une personne âgée résulte habituellement des effets du vieillissement et des effets additifs de maladies passées (séquelles) et actuelles, qu’elles soient chroniques ou aiguës ».
« Mais ces changements ne sont pas linéaires, ils ne répondent pas à une logique claire et n’ont que peu de rapport avec l’âge de la personne en années. Alors qu’à 70 ans, certaines personnes jouissent encore d’une très bonne santé et de solides capacités fonctionnelles, d’autres, au même âge, sont fragiles et ont besoin de beaucoup d’aide ». (3) (OMS) « En France l’espérance de vie à la naissance est de 85,4 ans pour les femmes et de 79,3 ans pour les hommes. S’il est de notoriété publique que la durée de vie s’allonge d’une génération à l’autre, l’état de santé de la population vieillissante, en revanche, est moins connu. La question de savoir si les années supplémentaires gagnées grâce à l’allongement de la durée de vie sont vécues en bonne ou en mauvaise santé revêt une importance cruciale. Étant donné que l’espérance de vie à la naissance ne peut entièrement répondre à cette question ».(INSEE)
L’indicateur « années de vie en bonne santé » introduit la notion de qualité de vie, en se fondant sur le nombre d’années qu’une personne peut vivre sans limitation résultant d’une maladie ou d’une incapacité. Les maladies chroniques, les états fragiles, les troubles mentaux et les incapacités physiques tendent à avoir une plus grande prévalence chez les personnes âgées et peuvent détériorer la qualité de vie des personnes qui en sont atteintes. (7) « La perspective de la dépendance angoisse les personnes âgées et constitue une menace permanente de leur propre identité ». Lorsqu’elles sont dans l’incapacité de participer à la vie sociale, comme elles le voudraient, une attention particulière serait justifiée. (2)
Vieillissement et maladies du grand âge
Certaines maladies qui augmentent avec l’âge ont longtemps été confondues avec l’expression du vieillissement. On peut citer entre autres exemples : la maladie d’Alzheimer, longtemps considérée comme marque du vieillissement cérébral, l’insuffisance cardiaque comme l’expression du vieillissement cardiovasculaire et l’athérosclérose confondue avec le vieillissement artériel. On sait aujourd’hui que ces troubles sont en rapport avec des processus pathologiques, certes très fréquents chez les personnes âgées, mais non obligatoires.(UNF3S).
Poser le diagnostique
Annoncer le diagnostic contribue à augmenter l’adhésion au projet de soin et aide la personne et son entourage à faire face à l’avenir en leur permettant d’anticiper et de s’organiser. (17) (INSEP) 32% des médecins généralistes déclarent ne jamais annoncer le diagnostic de la maladie d’Alzheimer à leurs patients. (18) 91% des français souhaiteraient connaître leur diagnostic s’ils avaient la maladie d’Alzheimer. (19)
Il existe plusieurs facteurs de risque identifiés pour la maladie d’Alzheimer : l’avancement en âge, les traumatismes crâniens, la ménopause et son déficit en oestrogènes, le tabac, l’hypercholestérolémie, l’hypertension artérielle, les maladies cardiovasculaires, certains antécédents psychiatriques, le faible niveau éducatif et des facteurs génétiques.
D’autres facteurs pourraient jouer un rôle protecteur, notamment les antioxydants et les substances anti-inflammatoires.
Le diagnostic est long à établir, en particulier à cause du caractère progressif des symptômes. La frontière entre ce qui est bénin et ce qui est pathologique n’est pas toujours claire au stade précoce. « Le délai moyen entre l’apparition des premiers troubles et l’annonce du diagnostic est de 24 mois en France ». Le diagnostic est pluridisciplinaire. Il doit comprendre une évaluation neuropsychologique, un examen d’imagerie cérébrale, un examen neurologique, un bilan médical global et un examen psychiatrique si nécessaire.
En général, il repose sur différents arguments et même s’il n’existe, pour l’heure, aucun traitement curatif, il est essentiel de pouvoir le poser rapidement afin de mettre en place un plan d’aide adapté. (22)
Les traitements
Aucun traitement curatif ne permet de guérir de la maladie. Pour le moment ils agissent sur les mécanismes cellulaires ce qui n’empêche aucunement la dégénérescence et la mort neuronale, mais peut ralentir la progression symptomatique de la maladie. Des psychotropes sont parfois utilisés pour limiter les troubles du comportement, comme l’agitation, mais peuvent être à l’origine d’une grabatisation du patient.
En complément de ces traitements, une prise en soin non médicamenteuse s’est donc développée. Elle fait partie intégrante de la prise en charge thérapeutique de la personne. Elle vise prioritairement à préserver le plus longtemps possible ses capacités restantes et ainsi à améliorer sa qualité de vie. Elle consiste à adapter l’environnement de la personne malade et à développer une approche psychosociale spécifique. Le déploiement des stratégies nonmédicamenteuses fait appel à de nombreuses disciplines dont l’ergothérapie. Elles peuvent être mises en oeuvre aussi bien à domicile qu’en institution.
État des lieux du maintien à domicile
Le concept de «maintien à domicile » résume l’ensemble des dispositifs indispensables et personnalisés mis en oeuvre pour permettre à une personne âgée en perte d’autonomie de continuer à vivre chez elle dans de bonnes conditions.
Le maintien à domicile des personnes âgées dépendantes a longtemps été une affaire privée, à la charge des familles qui peut s’expliquer par, la rareté des établissements collectifs et l’organisation familiale. Au XIXe siècle, les nouvelles conditions sociales de la révolution industrielle ainsi que les progrès de la médecine et de l’organisation sanitaire ont contribué au développement de la prise en charge collective des personnes âgées dépendantes. (24)
A partir des années 60, le vieillissement constaté de la population interpelle les pouvoirs publics. En effet dès 1962, le rapport LAROQUE (25) propose à la société française une éthique du « vivre ensemble » à travers une politique de « maintien à domicile », pour permettre aux personnes qui vieillissent de conserver leur place dans la société. Celui-ci affirme que le placement collectif doit rester exceptionnel et il préconise la construction de logements adaptés, la généralisation de l’aide ménagère, des aides financières, la création de services sociaux et l’intervention de professionnels de santé afin de répondre aux besoins de la personne âgée dépendante.
Actuellement, plusieurs facteurs contribuent à ce développement du maintien à domicile : les progrès technologiques et médicaux, la volonté de mieux prendre en compte le «projet de vie» individuel de la personne âgée, et le souhait de plus en plus évident de soutenir un secteur riche en création d’emplois.
Choix et acteurs du maintien à domicile
Les personnes vieillissantes, par leurs pertes de capacités fonctionnelles et cognitives, bénéficient d’une majoration de l’aide familial. Le domicile est considéré comme la solution répondant aux besoins de la personne dépendante. Lorsque la mise en institution n’est pas d’actualité, différents prestataires peuvent intervenir pour le maintien à domicile, objectif des plans Alzheimer. Ils permettent d’apporter aux personnes dépendantes, un accompagnement et l’aide nécessaire à la réalisation des gestes de la vie quotidienne, mais aussi tous les soins indispensables au maintien de leur état de santé.
Certaines spécificités de la maladie d’Alzheimer compliquent l’accompagnement des professionnels concernés, dans le secteur sanitaire et médico-social : l’anosognosie, les troubles du comportement et de l’humeur et leur variabilité dans le temps rendent la prise en charge imprévisible. À des stades plus avancés, les troubles de la communication limitent les échanges avec les professionnels. (27) Par ailleurs, plus que dans d’autres maladies chroniques, l’aidant familial occupe une place privilégiée dans l’accompagnement des malades : il devient, à mesure que la maladie évolue, l’interlocuteur principal des professionnels concernés et peut exprimer également des besoins d’accompagnement ou de prise en charge spécifiques liés ou non à l’aide apportée à leur proche malade. (17) (INSEP)
Choix et compréhension du conjoint, aidant familial
La personne en situation de handicap doit avoir à tout moment la possibilité de choisir son aidant non professionnel dans sa famille. Si elle n’est pas à même d’exprimer ce choix, tout doit être fait pour que sa volonté soit respectée.
Réciproquement, l’aidant familial doit pouvoir choisir d’accomplir son rôle d’aidant à temps plein ou à temps partiel en conciliant éventuellement ce rôle avec une activité professionnelle. Ce choix doit être libre et éclairé, et doit pouvoir être réévalué à tout moment. (Charte Européenne de l’aidant Familial). La loi du 11 février 2005 a constitué une avancée majeure dans la prise en charge des besoins de compensation du handicap. Elle reconnaît en outre la place et le rôle des aidants familiaux.
Aujourd’hui, en France 4 million de personnes sont des aidants familiaux et aident un proche dépendant, malade ou en situation de handicap. (29) Selon la Charte Européenne de l’Aidant Familial, il est souvent un conjoint mais peut être à l’occasion un enfant, un parent, cohabitant ou non avec la personne aidée.
La maladie bouleverse l’écosystème familial. « Cet aidant subit les conséquences de la maladie de son parent puisque sa qualité de vie et sa santé s’altèrent. La population des aidants est une population fragilisée… » M.E Joël. La prise en charge familiale repose classiquement sur une seule personne, dans 80% des cas il s’agit des conjointes. (31) Les hommes assurent plus facilement le rôle d’aidant secondaire ou de co-aidants. (32)
La notion de fardeau
Le terme de fardeau est utilisé pour désigner la charge qui pèse sur l’aidant familial. Il existe des outils qui permettant d’en évaluer la sévérité. Le plus répandu est l’échelle de Zarit, soit l’inventaire du fardeau. Il s’agit d’une échelle unidimensionnelle qui permet l’évaluation de la charge matérielle et affective, reflétant ainsi la souffrance de l’aidant, mais sans identifier précisément ses besoins. Elle est constituée de 22 items explorant le retentissement de la maladie sur la qualité de vie de l’aidant : souffrance psychologique et morale, difficultés financières, honte, difficultés dans les relations sociales et familiales, et culpabilité. (33) (Cf. Annexe 4)
La prise en charge quotidienne d’un patient présentant des troubles cognitifs et vivant à domicile est assumée le plus souvent par la conjointe comme nous l’avons vu précédemment. Cette prise en charge a des répercussions importantes sur la santé tant physique que psychologique. Beaucoup d’entre elles présentent des symptômes d’épuisement, de stress et de dépression. L’épuisement de l’aidant familial va conduire le plus souvent à l’institutionnalisation du patient. (33) (34)
Environ 20% des aidants déclarent des conséquences positives de la relation d’aide, une valorisation du rôle d’aidant, une augmentation d’estime de soi (35) mais les répercussions de cette prise en charge quotidienne restent le plus souvent :
• Le stress chronique avec à la fois un retentissement social et sur la santé (isolement, difficultés financières, souffrance psychologique et morale, épuisement, dépression).
• Et la manutention des personnes en perte d’autonomie, qui est « l’un des facteurs déterminant dans la survenue de lombalgie ».
Pour finir, la vie sociale de ces aidants est presque, voire inexistante, d’où un sentiment de solitude et d’isolement.
L’accompagnement de l’aidant
Selon les éléments de pratique probante de l’ANFE, la majorité des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée vivent à domicile et sont aidées par leur proches, dont la santé psychologique et physique est fragile, en raison des responsabilités qui sont associées aux soins.(37) Les patients atteints de maladies neurodégénératives sont ceux qui pèsent le plus lourd dans la charge ressentie par l’aidant. Néanmoins, le vécu de ces mêmes troubles varie selon la personnalité de l’aidant. La prise en charge du patient présentant une maladie d’Alzheimer ou une pathologie apparentée doit donc impérativement tenir compte de la relation patient-aidant et élaborer des stratégies d’aides adaptées aux binômes. (31) Il est nécessaire pour ces familles de faire le deuil de celui que le malade était et de construire d’autres modes de relations intra-familiales.
Certaines informations de prise en charge sont données par le biais des pouvoirs publics ou des associations. L’information se manifeste sous forme d’écrit ou sous forme de groupes de parole.
Depuis 1995, la commission européenne finance un programme de formation et de soutien aux aidants dont l’objectif est de reconnaître la personne atteinte de démence comme un sujet vivant en relation avec son entourage et de trouver des manières d’être et de vivre avec cette personne. En Suède, l’aidant peut être salarié par la municipalité de son domicile.
C’est un concept qui pour l’instant reste unique.