Le film comme fiction

Le film comme fiction

Le commentaire de ce spectateur touche aux caractères spécifiques de Romanzo Criminale, nous aidant à définir les points qui se révéleront utiles pour notre analyse. Tout en signalant le lien avec l’origine du texte en tant que roman, le spectateur met en évidence des éléments concernant la poétique et la rhétorique de ce récit, à partir de son statut fictionnel et du traitement qu’il réserve à l’histoire italienne, ainsi que son caractère spectaculaire. Il signale également les liens intertextuels que le produit évoque avec la production cinématographique hollywoodienne et les films italiens des années 1970. Le statut intertextuel de notre objet sera décrit dans le cadre d’un cas complexe d’adaptation, signalant les distances et les proximités avec les autres « briques » qui composent Romanzo Criminale. Le film, pour des raisons inhérentes à son format, impose des choix à la matière racontée par le livre : on observe notamment la condensation de la narration due à la durée, la renonciation à la pluralité de personnages et à l’approfondissement des psychologies des personnages secondaires. Néanmoins, à ces éloignements de l’équivalence, choix traductifs qui se retrouvent dans tout passage d’un système de signes à un autre, s’ajoutent des innovations pour lesquelles le film est à considérer comme une adaptation du livre, mais qui possède son autonomie. M. Placido2, réalisateur du film, affirme avoir voulu tourner une adaptation cinématographique ajustée aux rythmes des narrations contemporaines que les spectateurs aiment, en partant du livre, mais en construisant un discours qui se sert des procédés du cinéma pour véhiculer l’émotion de manière physique. Il met l’accent sur la « dimension tragique » de l’œuvre :  […] étant donné que le roman le permet, j’ai choisi une perspective en équilibre entre réalisme et dimension tragique, qui favorise le rapprochement des spectateurs aux protagonistes. J’ai ajouté un prologue qui n’est pas dans le livre et qui donne au film une atmosphère plus intime et romantique, marquant un destin tragique, en commun avec les personnages principaux du récit. Ensuite, en particulier dans la deuxième partie, je me suis approché des visages des acteurs, avec des gros plans constants et rapprochés, comme pour pénétrer avec la caméra dans l’intimité de ces vies tragiques et impossibles.

La question du genre

Nous pouvons considérer l’adaptation comme un phénomène de recontextualisations dans lequel l’identité d’un texte est donnée par une série d’éléments formels qui le caractérisent, mais surtout par sa position dans un ensemble de discours. Le même récit apparaît dans des contextes différents à des moments historiques précis, s’adaptant à des formes imposées par différents médias et à la stratification culturelle de points de vue cumulés dans l’espace-temps concerné. Dans notre cas, le film réécrit le livre de G. de Cataldo à travers une série de références, d’emprunts intertextuels qui constituent des couches superposées, confluant dans un produit foncièrement lié au contexte dans lequel il prend forme. Ainsi, afin de définir le rôle du film Romanzo Criminale dans l’ensemble des discours qui le précèdent et qui lui sont contemporains, nous devons prendre en compte, par une analyse interne, les éléments qui rendent possible l’activation de mécanismes intertextuels (citations, règles formelles, partage de thématiques ou de situations) et, par l’analyse de fragments des réactions des spectateurs, un réseau de relectures dans un espace social. C’est ainsi qu’à travers les lectures des spectateurs et les liens qu’il tisse avec d’autres textes, nous pourrons comprendre la manière par laquelle le film assume un rôle dans l’espace public, soulevant des enjeux moraux, politiques, culturels selon des communautés spécifiques. Certains éléments nous paraissent déterminants pour la définition de notre objet : le rapport problématique entre réalité et fiction que nous d’années de l’histoire italienne ; il trace les trajectoires des protagonistes qui étaient aussi les protagonistes du livre : Libanais, Dandy et Froid (mais, par rapport au texte de G. de Cataldo, le Buffle a un rôle nettement secondaire : nous le retrouverons dans la série télévisée). Le temps du récit est organisé sur les paraboles ascendantes et descendantes de chacun de ces trois personnages, présentés dans le prologue comme des amis d’enfance, liés par un pacte symbolique : à chacun d’entre eux sont consacrées trois parties de longueur plus ou moins égale, signalées par des titres en surimpression. Il s’agit de la première innovation par rapport au livre. Les trois adolescents, fuyant la police après le vol d’une voiture, choisissent les pseudonymes qui les individualiseront pour le reste de leurs vies et assistent à la mort d’un ami, avant de fuir sur la plage d’Ostie.

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