Le lien à l’action publique, le programme DIVA

Le lien à l’action publique, le programme
DIVA

La thématique « Agriculture, Biodiversité et Action publique » du programme DIVA est à la croisée de multiples problématiques déjà esquissées : rapport utilitariste à la nature, valorisation de différents types de savoirs et mise en place de nouveaux dispositifs d’action publique. La mise en place d’un tel programme s’inscrit dans une double démarche : faire dialoguer des acteurs d’approches différentes, et mettre à disposition ces réflexions pour l’action, notamment celles du Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement (MEDDTL)72 et du Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l’Aménagement du Territoire (MAAPRAT)73, tutelles du programme. Quelles sont les conceptions des relations Agriculture, Biodiversité et Action publique autour desquelles se retrouvent les acteurs ? Quelle place offre le programme aux différents participants ? 

Entre production et protection : impliquer une diversité d’acteurs

Dans l’introduction que Moquay, Barre, Baudry, Billaud, Décamps et Poux font de l’ouvrage Raconter le paysage de la recherche (Mougenot, 2011) issu de la première animation transversale du programme DIVA, les auteurs situent le programme DIVA dans le prolongement du comité pour l’Ecologie et la gestion du patrimoine naturel (EGPN), luimême ancien comité Faune et Flore du Ministère de la protection de la nature et de l’Environnement. Ce Ministère a construit la notion d’Environnement comme un ensemble de problèmes (Charvolin, 2003), le comité EGPN74 est un des lieux où le Ministère engage ces premiers programmes de recherche sur des sujets variés (les bocages, l’impact des pesticides, la déprise agricole, la biodiversité en zone de grandes cultures) et produit un ensemble de fascicules75 dans l’optique de « connaître pour mieux gérer ». Le rapport sur les relations entre Agriculture et Biodiversité (Mermet et Poux, 1999) découle de cette dynamique et explicite une ambition d’intégration de la recherche scientifique et d’objectifs opérationnels tournés vers un renouvellement des politiques publiques. Les auteurs identifient plusieurs thèmes d’achoppement du débat76 sur ces questions et font l’état des recherches scientifiques sur la question. Ils décrivent trois perspectives de champs disciplinaires différents (écologie, agronomie et science de la société) qui recoupent, pour les deux premiers, des clivages administratifs et sociaux participant ainsi à une perspective d’affrontement entre sphère agricole et sphère de protection de la nature. Déplacer le front du débat nécessite de faire exister des espaces de débat et : « [D]e constituer une communauté – ou au moins un réseau – de recherche dans lequel les trois champs scientifiques évoqués plus haut (biodiversité vue de l’écologie, vue de l’agriculture, vue de l’action publique) puissent fonctionner ensemble dans la durée de façon paritaire. » (Mermet et Poux, 1999, p iv) Une telle suggestion est donc à l’origine du programme DIVA et des appels à proposition (2002-2007-2012) de recherche dont les axes thématiques rappellent les trois approches décrites. L’étude des « processus écologiques et agricoles » cohabite avec des approches possibles en termes de « représentation et de justification » propres aux sciences humaines et sociales, ou avec celles « d’élaboration, suivi et évaluation » dans une démarche d’accompagnement des politiques publiques. La création de DIVA résonne également avec une perspective interdisciplinaire des politiques scientifiques comme en témoigne Jacques Lepart, Ingénieur de recherche au CEFE77 lors d’un entretien exploratoire : « Depuis les années 70 à peu près, il y a eu toute une série de programmes interdisciplinaires donc la grande option en terme de développement de la communauté des écologues ça a été l’interdisciplinarité, au niveau des financements Ministère de l’Environnement, DGRST78, enfin tout ce genre de chose. Alors DIVA ça s’inscrit complètement là dedans. » La montée des problématiques environnementales est accompagnée d’un gain d’intérêt pour des systèmes anthropisés dans lesquels les dimensions à prendre en considération sont nombreuses, d’où une organisation thématique et interdisciplinaire. La première cause de perte de biodiversité est la dégradation des habitats (Le Roux et al., 2008) or, en 2010 l’occupation physique du territoire français est à 35% l’agriculture devant une occupation de 31% par les sols boisés79. « Promouvoir la prise en compte par les agriculteurs et leurs partenaires de la biodiversité dans les démarches territoriales » est d’ailleurs le premier axe stratégique du plan d’action agriculture 2008-2010 de la Stratégie Nationale de la Biodiversité. La thématique « Agriculture et Biodiversité » est relativement centrale dans les stratégies pour la biodiversité, elle va d’ailleurs être l’objet d’une expertise collective intitulée « Valoriser les synergies » rendue en juillet 2008 (Le Roux et al., 2008) ; à cette occasion, un colloque scientifique international est organisé et destiné aux décideurs. La présence de DIVA y est plutôt discrète mais c’est pour moi une occasion de discussion avec Jacques Baudry, impliqué dans l’expertise, et Alain Peeters, président du comité scientifique de DIVA. 

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L’organisation en deux instances et lieux de débats

Un premier programme DIVA 1 est lancé sur quatre ans et un deuxième appel à proposition lui fait suite en 2007. Ce deuxième appel mobilise pour partie un même ensemble d’acteurs (comité scientifique, comité d’orientation et six équipes de recherche commune) qui se rencontrent notamment lors de séminaires annuels. L’appel à proposition 2007 énonce une caractéristique du programme : « Dans le contexte des divers programmes relatifs à la biodiversité, DIVA se distingue par son lien explicite à l’action publique et ses apports aux politiques menées aux niveaux internationaux, européens, nationaux et régionaux. » (Souligné dans le texte) Ce lien s’organise notamment par l’existence de deux instances le comité scientifique et le comité d’orientation du programme. Ces derniers permettent de mobiliser des acteurs politiques autour de la production de connaissance tout en maintenant des frontières entre les choix scientifiques et politiques. Si les membres des deux comités et les équipes se rencontrent lors de séminaires annuels organisés pendant trois jours sur le terrain d’une des équipes, des rapports permettent idéalement la transmission des connaissances scientifiques aux mains des acteurs politiques. Cette frontière entre science et politique n’est pas conçue de manière homogène par les différents membres du programme : si le site Internet du programme le présente comme le moyen de « déboucher sur des références pouvant apporter une aide à la décision et à la mise en œuvre d’action publique », de son côté, le président du comité scientifique, Alain Peeters, prône un lien beaucoup plus direct. Il encourage par exemple, à l’occasion d’un séminaire miparcours, les équipes à faire des quasi-prescriptions par le biais des rapports : « Et je voudrais insister sur le fait que dans vos rapports, il est très important que vous puissiez transformer vos résultats scientifiques en recommandations politiques, les plus claires possibles. Il y a aussi une courroie de transmission importante dans DIVA c’est qu’on a un comité d’organisation qui est aussi un comité d’orientation puisque DIVA est conçue dès le départ pour transformer des résultats scientifiques en éléments intéressants pour les décideurs. Ce comité d’organisation est aussi un comité d’écoute puisque les décideurs des Ministères lisent les rapports, participent au séminaire, bon ce séminaire-ci est un petit peu transitoire de ce point de vue là, mais il y a toujours eu, dans les séminaires DIVA, une participation importante de décideurs. » En effet, ce professeur d’agronomie dirige lui-même un bureau de consultance sur les questions environnement, agronomie et développement durable ; il est présenté comme ayant joué « un rôle déterminant dans la transposition en Wallonie des législations européennes concernant l’environnement en agriculture ». Ces différentes conceptions du lien entre la recherche scientifique et l’action publique sont d’ailleurs mise en débat au sein de l’action transversale, sans que nous (Aline Cattan et moi-même) trouvions l’occasion de faire un entretien avec Alain Peeters pourtant très intéressé par le sujet mais géographiquement éloigné.

Un espace faiblement concurrentiel et politiquement important

Le budget pour DIVA 2 s’élève à 1,4 millions d’euros répartis sur les dix projets pour quatre ans. Ce budget est relativement faible si on le compare aux 9,5 millions d’euros80 correspondant à la dotation que l’Agence Nationale de la Recherche attribue au programme « Agriculture et Développement Durable » pour trois projets de recherche. L’appel à proposition DIVA propose un petit financement, la fourchette va de 80 00081 à 152 000 euros avec une moyenne de 108 505 euros par projet, qui n’est pas support à l’embauche de personnel ; les équipes sont, pour la plupart, co-financées par les partenaires. Pour avoir un ordre de comparaison, l’Agence Nationale de la Recherche finance, pour l’appel à proposition de recherche Biodiversité de 2006, les projets en moyenne à hauteur de 723 000 euros, c’està-dire environ six fois plus. Par contre, le taux de sélection est bien plus élevé dans DIVA puisque 50% des projets reçus sont financés, par rapport à 25% des projets ANR en 2006, ou à 15% des projets ANR Biodiversité en 2006.La diversité des projets de DIVA 2 est également visible dans la taille des équipes, l’importance variable des partenaires, les objets de politiques publiques et les territoires concernés (tableau 11). Néanmoins les projets sont marqués par leurs ancrages territoriaux : la plupart ont des terrains locaux, c’est-à-dire dans la zone dans laquelle sont implantés leurs organismes de recherche. Le terme de « divisé » signifie que l’étude se place à une échelle nationale ce qui implique une articulation de différents terrains mais correspond souvent à une articulation d’équipes elles-mêmes impliquées localement. 

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