Depuis le début du XXe siècle, les sciences de la gestion tentent de définir le phénomène du leadership (Cristol, Laizé, & Radu Lefebvre, 2011; Mintzberg, 2005). En 1948, Stogdill recensait déjà plus de trois cent cinquante définitions de ce qu’est le leadership. Définir ce phénomène en quelques lignes a été fait et refait, et pourtant, le leadership demeure un mystérieux concept. Depuis, le nombre de publications sur le sujet a augmenté de façon drastique (Dinh et al., 2014). Il existe en 2014 une multitude de théories, de définitions, de points de vue et d’approches sur le thème du leadership (Dubrin, 2012; Yammarino, 2013). Dinh et al. (2014) ont identifié à ce jour 66 champs de recherche sur ce thème.
S’arrêter à une simple définition du mot « leadership » serait alors futile. Toutefois, il apparait incontournable de présenter la signification que prennent les termes « leader » et « leadership » dans le cadre de cette étude, puisqu’ils y sont centraux. Pour y parvenir, un voyage à travers le temps est effectué afin de comprendre d’où vient le concept de leadership. Les différences entre les thèmes « management » et « leadership » sont ensuite établies afin de mettre en lumière ce que représente le leadership dans le domaine de la gestion. Les retombées que génère cette compétence pour les organisations sont par la suite présentées. Pour conclure, les principaux concepts liés au leadership décrits dans cette section sont mis en relation dans un cadre intégrateur. L’objectif de ce dernier n’est pas de créer une nouvelle définition, mais d’illustrer la signification que prend le leadership dans cette étude .
Les définitions données aux termes « leadership » et « leader » ont bien évolué au cours des deux derniers siècles. Les sections suivantes présentent de façon plus détaillée les principales avancées théoriques sur le sujet, telles que le leadership héroïque, les théories des traits, les théories comportementales, les théories de la contingence, les théories du leadership transformationnel et les théories du leadership relationnel. Pour terminer, les courants actuels de recherche sur ce thème sont présentés.
Le leadership héroïque
La théorie du « grand homme » (The Great Man Theory), élaborée au 19e siècle, caractérise le courant du leadership héroïque. Cette théorie est issue de l’idée que l’histoire s’explique simplement par l’impact qu’ont eu les « grands hommes », ou héros de ce monde, sur l’évolution de nos sociétés. Ces derniers auraient créé le monde actuel en dirigeant les hommes et auraient ainsi déterminé le destin de l’humanité. Cette théorie a été popularisée par l’écrivain, historien et satiriste écossais, Thomas Carlyle (1795- 1881). Carlyle croyait profondément que le monde devait être gouverné seulement par quelques hommes forts et sages, et non de façon démocratique. En 1840, Carlyle a publié un livre intitulé On Heroes and Hero Worship and the Heroic in History. Ce livre présente différents personnages tels que Mahomet, Shakespeare, Luther, Rousseau et Napoléon. D’après Carlyle, ces hommes présentent certaines caractéristiques sur lesquelles reposerait leur succès, telles que leur charisme, leur intelligence et leur sagesse (ou leur esprit machiavélique). Thomas Carlyle figure parmi les premiers à s’être intéressé au leadership et à avoir publié sur le sujet. (Carlyle, 1840) .
Les théories des traits
Pendant la première moitié du XXe siècle, les recherches sur le thème du leadership portaient essentiellement sur les traits de personnalité, tout comme le faisait Thomas Carlyle dans les années 1840. Les caractéristiques physiques des leaders étaient également analysées. Toutefois, les chercheurs se sont surtout intéressés aux connaissances, aux habiletés et aux valeurs des leaders (Kirkpatick & Locke, 1991; McShane & Benabou, 2008; Stogdill, 1948; Zaccaro, Kemp, & Bader, 2004). Robbins, DeCenzo, et Coulter (2011, p. 348) précisent que les théories des traits sont des « théories fondées sur l’identification des caractéristiques personnelles de toutes natures censées distinguer les leaders des non-leaders ». Les études visant à identifier les traits de personnalité s’appliquant à tous bons leaders n’ont donné aucun résultat concluant (Schermerhorn, Hunt, Osborn, & De Billy, 2010). Comme le mentionnent McShane et al. (2008, p. 559), « le leadership est un phénomène trop complexe pour qu’on le représente sous la forme d’une liste universelle de caractéristiques s’appliquant dans toutes les circonstances ». Les études qui ont cherché à identifier des traits couramment associés au leadership ont quant à elles eu plus de succès.
Les théories comportementales
Dans les années 1940, jugeant que les théories des traits de personnalité n’étaient guère suffisantes pour comprendre le phénomène du leadership, plusieurs chercheurs se mirent à étudier les habitudes comportementales des leaders (Robbins et al., 2011). Selon ces théories, le succès d’un leader, ou les réussites d’une organisation, sont principalement dus aux comportements du leader (Schermerhorn et al., 2010) .
Lewin et ses collègues de l’Université de l’Iowa, semblent être les premiers à s’être penchés sur l’étude des comportements. Ce champ de recherche se définit comme étant l’« ensemble des théories fondées sur l’identification des déterminants comportementaux qui distinguent les leaders efficaces des leaders inefficaces » (Robbins et al., 2011, p. 350). Ils ont défini trois types de comportements, ou style de leadership, soit le leader autocratique, démocratique et non interventionniste (laisser-faire).
Suite aux travaux de Lewin, toujours dans les années 1940, des chercheurs des universités de l’Ohio et du Michigan ont mené d’importantes études concernant les styles de leadership. Le modèle de l’université de l’Ohio identifie deux grandes catégories englobant la plupart des comportements des leaders. Ces catégories se nomment « structuration » et « considération ». La « structuration » fait notamment référence à la définition des rôles tandis que la « considération » s’intéresse plutôt aux relations humaines. En règle générale, les leaders les plus performants présentent une « structuration » et une « considération » élevées. Toutefois, de nombreuses exceptions viennent infirmer cette prémisse. L’influence des facteurs de contexte et de situation doit être prise en considération dans cette théorie (McShane et al., 2008; Robbins et al., 2011).
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