LE FUTUR DEUX FORMES EN CONCURRENCE

LE FUTUR DEUX FORMES EN CONCURRENCE

L’expression du futur : du moyen perse au persan

En moyen perse, aucun procédé morphologique particulier n’exprime le futur. Le présent de l’indicatif comme le subjonctif peuvent marquer l’action à venir911. Selon Skjærvø, le présent de l’indicatif est surtout utilisé pour indiquer un futur proche, tandis que le subjonctif sert à marquer le futur dans les subordonnées, notamment dans les relatives et les subordonnées de but . Etant donné que le subjonctif moyen-perse a disparu en persan, on peut se demander si une autre forme ne l’a pas remplacé pour exprimer le futur dès les premiers siècles. En persan contemporain, le futur est exprimé par le présent de l’indicatif à l’instar du moyen perse, mais aussi par une périphrase composée du verbe x v āstan (devenu xāstan), « vouloir », suivi d’un infinitif.

L’auxiliaire x v āstan, « vouloir »

Futur ou volition ? 

L’utilisation de la volition pour former le futur se retrouve dans beaucoup de langues : par une périphrase comme dans l’anglais I will come ou dans la morphologie même, par exemple en grec ancien (futur formé sur un thème de désidératif en *-se/o-) 915 . D’autre part, il y a une tendance à ce que le futur soit exprimé par une périphrase916. Mais qu’en est-il pour le persan ? Si actuellement x v āstan sert à former le futur917, se pose la question de savoir si aux Xe -XIe siècles, ce verbe de volition garde encore son sens premier dans tous ses emplois, ou bien s’il est devenu un simple auxiliaire permettant de construire un futur dans certains cas. Il est parfois impossible de répondre. Dans (1), les deux valeurs sont aussi valables l’une que l’autre. (1) ki yād x v āham kardan « que je veux évoquer / que j’évoquerai » (HM 199, 10) En revanche, l’interprétation est moins sujette à caution quand la périphrase est employée avec des sujets inanimés. Cela montre clairement que, dès lors, elle est aussi à lire comme futur et non plus seulement comme verbe de volition. C’est là un des critères opérants pour d’autres langues qui, elles aussi, ont connu ce passage de l’idée de volition à celle de futur918. On trouve ce type d’emploi de x v āstan en persan dès le Xe siècle, dans des occurrences telles que (2). Le sang n’est doué d’aucune volonté, d’autant plus ici dans un texte médical, par principe dénué de toute dimension métaphorique.

Rigidification syntaxique

On décèle dès nos premiers textes un autre indice de la grammaticalisation de la périphrase dans sa rigidification syntaxique même920. Dans quasiment toutes les occurrences, nous avons le verbe au futur postposé à x v āstan sans élément intermédiaire. Même dans le cas des verbes composés ou des verbes à préverbe, l’élément nominal ou le préverbe précède le groupe x v āstan-Verbe support, ainsi en (3a). Dans le cas d’un passif aussi, le participe précède l’auxiliaire (3b). (3) a. ky ’sps ’w šrḥ kw’hd krdn « qu’il expliquera après cela » (TE1 20, 4-5) b. čunānči dar qissa-i sarbadārān gufta x v āhad šud « comme ce sera dit dans le récit des Sarbadārs » (PR 6, 17) c. hm čwnyn kw’hd ’ndr rsydn ḥ’l yšr’ln « ainsi la situation des Israélites atteindra (ce même degré) » (TE1 17, 15) d. p’ ‘dd ’n rwzyg’r’n hnd […]921 ky tw kw’hy pdyš ’lm ’br kwyštn ’brdn « c’est le même nombre de jours […] pendant lesquels tu apporteras l’affliction sur toi-même » (TE1 13, 9-10)

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