Le fond extragalactique infrarouge

Le fond extragalactique infrarouge

Contribution totale des galaxies infrarouges au fond extragalactique Chap. 2, 3 et 4, nous avons déterminé par des méthodes variées les comptages de galaxies infrarouges à différentes longueurs d’onde infrarouges et sub-millimétriques. A partir ceux-ci, il est facile d’estimer la contribution des sources infrarouges au fond infrarouge B : B = Z S dN dS dS. (5.1) Ceci fournit des limites inférieures sur le niveau du fond infrarouge qui peuvent être comparées avec les mesures absolues et les limites supérieures.

 Fond infrarouge à 24 µm 

Des comptages profonds à 24 µm ont été estimés Sect. 2.5.3. On peut, à partir de cela, calculer grâce à l’Eq. 5.1 comment les sources contribuent au fond infrarouge à 24 µm. La contribution des sources situées dans l’intervalle de flux étudié (35 µJy< S 24 <100 mJy) par nos comptages est 2.26±0.09 nW.m−2 .sr−1 . La contribution des sources plus brillantes que notre plus haut bin de flux est négligeable 0.032±0.003 nW.m−2 .sr−1 (on extrapole ici un comportement euclidien). En revanche, la contribution des sources faibles ne l’est pas. A bas flux, les comptages ont en un comportement en loi de puissance (dN/dS∝ S −1.45±0.1 ). On peut alors extrapoler ce comportement jusqu’à flux nul pour estimer la contribution totale des galaxies au fond infrarouge : 2.86+0.19 −0.16 nW.m−2 .sr−1 . Les incertitudes sont réduites d’un facteur 5 environ par rapport aux estimations précédentes de Papovich et al. (2004) à partir des comptages Spitzer du temps garanti. Ces estimations sont également en accord avec les limites supérieures provenant de rayons gamma (5 nW.m−2 .sr−1 , Mazin et Raue (2007)). La Fig. 5.1 illustre la contribution cumulée des sources en fonction du flux. Les sources résolues à 24 µm expliquent donc 80% du fond total extrapolé. Si on considère que les galaxies sont la seule source d’émission du fond infrarouge à cette longueur d’onde, on peut donc considérer que le fond est quasiment résolu dans l’infrarouge moyen. Néanmoins, il n’existe pas de mesure absolue à cette longueur d’onde pour tester cette hypothèse. En effet, la lumière zodiacale domine de trois ordres de grandeur le fond extragalactique dans cette partie du spectre. Ces contributions pourraient être dues à une émission diffuse du milieu intergalactique (Montier et Giard (2005)) ou d’une contribution de sources ponctuelles très faibles telle que les étoiles de populations III (Raue et al. (2009)). 

Fond infrarouge à 70 et 160 µm

 La contribution des sources résolues à 70 (S70 >3.5 mJy) et 160 µm (S160 >40 mJy) au fond infrarouge est de 3.1±0.2 nW.m−2 .sr−1 et 1.0±0.1 nW.m−2 .sr−1 , respectivement (calculé à partir des comptages présentés Sect. 2.5.3). Si on ajoute la contribution des sources sondées par la méthode de l’empilement (voir Sect. 3.2.3), on a alors 5.4±0.4 nW.m−2 .sr−1 et 8.9±1.1 nW.m−2 .sr−1 , respectivement. L’empilement est donc crucial pour sonder les sources responsables du fond à 160 µm. De plus, les comptages par empilement permettent de déterminer la pente des comptages à bas flux, et d’extrapoler la contribution totale des galaxies au fond. On trouve alors une contribution totale de 6.6+0.7 −0.6 nW.m−2 .sr−1 et 14.6+7.1 −2.9 nW.m−2 .sr−1 , respectivement. La Fig. 5.2 montre la contribution cumulée au fond dans ces deux bandes. Cette dernière valeur est en accord avec la mesure absolue de Pénin et al. (2011b) : 14.4±3 nW.m−2 .sr−1 . L’hypothèse d’un fond dû uniquement aux galaxies est donc compatible avec les observations actuelles. Néanmoins, les larges incertitudes de mesure laissent de la place pour d’éventuelles autres composantes non négligeables. 

Fond infrarouge dans le domaine sub-millimétrique 

Au delà de 200 µm, le niveau du fond infrarouge a été mesuré avec précision par FIRAS (Lagache et al. (2000)). Il est donc facile d’estimer la fraction du fond résolue par les différents comptages. La Fig. 5.3 présente la contribution au fond en fonction du flux de coupure des comptages. Les sources résolues par BLAST ne sont à l’origine que d’une infime partie du fond infrarouge à 250, 350 et 500 µm (2.3%, 1.1% et 0.4%, respectivement, Béthermin et al. (2010b)). Grâce à la meilleur résolution angulaire de SPIRE, Oliver et al. (2010) résolvent directement 15%, 10% et 6% du fond, respectivement. Pour aller plus loin, il faut faire appel à l’analyse par empilement des données BLAST, qui resout environ 50% du fond. Dans le cas de l’analyse P(D), on ne peut pas parler directement de fraction résolue. En effet, l’analyse P(D) analyse tout les régimes de flux simultanément. On peut également forcer le résultat à être en accord avec la mesure du fond total. Nous avons ici comparé le modèle spline avec a priori FIRAS aux autres estimations de la contribution différentielle au fond. Dans tout les cas, il y a un très bon accord entre le modèle P(D) et les autre mesures. 

Conclusion

 Les sources résolues par Spitzer et BLAST ne résolvent qu’une faible fraction du fond au delà de 70 µm. En revanche, la méthode de l’empilement permet en revanche de produire des comptages suffisamment profonds pour qu’ils suffisent à expliquer l’origine du fond infrarouge à 70 et 160 µm. A plus grande longueur d’onde, les données BLAST ne permettent pas de mesurer la pente des comptages à bas flux afin de l’extrapoler. Les données Herschel devraient permettre, dans un futur proche, de mesurer avec une bien meilleure précision les comptages dans ce domaine de longueur d’onde.Contribution des sources détectées par Spitzer à 24 µm au fond infrarouge et au taux formation d’étoiles en fonction du redshift Les travaux présentés dans cette partie ont été réalisés en collaboration avec Joaquin Vieira et HerMES (programme de temps garanti SPIRE). Un article est en cours de préparation. Dans certains champs profonds comme GOODS ou COSMOS, les sources infrarouges à 24 µm peuvent être en général associées à des sources optiques dont le redshift est connu. On peut, par exemple, réaliser une extraction de sources en prenant la position des sources optiques comme a priori (Magnelli et al. (2009)). Il est également possible d’utiliser un catalogue infrarouge extrait en aveugle et de rechercher les sources optiques les plus proches pour réaliser l’identification (par exemple, Le Floc’h et al. (2009)). Pour les sources brillantes en optique, le redshift est estimé directement à partir du spectre haute résolution, en mesurant le décalage des raies. Dans ce cas la mesure est, en général, très précise. On parle alors de redshifts spectroscopiques. Dans la majorité des cas, le spectre des objets n’est pas accessible (manque de temps de télescope, objet trop faible en optique…). Il est alors possible d’estimer le redshift en ajustant des templates de SED aux points photométriques obtenus en bande large. Cette méthode permet d’associer un redshift à quasiment toutes les sources infrarouges détectées. Toutefois, ces redshifts « photométriques » sont beaucoup moins précis que les redshifts spectroscopiques (σz ∼ 10−3 pour les redshifts spectroscopiques de Lilly et al. (2007), contre σz ∼ 10−2 à 10−1 pour les redshifts photométriques de Ilbert et al. (2009)). Dans les champs où le redshift de la quasi-totalité des sources 24 µm est disponible, il est possible d’empiler toutes les sources 24 µm d’une fine tranche de redshift afin de déterminer leur émission totale dans l’infrarouge lointain et le domaine sub-millimétrique. Ceci permet d’obtenir des contraintes fortes sur les modèles d’évolution, mais également de placer des limites inférieures sur le taux de formation d’étoiles à haut redshift. Ces mesures devraient également permettre d’améliorer les modèle d’absorption des rayons γ par le fond infrarouge. 5.2.1 Contribution des sources 24 µm au fond infrarouge à plus grande longueur d’onde La contribution différentielle des sources infrarouges au fond en fonction du redshift, dB/dz, se calcule en divisant la contribution d’une tranche de redshift ∆B par la taille ∆z de celle-ci. Toutefois, il est impossible de mesurer directement la contribution totale d’une tranche, mais on peut estimer une limite inférieure sur celle-ci en sommant l’émission des sources résolues. Dans l’infrarouge lointain, seule une faible fraction du fond est résolue en sources. Une limite inférieure plus contraignante peut alors être estimée par empilement des sources détectées à 24 µm. La Fig. 5.4 compare la contribution différentielle totale au fond infrarouge et celle des sources détectées à 24 µm uniquement pour différents modèles. Elle montre que les deux distributions ont des formes similaires, et que ces limites inférieures sont assez proches de la valeur totale (au plus 50 % inférieures au fond total, et souvent moins de 20% inférieures au total). Ces mesure permettent donc de contraindre fortement l’histoire du fond infrarouge. J’ai collaboré à la première mesure de la contribution différentielle des sources détectées à 24 µm au fond à 70 et 160 µm par empilement de Jauzac et al. (2011). Cette mesure a été réalisée à partir des cartes Spitzer du champ COSMOS et du catalogue de sources à 24 µm associé à leur redshift de Le Floc’h et al. (2009). J’ai ensuite réalisé cette même mesure dans le champ GOODS-N en utilisant à la fois les données MIPS, SPIRE et AzTEC, ainsi qu’un catalogue d’entrée (flux à 24 µm et redshift) construit par Joaquin Vieira (Vieira et al., en préparation). Cette mesure a été réalisée en utilisant la méthode d’empilement de Marsden et al. (2009) sans lissage préalable des cartes et la méthode du bootstrap pour déterminer les incertitudes de mesures. Le biais dû au regroupement est estimé à partir d’une simulation où la position des sources et leur flux 24 µm sont les mêmes que dans les cartes réelles et où le flux dans l’infrarouge lointain est déterminé en multipliant le flux 24 µm par la couleur moyenne des sources dans la tranche de redshift associée. Nous avons estimé un biais de 7, 20, 6, 7, 11 et 11% à respectivement 70, 160, 250, 350, 500 et 1100 µm. La Fig. 5.5 montre les résultats obtenus. On observe une forte cassure à z∼1. De plus, comme attendu, la contribution relative des hauts (resp. bas) redshift augmente (resp. diminue) quand la longueur d’onde augmente. Ces observations sont également très discriminantes pour les modèles d’évolution : en effet, un seul modèle parvient à reproduire globalement ces observations. Il s’agit du modèle que j’ai développé pendant ma thèse, et qui est présenté Chap. 6

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