Le français langue des sciences et des techniques à la fin du XXème siècle
Nous nous devons se poser les questions fondamentales sur la capacité de la langue française à dénommer les réalités du monde moderne, sur ses ressources néologiques, sur son potentiel de créativité lexicale et d’innovation syntaxique.
On connait tous cet anglais simplifié qu’est l’anglais scientifique, et nous devons constater que les chercheurs sont à la quête d’un français simplifié. Ahmed Buraoui, directeur de l’institut de Recherches Scientifiques et Techniques de Tunis dit que: » La langue de Racine et de Baudelaire sera écrasée si elle ne se simplifie pas comme l’anglais contemporain… Il faudrait peut-être inventer une langue scientifique française abrégée et simplifiée ».
Cette voie ne tente guère les linguistes, on peut fabriquer entièrement une langue, on ne mutile pas une langue existante délibrement. L’anglais scientifique s’est fait tout seul, comme toute langue qui évolue lorsqu’elle est transplantée, confrontée à d’autres langues. Le même phénomène ne peut pas se reproduire pour le français, car il n’y a guère que les francophones pour la parler.
Même les propositions pourtant modérées de réforme de l’orthographe proposes par le CILF d’après les travaux de René Thimonnier n’ont que très partiellement abouti, après de langues réflexions du Ministère de l’Education Nationale de l’Académie Française. Les modifications acceptées finalement sont tellement dérisoires que l’on ose à peine les mentionner, suppression des graphies multiples pour un même mot, invariabilité du participe passé conjugué avec « avoir » devant un infinitif.
S’il est difficile d’envisager une simplification de la langue. Il faut donc utiliser ses qualités et ses ressources pour lui assurer un avenir dans le domaine scientifique. En 1967, à l’occasion de la première assemblée plénière du CILF , George Pompidou envoyait à Joseph Hanse son président un télégramme suivant: » Le Conseil International de la Langue Française, dont j’ai vivement encouragé la création, contribuera à l’épanouissement et au prestige de notre langue, condition de son rayonnement. Vous prouvez que le français n’est pas seulement la langue d’une petite élite, mais celle des masse, une langue de la science et de la technique parfaitement adaptée au monde du XXème siècle… ». Durant les trente dernières années, le français a en effet prouvé qu’il pouvait s’adapter, nous allons voir comment.
La terminologie ou « création lexicale »
En même temps que le haut comité, se constitue en 1966 l’AFTERN , elle est chargée d’inventorier les travaux déjà faits dans ce domaine, de constituer une banque de documentation terminologique, en liaison avec ses homologues canadiens qui sont alors le Bureau Fédéral des Traductions d’Otana et la Règle de la Langue Française au Québec. En facilitant ces échanges internationaux, le CILF entre en jeu pour maintenir l’unité de la langue française dans le monde. Une de ses missions essentielles est la terminologie. Siégeant à Paris, il est étroitement lié à l’Académie Française, arbitre suprême des conflits linguistiques, les membres de la commission du dictionnaire faisant partie à vie du conseil. Ses publications sont de deux types: des ouvrages de terminologie et des vocabulaires techniques. Une réalisation importante du CILF qui concrétise quinze ans de travaux et constitue un outil d’un très grand intérêt pour tout les scientifiques: le dictionnaire de termes nouveaux des sciences et des techniques . Ainsi que des revues comme La Banque des mots , La clé des mots et plus récemment un bulletin de liaison Langues et terminologies.
L’action publique et officielle commencée en 1966 se poursuivit sous la présidence de George Pompidou. Dans une Lettre circulaire de Jacques Chaban-Delmas, Premier Ministre, le 14 janvier 1970 a déclaré: » Le président de la République Française souhaite que le gouvernement engage une action de défense du Français, nous devons tendre à enrichir le vocabulaire scientifique, technique et professionnel de mots nouveaux qui se substituent aux emprunts faits aux langues étrangères. » Selon un processus comportant: un inventaire des langues à épurer, la création de commissions constituées avec les membres du Haut comité, des personnalités compétentes et des représentants de l’administration concernée, une consultation du Conseil International de l’intervention d’actes règlementaires pour sanctionner et imposer la nouvelle terminologie .
Un décret du 7 janvier institua les commissions de terminologie. Quatorze commissions ont vu le jour de 1972 à 1979 et leurs travaux ont abouti à onze arrêtés ministériels renouvelant le vocabulaire du bâtiment, des travaux publics et de l’urbanisme, du pétrole, du nucléaire, des techniques spatiales, des transports, de l’informatique, de la santé et de la médecine, de la défense et de l’audio-visuel .
En 1980 le Haut Comité crée FRASTERN , qui devrait devenir une banque de données terminologiques, œuvre à laquelle collaborent d’autres associations comme Défense de la Langue Française, par l’intermédiaire de H. Chéradame, président de sa section scientifique et technique.
Par ailleurs l’AFNOR publie et tient à jour des normes consacrées à la terminologie dans les domaines les plus variés des sciences et des techniques. En 1976 est né l’index NORMATERN qui est devenu depuis la banque de terminologie de l’AFNOR . Les Français ne sont pas les seuls à se préoccuper de terminologie . Les Québécois se sont intéressés aussi, et continuent à le faire dans le domaine des banques de données BTQ , créé par l’office de la Langue Française, et le GITE . Les Canadiens ont organisé, du 30 mai au 3 juin 1983 à Hull une concertation entre les grandes banques de terminologie dans le but d’arriver à un accord multilatéral avec entre les participants du domaine de la terminologie informatisée .
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