Le latex de caoutchouc naturel un système colloïdal complexe
Le caoutchouc naturel (NR) est la matrice de base de nombreux composites utilisés dans l’industrie du pneumatique. L’objectif de cette thèse s’inscrit dans l’amélioration de la compréhension de l’état d’origine du caoutchouc naturel, le latex, afin de pouvoir élaborer des matériaux composites à base de caoutchouc naturel dans lesquels les charges seront mieux dispersées et via un procédé de mélange en phase liquide moins coûteux en énergie. Par définition, un latex est une dispersion colloïdale de particules de polymère dans une phase aqueuse. Nous nous intéressons dans cette étude à un cas particulier de latex, le latex de caoutchouc naturel (NR). L’intérêt pour cette substance vient du polymère qui en est extrait mais aussi de son origine biologique qui en fait un objet d’étude complexe. Le sujet de cette étude étant principalement centré autour de la substance naturelle qu’est le latex de NR, il est important d’indiquer ici quelques informations historiques permettant de retracer l’histoire de ce matériau aux propriétés étonnantes. Bien qu’il existe de nombreuses plantes étudiées comme sources alternatives de caoutchouc telles que le guayule (Partaghyz) (Mooibroek, et al., 2000), le latex de NR utilisé industriellement est majoritairement extrait de l’hévéa brasiliensis. Comme c’est aussi le cas du latex utilisé dans ce travail, nous nous intéressons dans la suite uniquement à ce type de latex naturel. Le caoutchouc issu de cet arbre présente des propriétés mécaniques et thermiques particulières et encore non égalées à ce jour par les produits de synthèse.
Plus de 2500 espèces de plantes synthétisent du latex de caoutchouc naturel (Gronover, et al., 2011; Mooibroek, et al., 2000), cependant le caoutchouc issu de l’hévéa reste l’un des seuls exploité industriellement et sa consommation mondiale augmente chaque année. En 2012, la production mondiale de caoutchouc était de 10,9 millions de tonnes (source SIPH). Le caoutchouc et le latex naturels, ont connu leur première heure de gloire avec les civilisations précolombiennes. Ils sont utilisés notamment pour la confection d’objets sacrés ou encore de balles pour un jeu collectif (Petitet, et al., 2008) mais aussi pour l’imperméabilisation des vêtements et la fabrication d’objets divers. Le mot caoutchouc vient du terme précolombien « cahutchu » qui signifie « bois qui pleure » en référence au latex blanc qui sort lors de la saignée. Le caoutchouc est introduit en France grâce à Charles Marie de La Condamine qui décrit ce matériau au cours d’un voyage en Amérique du Sud en 1736. A l’époque, il met en avant notamment les propriétés imperméabilisantes du caoutchouc. Cependant, son essor n’a lieu qu’en 1839 avec l’invention du procédé de vulcanisation au soufre par Goodyear qui permet au caoutchouc de conserver ses propriétés mêmes dans des conditions extrêmes de température. Commence alors l’âge d’or avec le développement de plantations d’hévéa dans les colonies asiatiques anglaises et françaises.
Le latex et le caoutchouc naturels deviennent des matières premières importantes au même titre que les céréales ou le pétrole (Compagnon, 1986). Pourtant, l’exploitation industrielle de l’hévéa ne faillit jamais voir le jour. En effet, jusqu’en 1876, la quasi-totalité du latex de NR et du caoutchouc provient du Brésil, terre natale de l’arbre à caoutchouc. La récolte du caoutchouc se fait sur des arbres à l’état sauvage en pleine forêt. Malgré tout, la demande en caoutchouc augmente et les prix avec. Pour endiguer cette augmentation, l’explorateur anglais Sir Henry Wickham décide de rapporter des graines d’hévéa brasiliensis du Brésil. En 1876, Wickham rapporte 74 000 graines (Petitet, et al., 2008) par ses propres moyens jusqu’à Londres. Ces graines sont immédiatement plantées au jardin botanique royal de Londres, le Kew Garden, et donnent environ 2000 plants. Ces plants sont envoyés notamment à Ceylan et au jardin botanique de Singapour (figure 1-1) afin d’être replantés. Seule une fraction de ces jeunes plants a survécu. Mais grâce aux travaux de Ridley à Singapour qui a développé une méthode de reproduction des arbres, les hévéas cultivés aujourd’hui en Asie du Sud-Est proviennent essentiellement de ces quelques plants (Blackley, 1966). Aujourd’hui, bien que dépassé par le caoutchouc synthétique en termes de production annuelle, le caoutchouc naturel occupe une place particulière dans l’industrie du fait de ses propriétés inimitables. La majorité de la production se fait en Asie du Sud-Est et notamment en Thaïlande et en Indonésie. En 2013, la production mondiale de caoutchouc est passée à 11,5millions de tonnes, dont 90% ont été produits en Asie.