LE FOND ET L’APPARENCE : NIETZSCHE ET LE PROBLEME DE L’EXPRESSION
La force du symbole
Le symbole et le sens
Nous venons de dire en nous référant au Petit Larousse que le symbole permet de représenter une chose abstraite. Ainsi, il rend plus compréhensible la signification d’une chose, il rend l’objet plus accessible. Il s’agit d’un signe conventionnel sur lequel les esprits s’accordent. On pourrait se demander si le symbole exprime fidèlement le sens initial. La position de Nietzsche à ce sujet est claire et Sarah Kofman nous l’enseigne en ces termes : « Le symbolisme de Nietzsche n’est pas ‘’un équivalent poétique d’une intuition ontologique’’, mais il signifie par lui-même la nature de l’être comme être interprété. Par son langage, par ses symboles, comme par ses aphorismes, Nietzsche indique la nécessité du recours à une philologie rigoureuse, à une lecture qui soit un déchiffrage généalogique. Nietzsche indique par-là à son lecteur précisément qu’il ne lui livre pas une intuition mais une interprétation, et qu’il doit se livrer à son tour, en lisant Nietzsche, à un travail d’interprétation.» 5 Le symbole est donc le montré caché d’un double sens. Il est dissimulation de ce que veulent dire les signifiés. Le sens se donne et se cache aussi dans le sens immédiat qui est le symbole. D’où la nécessité de recourir au déchiffrement, à l’interprétation. Aussi Paul Ricœur rapproche-t-il la conception nietzschéenne du symbole de la psychanalyse. Dans De l’interprétation, essai sur Freud 6 , il reconnaît en effet que la psychanalyse est le lieu même du symbole entendu ici comme un double sens qui s’expose désormais à divers décryptages. Freud, pour sa part, analyse le rêve comme une suite de procédés dont la particularité est de transposer un sens caché dans un sens apparent en lui faisant subir une distorsion qui, tout à la fois, montre et cache le sens latent dans le sens manifeste. Si nous nous référons au jugement ordinaire porté sur le symbole, la tentation est grande de croire qu’il détient une force incontestable au point de passer pour le sens latent. Paul Ricoeur appelle symbole « toute structure de signification ou un sens direct, primaire, littéral, désigne par surcroît un autre sens indirect, secondaire, figuré, qui ne peut être appréhendé qu’à travers le premier.» 7 Le symbole nous porte dès lors à nous interroger sur la signification. Il faut noter cependant que la signification initiale est cachée par des interprétations secondaires. Le vrai sens du symbole est recouvert par une multiplicité de sens qui l’obscurcissent. Le symbole pourrait rejoindre ici l’exégèse et la psychanalyse qui, pour Paul Ricoeur, partagent un élément commun. Cet élément commun, c’est d’être tous les trois « une certaine architecture du sens, qu’on peut appeler double-sens ou multiple-sens, dont le rôle est chaque fois, quoique de manière différente, de montrer en cachant. Lorsque Ricoeur énonce l’avènement de trois maîtres du soupçon à savoir Nietzsche, Marx et Freud, il note « que tous trois dégagent l’horizon pour une parole plus authentique, pour un nouveau règne de la Vérité. » Cela ne relève pas seulement de leur critique destructrice, mais à ce fait s’ajoute l’invention d’un art, celui d’interpréter. Il dit à ce propos : « A partir d’eux, la compréhension est une herméneutique : chercher le sens, désormais, ce n’est plus épeler la conscience du sens mais, en déchiffrer les expressions.»9 Et Michel Foucault de définir l’herméneutique en ces termes : « Ensemble des connaissances et des techniques qui permettent de faire parler les signes et de découvrir leurs sens.»Il importe donc de lire le symbole au-delà de ce qu’il dit. Il veut dire quelque chose certes, mais ne l’exprime pas d’emblée et mieux encore masque sa configuration initiale. On pourrait dire que le symbole communique un sens mais un sens qui n’épuise pas la signification exacte de ce qui est représenté. Il convient de convoquer les multiples degrés de compréhension que le symbole occulte pour mieux saisir la réalité traduite. Le signe figuratif est à cet effet mystérieux, refermé sur lui-même. Il est également une masse fragmentée des choses, des objets représentés et de ce point de vue, il est énigmatique.
Le symbole dans le bestiaire de Zarathoustra
Le choix porté sur le symbolisme chez Nietzsche nous amène à poser un regard neuf sur le signe et ce qu’il veut dire en réalité. Pour saisir le message que Nietzsche véhicule, il convient de dépasser le symbole. L’usage des personnages vient mettre côte à côte des actes humains copiés sur le modèle animal. Les lectures à faire varient selon les types de figures choisies. L’âne est d’ordinaire l’animal qui endure toutes sortes de charges. C’est un « esprit fort et patient », nous dit Nietzsche, l’ « esprit robuste » tel le chameau qui s’agenouille et demande à être bien chargé. C’est une bête de somme qui accepte volontiers la souffrance. Elle a une conduite de porc, car elle mâche tout. Elle dit toujours oui. Il semble qu’elle accepte tout et se croit être dans le meilleur des mondes possibles. C’est l’homme du ressentiment qui cautionne sans coup férir les fardeaux d’ici bas dans l’espoir d’une béatitude à venir. La comparaison effectuée exprime en des termes plus explicites l’être même d’un homme manipulé qui apprécie toutes formes de souffrances et voit la vie finalement comme un désert. Nietzsche dira à ce propos : « Toujours dire oui- da! Seul l’âne l’a appris et quiconque a le même esprit. » L’homme du ressentiment souffre d’un manque, mais il crée l’illusion d’avoir choisi la faiblesse. Pour lui, tout finira un jour. Il aspire à une béatitude à venir. La création d’un monde idéal est une arme pour l’homme manipulé. Ce monde consolant l’encourage à endurer les iniquités des méchants. Cet univers paradisiaque n’existe Ainsi parlait Zarathoustra, I, « Des trois métamorphoses » que dans son imagination. Pour Gilles Deleuze, c’est ‘‘l’animal chrétien’’. Il s’oppose au oui dionysiaque et n’affirme que les produits du nihilisme. L’araignée, quant à elle, symbolise l’animal du recoin. Elle est rancœur, désir de vengeance, envies muettes. Elle est impuissante mais cache cette faiblesse sous une allure de vertu. C’est l’homme qui veut entretenir le poison de la décadence. Sa puissance de contagion c’est son venin qu’elle distille à tous ceux qu’elle mord. Elle se sert de sa morale pour faire valoir sa puissance. Il semble que c’est cela que Sarah Kofman a voulu faire comprendre lorsqu’elle avance : « D’une manière générale, la métaphore de l’araignée est accolée à celle de la guenille, du fantôme, à celle de la pâleur maladive pour indiquer que le concept est haine de la vie et mort du désir, pour signifier aussi que la castration n’a pas pour cause le ‘‘mauvais vouloir’’ mais la nécessité : la création d’un monde de l’idéal est l’unique ruse que pratiquent certains vivants dont la vie est appauvrie à l’ extrême afin de se maintenir en vie.» 15 L’araignée veut la vie et pour cela, elle a besoin de dominer les hommes et mieux encore de les rendre semblables à elle. Toute son action conduit à la réalisation de ses besoins propres. Le singe quant à lui pourrait être pris comme une caricature de Zarathoustra. Si Zarathoustra est le père du surhomme et par ricochet, le symbole même de cette grandeur d’esprit, capable de se surmonter lui-même du fait de sa légèreté, le singe serait alors une fausse copie de l’affirmation dionysiaque de la vie. En outre, si Zarathoustra accomplit personnellement cet exploit, le singe réclame à son tour un support pour ce faire. Pendant que Zarathoustra jouit de sa souplesse et de sa liberté, le singe traîne une lourdeur dont il se départirait difficilement. En effet, le surhomme qu’annonce Zarathoustra ne saurait être l’incarnation d’un idéal ténébreux, mais un type d’homme d’un style nouveau. Il serait plutôt un modèle de perfection absolue, en opposition avec l’homme bon, les chrétiens et d’autres nihilistes. Zarathoustra ébranle toutes les valeurs établies tant humaines que divines grâce à l’âpreté du ‘’Non sacré’’ du lion. Le singe en reste toujours accablé et l’imite avec une maladresse notoire. Le lion pour sa part, impose sa propre volonté. On pourrait dire qu’il s’oppose à l’âne qui porte le poids des valeurs humaines. Si le non de l’âne est un faux non, son oui un faux oui, celui du lion est par contre un ‘’Non sacré’’. Il s’oppose à celui du nihilisme. Gilles Deleuze dit qu’il est ‘’trans-nihiliste’’17 c’est à dire inhérent à la transmutation : création de nouvelles valeurs et déclaration de guerre aux vieilles idoles. L’avènement du lion inaugure la destruction de toutes les valeurs établies. Il devient créateur et législateur, et qui plus est, la mesure de toutes choses. Les personnages de l’aigle et du serpent expriment à leur tour l’ ‘’Eternel retour’’. C’est le symbole des fiançailles du couple divin Dionysos-Ariane. Telle est du moins la définition que Gilles Deleuze 18 en donne. Seules les valeurs surhumaines subsistent et résistent à son feu purificateur. Il faut dire que Dionysos est le symbole de la vraie vie et de la négation créatrice. Il détruit tout ce qui annihile la vie pour faire goûter à l’homme le bonheur de vivre. Ariane quant à elle apprend de Dionysos la véritable affirmation de la vraie légèreté. C’est ce qui fait d’elle l’ ’‘Anima affirmative’’ qui dit oui à Dionysos. C’est de ce couple que naît le surhomme. Il dépasse une simple acceptation du non du ressentiment. Il est affranchi du joug de la morale. Avec lui, la vie devient possible. I.3 Les concepts métaphoriques
Approche générale de la métaphore
Sarah Kofman reprend la définition qu’Aristote fait de cette figure de style dans La Poétique (147B) en disant qu’elle est « comme [un] transport d’un concept sur un autre, ou comme [un] passage d’un lieu logique à un autre, d’un lieu ‘’ propre’’ à un lieu figuré. » Ce qui retient notre attention ici, c’est bien le transport d’un lieu propre à un lieu figuré. Si le sens figuré usurpe la place du sens propre alors il défigure ce dernier. Sarah Kofman reconnaît par ailleurs que la métaphore implique ‘’mascarade’’, ‘’métamorphose‘’ et repose sur « la perte du ‘’ propre’’ entendu comme ‘’essence’’ : celle-ci est indéchiffrable, l’homme ne peut en avoir que des représentations du monde toutes ‘’ impropres’’. »20 Il convient à ce niveau de ne pas se laisser éblouir par le sens littéral ou figuré car par rapport au propre, la métaphore est tout simplement « une caricature, une parodie, une singerie, un écho déformé, un aplatissement du sens premier… »21 La même lecture peut être faite de la valeur donnée par les forts ou les faibles. Le sens qu’ils lui prêtent est symptomatique de leur force ou de leur faiblesse. Ainsi, il semble que tout est métaphore d’un texte initial écrit par les instincts. Les concepts dérivent de ce déplacement métaphorique. Tout concept a une histoire. Il s’agit précisément d’un texte à déchiffrer. L’homme lui-même serait un animal métaphorique en ce sens que sa conscience est une traduction superficielle de l’activité instinctive originaire. Par contre, alors que Socrate commence à s’interroger sur la beauté en tant qu’Idée à partir de belles marmites et belles jeunes filles, Nietzsche pense que les concepts Beau, Bien, trouvent leur origine dans notre sensibilité profonde. Ils sont élaborés à partir de nos perspectives singulières. Nous les considérons abusivement comme s’ils étaient l’essence des choses. On pourrait dire avec Nietzsche que c’est véritablement un « instinct qui pousse l’homme à former des métaphores, lequel instinct est fondamental et sans lequel l’homme disparaîtrait.»Sarah Kofman, pour sa part déclare : « L’activité métaphorique est qualifiée d’instinctive parce qu’elle est inconsciente et que, comme tout instinct, elle vise à une domination unitaire du monde. » Les termes métaphoriques renvoient à des sens figurés, à des interprétations secondaires des véritables significations. De l’essence du monde, indéchiffrable du reste, nous ne détenons que des copies abrégées. L’homme survit grâce à cette mascarade, cet oubli des entités originelles. N’est-ce pas cela le rôle du concept ainsi que Sarah Kofman le décrit : « Le concept se porte garant du ‘’mensonge’’ et de la ‘’déloyauté métaphorique’’, en assure la stabilité en même temps qu’il maintient l’oubli de la genèse du processus comme de toute genèse. On pourrait dire, en termes freudiens, que le concept joue le rôle de la force de contre-investissement qui maintient le refoulement. Il entraîne à côté de l’oubli originaire, un refoulement secondaire. Il permet l’édification d’un système de rationalisations secondaires après coup, effaçant l’activité métaphorique comme originaire, comme étant à l’origine de toute connaissance et de toute activité. »24 L’oubli délibéré que l’homme entretient avec la réalité initiale, déformée du reste, confère à cette dernière par la force de l’usage répété une sacralité inouïe, dont le fondement est faussé dès le départ. Les vérités humaines ainsi obtenues sont tout simplement des valeurs usuelles d’une nécessité sociale. L’homme devient comme l’a si bien souligné Protagoras ‘’la mesure de toute chose.’’ Nietzsche semble faire la même considération lorsqu’il résume le fondement des relations humaines en ces termes : « Fixer des prix, estimer des valeurs, imaginer des équivalents, échanger, tout cela a préoccupé à un tel point la pensée primitive de l’homme qu’en un certain sens ce fut la pensée même […] Peut-être le mot allemand « Mensch » exprime-t-il encore quelque chose de cet amour-propre : l’homme se désigne comme l’être qui mesure des valeurs, qui apprécie et évalue, comme ‘’ l’animal estimateur par excellence.’’ L’achat et la vente avec leurs corollaires psychologiques sont antérieurs même aux origines de n’importe quelle organisation sociale… » La civilisation repose sur cette convention. Il faudrait dire que ces vérités sacrées longtemps intériorisées revêtent un intérêt immense. L’homme s’y accroche pieusement et les élève à un rang supérieur et mieux encore les vénère. C’est la raison pour laquelle, Nietzsche affirme : «qu’il y a plus d’idoles que de réalité dans le monde. » La provenance des valeurs sur lesquelles repose la civilisation (erreurs utiles, paix, mensonge) est inconnue et les vérités mensonges deviennent des idoles et des pièces de monnaie oubliées comme telles et que l’on apprécie volontiers ou croit bien savoir. Nietzsche corrobore cela en ces termes : « Lorsque je suis venu chez les hommes, je les ai trouvés assis sur une vieille prétention : tous croyaient savoir depuis longtemps ce qui est bien et mal pour l’homme. » 27 Il ne faudrait pas tomber dans les pièges de la signification qu’expriment les symboles mais les questionner longuement. Le sens qu’ils traduisent masque ce qu’ils veulent dire réellement. La signification intime des valeurs ne se donne pas dans l’immédiat. Elle est lointaine voire historique. La lecture piégée est celle qui fait passer le symbole pour le sens original. Cela apparaît notamment dans le cas des métaphores qui traversent toute l’œuvre de Nietzsche. Nous nous intéressons de façon particulière à celles de la pièce de monnaie et des idoles. I.3.2 La métaphore de la pièce de monnaie La pièce de monnaie est considérée ici comme un symbole. En tant que tel, elle revêt un caractère figuratif qui renvoie à un sens premier caché et dénaturé. Ainsi la réalité cachée devient alors une illusion acceptée comme une vérité. Il en résulte une transposition de sens et la signification initiale qu’elle fausse prend alors une autre dimension, une valeur nouvelle. La pièce ainsi estimée est acceptée de tous et de façon conventionnelle. Elle devient une monnaie courante à laquelle tous s’accordent á donner une valeur illusoire et relative forgée durant des millénaires. C’est bien pour cela que Nietzsche dit : « Les vérités sont des illusions dont on a oublié qu’elles le sont, des métaphores qui ont été usées et qui ont perdu leur force sensible, des pièces de monnaie qui ont perdu – leur empreinte et qui entrent dès lors en considération, non plus comme pièce de monnaie, mais comme métal. »28 Si les hommes tombent d’accord pour retenir une chose comme mensonge ou vérité, c’est cela qu’ils érigent en valeur absolue, en normes pour orienter leurs pensées et leurs actions. Ainsi ces normes leur procurent satisfaction et sécurité. Le monde primitif de métaphores est oublié et tout ce qu’il a engendré est pris pour le propre. Cet oubli provoque inévitablement une croyance inscrite sur la table des valeurs ou normes qui régissent la société. Nietzsche avance à ce propos: « Nous ne savons toujours pas encore d’où vient l’instinct de vérité : car jusqu’à présent nous n’avons entendu parler que de l’obligation qu’impose la société pour exister : être véridique, c’est à dire employer les métaphores usuelles ; donc en terme de morale, nous avons entendu parler de l’obligation de mentir selon une convention ferme, de mentir grégairement dans un style contraignant pour tous. »29 Partant de ce qu’avance Nietzsche, on peut être tenté de dire que la défiguration de la pièce de monnaie est voulue. Il y a une volonté populaire qui tend à la falsifier. Et la perception initiale fallacieuse devient une vérité. Ainsi, constamment raturée, aucune métaphore ne révèle la signification, le sens même de ce qu’elle symbolise. C’est cela que Nietzsche souligne quand il affirme : « Voir le métal et non plus l’effigie est possible seulement par un déplacement de perspective, […] C’est en effet l’exclusive d’une seule métaphore, sa fixation grâce à des procédés hypnotiques, qui impose l’habitude de s’en servir. Habitude qui devient nécessité et fait prendre la métaphore pour un ‘’ propre ‘’ … »30 En partant de cette vision qu’a Nietzsche de la métaphore on pourrait dire que ceux qui établissent les normes n’échappent pas au détournement de sens ou au séjour obligé dans la ‘’camera obscura ‘’ de Karl Marx. Ainsi ils introduisent les hommes dans un monde illusoire qui peut être considéré comme le reflet de leur impuissance ou de leur puissance. L’homme dépend en définitive et d’une certaine manière d’illusions protectrices, élevées à la valeur de normes et converties en idoles.
La métaphore des idoles
En nous interrogeant sur le statut de la vérité (pièce de monnaie), nous avons constaté qu’elle est une simple métaphore qui, grâce à l’usure passe inévitablement pour le propre. L’usage répété entretient cette défiguration de sens, l’encourage et la rend crédible. La provenance de nos valeurs nous échappe. C’est l’homme lui-même qui fixe des valeurs à l’aune desquelles il juge la vie. Elles sont créées par nos désirs et intérêts du moment : « Les valeurs ne sont pas simplement les thèmes de nos croyances morales ou religieuses. Elles sont les fondations de notre conception du monde, et, par conséquent, de notre monde lui-même. » Or, en attribuant à ces normes vitales un pouvoir certain, nous les légitimons et croyons fermement qu’elles sont sacrées et se situent au- delà de tout soupçon. En ce sens, c’est bien l’homme qui aurait introduit le sacré illusoire sur lequel repose notre civilisation. Sarah Kofman précise dans le même ordre d’idée que dans la philosophie de Nietzsche, il n’y a pas de notion de sacré. Tout est vidé de toutes considérations métaphysiques. La civilisation devrait reposer essentiellement sur le terrestre. Il dira lui-même que : « […] ‘’La causalité ‘’ et la ‘’ finalité ‘’, les ‘’ idées morales’’ (les apriori logiques ou métaphysiques) sont des ‘’erreurs ‘’ : les valeurs sont donc à la fois constitutives de la réalité, et ‘’ fausses ‘’, ‘’ illusoires’’ : ce sont des idoles. L’Idole est l’unité d’une forme de la volonté de vérité et de l’erreur qu’elle exprime. » L’idole est donc une erreur très particulière dès l’instant qu’elle suscite une considération pieuse de la part des hommes. Mamoussé Diagne compare ces idoles à des êtres de pierre, une matière brute que l’on peut effectivement briser
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