Le financement, nœud gordien du PPP, à l’épreuve de la crise
Principal obstacle à la réalisation de la valeur pour le contribuable du fait des surcoûts qu’il induit, le financement privé peut dans le même temps jouer comme un élément stabilisateur dans l’économie générale du contrat de partenariat en alignant les intérêts des différentes parties prenantes Deux modes de financement des opérations de PPP sont envisageables. Le premier est un financement de type entreprise (corporate en anglais) et le second un financement sur projet (EPEC, 2012a). Un PPP donne lieu à un financement de projet quand les sociétés membres du consortium qui a remporté l’appel d’offres (la langue anglaise parle de sponsors) constituent une entreprise commune qui va conclure le contrat avec la personne publique et qui va lever la dette sans recours possible sur ces entreprises du consortium sélectionné. Pour des montages de plus faible taille une des sociétés peut conclure le contrat elle-même et emprunter en son nom propre. Il s’agit alors d’un montage du premier type dit entreprise. Le taux du crédit ne sera L’intérêt des financements de projet des PPP est de faire intervenir des tiers financeurs dont les intérêts sont alignés avec ceux de la personne publique. Ex ante, le financement de projet permet de limiter les risques liés à l’anti-sélection en déléguant les tâches de due diligence (prévention des biais d’optimisme etc…, examen de la viabilité des engagements,….) à un tiers mieux à même de les mettre en œuvre (tant en termes de compétences que de moyens financiers mobilisables). Ex post, la délégation permet de confier les tâches de supervision de la société projet et donc de limiter les risques liés à aléa moral (Diamond, 1984).
Lors de la première décennie de ce siècle, le développement des PPP était inséparable d’un contexte financier particulièrement favorable. La politique monétaire très accommodante de la banque centrale des Etats-Unis permit aux marchés de rester exceptionnellement liquides, ce qui favorisa les montages à fort effet de levier financier. Les montages de PFI britanniques furent particulièrement favorisés par cette conjoncture dans la mesure où la faiblesse des taux les rendait attractifs pour les investisseurs tout en permettant de limiter le différentiel de taux public / privé à un niveau acceptable. Dans la mesure où l’accroissement de la profondeur du portefeuille de PFI en cours d’exécution s’accroissait sans que des difficultés majeures ne soient relevées (à l’exception de contrats très spécifiques comme ceux relatifs au métro de Londres), la prime de risque exigée par les investisseurs se réduisit très significativement, contribuant encore à réduire le différentiel de taux. En outre, les montages contractuels et financiers utilisés permettaient de concilier réduction du différentiel du coût de financement et amélioration des possibilités de supervision du contrat tant ex ante qu’ex post. En effet, le développement d’une ingénierie contractuelle et le recours à des outils de marché, tels des rehaussements de crédits28, permirent de réduire encore le risque pour les investisseurs, conduisant au final à limiter le surcoût du financement privé à un niveau des plus raisonnables, en l’espèce à 70 points de base.
Il convient de relever une dimension a priori paradoxale du financement des contrats de PPP au travers de montages de financement sur projet. Un bras de levier très élevé est une condition essentielle pour rendre le contrat viable financièrement pour la personne publique (en minimisant le coût moyen pondéré des capitaux investis et donc le surcoût du financement privé). Cependant, plus le levier est élevé, plus le risque de défaut sur le remboursement de la dette l’est également, ce qui devrait produire un effet dissuasif sur les apporteurs de ressources externes, particulièrement si le contrat induit un transfert du risque de demande. De fait, un niveau de risque élevé crédibilise l’engagement des investisseurs à contrôler le modèle économique de la société projet et superviser l’exécution du contrat (Blanc- Brude, 2013). Comment des bras de levier très élevés peuvent-ils être mis en œuvre dans le cadre de montages pour lesquels les actifs sous-jacents se caractérisent par des coûts échoués très importants, par l’impossibilité du redéploiement des actifs vers d’autres projets, ou du dégagement des ressources d’une éventuelle liquidation ? La réponse se trouve du côté du levier dans les montages de financement sur projet dans le domaine des infrastructures s’établit à 25/75, il atteint aisément 10/90 dans les PPP (Blanc-Brude et al., 2010).