LE GROUPE D’ACTIVITE AUTOUR DE L’ELECTRONIQUE
Le terrain: les pratiques dans les domaines de l’électronique et de l’informatique
Localisation spatio-temporelle Les adolescents rencontrés résident dans l’ílat des Deux-Moulins. Il s’agit d’un ensemble d’immeubles, dits « I.L.N. », construits par l’O.P.H.L.M.V.P. à partir de l970. Cette caractéristique immobilière a son importance: en effet la construction d’immeubles I.L.N. đ Paris. depuis l5 ans, souvent en liaison avec des rénovations, a permis à des catégories sociales dites « moyennes » de demeurer dans la capitale. Ces catégories sociales sont précisément celles qui ont développé la revendication du « droit » au logement qui s’est particulièrement traduite en exigences d’équipements collectifs. A cet égard, Pilat des Deux-Moulins est particulièrement représentatif. Fruit de l’action des locataires, une « dalle » constitue le lieu de rencontre par excellence des habitants et du voisinage, aussi bien celui des adultes que des enfants et des adolescents. Cette « dalle » permet de nombreux jeux, vélo, ballon (tennis, volley, basket, patin). En fin de jourпée, au printemps, des-adultes s’y retrouvent et parfois y piqueniquent ensemble. L’ílot recèle aussi des locaux utilisés par diverses associations. La constitution des réseaux des adultes, existant sur une base locale, dépend à la fois: – du milieu social ;•à cet égard, les procédures d’accès au parc des logements publics parisiens favorise le regroupement de familles socialement « homogènes », – de l’âge des enfants ; ceux-ci sont un puissant moyen de socialisation des parents, que renforce la fréquentation de telle ou telle école primaire, – de formes d’engagement social, concrétisées ici par la participation (ou l’absence de participation) à la vie associative et politique en général et plus particulièrement, pour ce qui concerne cet flot: aux amicales de locataires, aux associations de parents d’élèves et aux associations socio-culturelles. b – Les informateurs: Les cinq jeunes que nous avons rencontrés ont en commun l’histoire locale de leurs parents. Nous les avons isolés car ils ont développé ensemble une activité dans le domaine de l’électronique, il y a trois ans. Si nous devions aujourd’hui entreprendre cette recherche nous prévilègíeríons l’analyse de la pratique informatique survenue pos tér í ѓurement et nous aurions affaire đ un réseau d’adolescents plus important en nombre que celui dont nous rapportons l’expérience ici. Enfants, ils ont joué sur la dalle; ils ont fréquenté les mêmes écoles primaires et sont entrés en hème đ Claude Monet. Actuellement, les deux plus âgés fréquentent respectivement le lycée Rodin et le lycée Jean Lurçat. Sí l’origine sociale des parents n’est pas identique, les modes de vie actuels paraissent relativement homogènes et manifestement les parents eux-mêmes constituent un groupe d’affinités qui d’ailleurs n’est pas réductible aux quatre familles concernées. Ces parents développent des pratiques communautaires à l’égard des enfants et des adolescents: les portes sont largement ouvertes aux « copains » et aux « copines », qui passent jouer un moment, regarder la T.V., s’aident éventuellement đ « faire les devoirs », restent diner et dorment les uns chez les autres. Il existe, en quelque sorte,une circulation des adolescents à l’intérieur des appartements, et parfois des intérêts communs se cristallisent sir certaines pratiques sportives et certaines pratiques technologiques (terrains d’action privilégiés par les garçons).
Le groupe d’affinités
Nous avons affaire à 5 informateurs et 4 familles: Gérard a aujourd’hui l5 ans et son frère François en a l3. Ils fréquentent tous les deux Cl. Monet, Gérard redouble la classé de Sème et François est en 4ème. Ils ont une plus jeune soeur qui fréquente encore l’école primaire. Leurs parents sont issus de milieux dits « moyens », et ont suivi « naturellement » des études: le père est cadre supérieur dans une banque nationalisée, où íl est chargé de la réalisation de notes de conjoncture ; de manière périphérique à son activité principale íl est concerné par le traitement informatique des inforations à l’intérieur de la Banque. La mère a suivi des cours à l’INOP après avoir commencé un licence de langues, elle était « programmée pour devenir enseignante » dit-elle, mais son mariage, la nomination de son mari dans une direction provinciale de la banque, et la venue de trois enfants ont interrompu ses études. Depuis deux ans elle prépare une licence d’arts plastiques et projette d’enseigner đ l’issue de ses études. Depuis l’arrivée de la famille « sur la dalle » la particpation à la vie associative locale a été assurée par la mère: Animation l3, locataires, parents d’élèves. Dominique a l6 ans. IL fréquente la classe de lère ã Claude Monet. Il est lainé de deux autres garçons, âgés respectivement de l4 et l2 ans, qui fréquentent également Cl. Monet. Le père est issu d’une famille de pépiniéristes qui vivent en province, il est devenu architecte-paysagiste et travaille au sein d’une SCOP qu’il a montée. Le milieu d’origine de la mère est plus modeste: elle n’a pas le bac et avait reçu une formation d’aide-puéricultrice et déjà exercé cette activité professionnelle avant son mariage et la venue des trois enfants. Depuis un an et demi elle a repris cette activité professionnelle et travaille dans une crèche. Elle a participé đ des ateliers d’activités manuelles au cours de ces dernières années, mais la prise de responsabilité associative -notamment au sein des parents d’élèves- est assurée par le père. Thomas a l7 ans. Il fréquente la classe de ‘ère et pour ce faire a quitté Cl. Monet pour Jean Lurçat. Sa soeur, âgée de l4 ans, fréquente Cl. Monet. Les grands-parents de Thomas étaient ouvriers, l’un des grands-pères fut conducteur de locomotives et a une réputation « d’inventeur ». Le père est maintenant technicien verrier dans un laboratoire du C.N.R.S. et la mère, « programmée pour être couturière », est devenue employée de bureau, et à force de ténacité et d’heures de travail supplémentaires a accédé au grade de chef-comptable de son entreprise. Elle s’est, dit-elle, facilement adaptée à l’ordinateur et souhaiterait avoir le temps d’en apprendre davantage en ce domaine. La participation à la vie associative (parents d’élèves et locataires) est assurée par le père. Denis a l7 ans. Il est en terminale à Rodin. Son frère, âgé de l3 ans, fréquente aussi le lycée Rodin. Issu d’une famille modeste, le père de Denis est devenu médecin du travail et la mère, aprés des étude décousues et une qualification acquise depuis quelques années exerce la profession d’orthophoniste en établissements publics. Le père a participé activement à de nombreuses associations locales: parents d’élèves, locataires, associations socio-culturelles.
Méthodologie : pluridisciplinarité et expertise
Ces adolescents et leur famille sont connus de Michèle Descolonges-Morville depuis plusieurs années. Elle participe au « réseau » des familles (sorties, vacances, vie associative, etc.) et vit dans le quartier. La réalisation de cette recherche posait le problème de son statut : le fait d’être engagée dans des relations d’amitié avec les parents ne risquait-il pas d’interférer dans les informations qu’elle recueillait? Comment elle-même pouvait-elle prendre la mesure d’une subjectivité inévitable? La solution a été apportée par la participation đ l’enquête auprès de ces adolescents de deux autres membres de l’équipe, considérés comme des experts (Béatrice Boffety, enseignante et Jean-François Boudinot, informaticien) qui ont eu des modes d’intervention spécifiques : a – Douze entretiens ont été réalisés avec les adolescents, par M. Descolonges et B. Boffety : Ces entretiens ont été notés, les données confrontées. Nous nous sommes heurtées à un certain nombre de difficultés pour décider le premier rendez-vous (adolescent absent, indisponible, R.V. ajourné à la dernière minute, etc.). Finalement, une première rencontre a été fixée đ l’improviste, et deux des adolescents seulement y ont participé. Par la suite, 6 entretiens ont pu être réalisés, assez régulièrement, jusqu’en juillet, ой les vacances scolaires ont interrompu nos visites. A la rentrée d’octobre, íl a été, de nouveau assez difficile de fixer dates et horaires , mais, finalement, 6 autres entretiens ont eu lieu, selon une périodicité régulière. Deux adolescents ont été vus 5 fois Un adolescent a été vu 4 fois Un adolescent a été vu 2 fois Un adolescent a été vu l fois. Autrement dit : 5 entretiens ont concerné un seul adolescent 3 entretiens ont concerné deux adolescents ensemble 4 entretiens ont concerné trois adolescents. Ces regroupements, à deux ou à trois, n’ont pas été notre fait, et indiquaient d’une part l’existence de liens plus ou moins serrés entre les adolescents, d’autre part le désintérêt de l’un d’eux pour cette recherche. Par ailleurs, un « pot », spécialement organisé, a permis à B. Boffety de rencontrer cinq parents. L’un des aspects positifs de ces entretiens a été de permettre le passage, aux yeux des adolescents, de M. Descolonges d’une place « parentale » à une place de « chercheur ». Cependant, la confrontation des informations recueillies au cours des entretiens avec les informations détenues par l’observation-participante n’a pas été sans difficulté, car il est apparu que les entretiens avaient constitué, pour partie, une « mise en spectacle » et certaines affirmations des adolescents, notamment en matiè ŕe de scolarité, étaient contredites par leur pratique effective (l). Ceci nous a parfois conduit à des différences d’interprétations, que l’on retrouvera au cours du texte. b – J. F. Boudinot a rencontré les adolescents à trois reprises afin d’examiner le contenu de leur production technologique.