Génotypage d’une population de lignées recombinantes de Sorgho
Généralités sur le Sorgho
Autrefois appelé Sorghum vulgare, le sorgho est actuellement désigné sous le nom de Sorghum bicolor (L.) Moench, 1974 (Figure 1). L’espèce est subdivisée en cinq races (guinea, kafir, durra, bicolor et caudatum) et en dix inter-races hybrides (Barnaud et al., 2008). L’identification des races est basée sur la structure de l’épillet, la forme du grain et le type d’inflorescence (Sine, 2003). Le sorgho est diploïde avec un nombre de chromosome 2n = 20 (Tchuenguem Fohouoet al., 2002). Toutefois, il existe deux autres espèces tétraploïdes, employées comme fourrages (S. halepense et S. almum). La fécondation est à plus de 90% autogame (Déhaynin et al., 2007). Cependant, il est à noter une faible flexibilité du sorgho marocain (10 à 20%) qui allie les pollinisations allogame et autogame. Au Burkina Faso, le taux d’allogamie moyen évalué est de 22 % (Barro-Kondombo et al., 2010). Principalement cultivé dans les zones de climat soudano-sahélien entre les isohyètes 400 et 1200 mm (Brocke et al., 2008), le sorgho présente l’atout de supporter des sols salins, calcaires ou même gorgés d’eau (In Tovignan, 2011). Il consomme près de deux fois moins d’eau que le maïs et trois fois moins que la canne à sucre (Montross et al., 2009). Figure 1 : Morphologie d’un pied de sorgho (Source: Murty et al., 1995)
Importance du Sorgho
Le sorgho [Sorghum bicolor (L) Moench] est cultivé dans plusieurs régions tropicales et tempérées du monde où il entre dans la consommation humaine, animale et comme matière première dans l’industrie. D’après INDEX MUNDI (2011), le Nigéria est en tête des pays producteurs de sorgho au monde avec plus de 11 millions de tonnes. Il est la cinquième céréale mondiale après le blé, le riz, le maïs et l’orge (Barnaud, 2007). L’Afrique détient plus de la moitié (55%) de la production mondiale dont elle utilise plus de 95% pour l’alimentation humaine, le reste étant consacré au bétail. Par contre, les pays industrialisés s’en servent prioritairement pour nourrir le bétail (Tovignan, 2011). Avec une superficie de 235 820,8 ha et une production de 218 686 tonnes, le sorgho est la quatrième céréale cultivée au Sénégal (DAPS, 2010). En outre, la possibilité de production du malt de sorgho d’une qualité similaire au malt d’orge a été étudiée et les résultats ont permis d’aboutir à la production d’une bière 100 % sorgho (Dufour et Melotte, 1992). Au Sénégal, Ba et al. (2010) ont dosé les activités des enzymes amylolytiques des malts des variétés locales et déterminé leur pouvoir antioxydant dans une perspective de valorisation en brasserie. Cette étude a abouti à identifier la variété sénégalaise F2-20 comme présentant les meilleures potentialités de maltage. Aussi certaines variétés renferment des fibres cellulosiques utilisées pour la fabrication du papier ou de panneaux de construction. D’autres variétés renferment dans leurs tiges et feuilles des pigments anthocyaniques utiles pour la teinture en poterie et vannerie. Le sorgho sucrier permet la production de bioéthanol grâce au sucre accumulé dans ses tiges (Murray et al., 2009). Enfin, d’autres possèdent des grains riches en amidon utilisé pour préparer des colles et des adhésifs (Dehaynin, 2007). I.3. Contraintes liées à la culture du Sorgho Chantereau et Nicou (1991) estiment que les maladies du sorgho sont nombreuses et les plus importantes au Sénégal sont celles qui affectent la panicule. Les maladies foliaires et des tiges ont des incidences faibles. La sévérité de la maladie est fonction de la précocité de l’infection et de la sévérité du stress hydrique (Sarr et Ndiaye, 1999). Les principales maladies de la panicule sont : les moisissures des grains, le charbon allongé, le charbon de la panicule et la pourriture sèche de la panicule. Toutes ces maladies ont pour effet la destruction des grains ou des fleurs. Elles sont favorisées par les temps chauds et humides. Elles sont très répandues en Afrique de l’Ouest. Le développement de la moisissure du grain est particulièrement sévère au niveau des cultivars hybrides à cycle court ainsi que les variétés qui atteignent leur maturité en pleine saison des pluies. La moisissure est causée Introduction 5 par des champignons pathogènes non spécialisés qui affectent sévèrement le poids du grain, la viabilité de la semence, la qualité du grain ainsi que sa valeur marchande. La réaction aux moisissures du grain (RMG) est mesurée par le degré de moisissure sur le grain (DMG) (Katilé, 2007). La RMG a été plus sévère sur les cultivars à grains blancs à cycle court et à rendements élevés. Les cultivars à cycle long et à rendement en grains faibles échappent à la moisissure puisque les grains arrivent à maturité après la fin de la saison hivernale. Pour être plus commode, le développement de la moisissure sur le grain ou de la détérioration du grain peut être divisé en deux (2) phases : i. Moisissure du grain avant la maturité physiologique (MP) causée par un champignon pathogène, et ce genre de moisissure peut être appelé « moisissure pathogénique » ; ii. Moisissures du grain après MP causée à la fois par des champignons pathogènes qui infectent le grain après MP et saprophytes, qui envahissent les tissus morts du grain, cette forme de moisissure peut être appelée « moisissure du grain » ou « grain en détérioration ». Hormis les moisissures, d’autres contraintes biotiques sévissent sur les cultures de sorgho en l’occurrence : -les insectes ravageurs du sorgho qui sont assez diversifiés. On note la cécidomyie, qui détruit les ovaires des fleurs, les punaises et chenilles des panicules, les borers des tiges, les chenilles défoliatrices, les sautereaux, et les pucerons au niveau des fleurs. -les adventices qui entrent en compétition avec le sorgho pour les ressources du milieu. Cependant un adventice parasite, le striga (Striga hermontica), est susceptible de provoquer des dégâts importants. Toutefois au Sénégal sa présence est rare dans les champs de sorgho. -les oiseaux, en se nourrissant des grains, peuvent constituer un problème sérieux, particulièrement lorsque la culture est une introduction ou une variété qui arrive à maturité beaucoup plus tôt ou plus tard que le type local. I.4. Amélioration du sorgho pour la résistance aux moisissures La résistance aux moisissures du grain est gouvernée par de multiples mécanismes de résistance (Audilakshmi et al., 1999) et de nombreux traits agronomiques indésirables sont associés à cette résistance (Audilakshmi et al., 2000 ; Aruna et Audilakshmi, 2004). En outre, la résistance peut être incorporée dans le génotype avec une qualité du grain acceptable. La résistance est gouvernée par plusieurs gènes majeurs et mineurs, révélant des interactions génotypes-environnements significatives (Rodriguez-Herrera et al., 2000 ; Audilakshmi et al., 2005). De plus, la plupart des sources de résistance à la moisissure sont liées aux grains Introduction 6 colorés. Les sources de résistance dans les types de sorgho à grains blancs sont très nombreuses (Bandyopadhway et al., 1988) mais sont d’un point de vue agronomique très pauvres, ralentissant ainsi le processus de sélection pour la résistance du grain aux moisissures. Par ailleurs, Xu et al (2000) ont identifié, chez une population de lignées recombinantes fixées du sorgho, quatre QTLs (quantitative trait loci) de persistance chlorophyllienne, la persistance chlorophyllienne étant une composante de la tolérance à la sécheresse. Une approche nouvelle comme la résistance de la plante hôte est nécessaire dans les programmes de sélection. La résistance de la plante hôte est une méthode viable et effective dans la gestion des moisissures du grain. L’avènement des techniques de cartographie moléculaire permet alors de cartographier des QTLs en liaison avec des régions chromosomiques spécifiques et de les cibler dans les efforts de sélection.
Les marqueurs
Généralités sur les marqueurs
L’analyse de la variabilité peut être abordée par un ensemble de techniques allant de l’observation macroscopique du phénotype jusqu’à l’analyse de l’ADN.
Les marqueurs morphologiques
Dans les programmes de sélection des plantes, les caractères morphologiques sont les premiers à être observés. Ces caractères intéressent diverses parties de la plante, par exemple longueur des tiges, surface foliaire, initiation de la floraison (Cui et al. 2001; Gomez et al. 2004). Ces caractères sont utilisés de même pour estimer la variation intra- et interpopulations. Ils sont généralement limités en nombre de caractères relevés et directement influencés par l’environnement. Néanmoins, ils fournissent des informations utiles pour décrire et identifier le matériel biologique (Andersson et al. 2006).
Les allozymes
Les marqueurs biochimiques dont les allozymes, ont été utilisés pour caractériser la diversité génétique de plusieurs plantes. Les allozymes sont des formes moléculaires distinctes d’une enzyme chez un même organisme et ayant la même activité catalytique. Leur origine est la mutation au niveau de l’acide aminé qui affecte la charge totale de la protéine sans affecter le site catalytique. Leur révélation se fait par séparation électrophorétique des protéines et puis une coloration histochimique des enzymes. Introduction 7 Des populations naturelles tunisiennes de Medicago ciliaris et Medicago intertexta ont été évaluées pour leur polymorphisme génétique à l’aide de 7 systèmes enzymatiques. Six locus polymorphes ont été distingués permettant une analyse du polymorphisme génétique existant entre ces deux espèces annuelles (Abdelkefi et al. 1997). La diversité génétique d’espèces annuelles de pois chiche a été étudiée par Labadi et al (1996) à l’aide de marqueurs enzymatiques. Egalement, ces marqueurs ont été utilisés en combinaison avec des marqueurs morphologiques pour comparer la structuration de la diversité génétique chez M. sativa (Jenczewski et al. 1999). Les allozymes ont l’inconvénient d’être lourds et difficiles à manipuler, de même qu’ils présentent une reproductibilité assez faible. Comme les marqueurs morphologiques, ils sont très sensibles à l’environnement.
Les marqueurs neutres
Pendant longtemps, les caractères morphologiques ont été les seuls outils disponibles pour retracer l’histoire des populations. Toutefois, ce type de marqueur ne rend souvent pas fidèlement compte de l’histoire des populations. En effet, il arrive fréquemment que les variations phénotypiques ne soient pas seulement liées à l’histoire évolutive des populations mais soient également déterminées par des facteurs tels que l’adaptation locale. Les marqueurs moléculaires, réputés neutres (n’agissant pas sur les caractères sélectionnés), s’affranchissent de ces facteurs confondants et peuvent permettre d’accéder à l’histoire des populations. L’analyse de la diversité génétique neutre permet de comprendre la structuration spatiale de la diversité et de construire des hypothèses sur les différents événements liés à la domestication et à la diffusion de la plante (Nordborg et al. 2005). Les outils moléculaires à eux seuls ou bien en combinaison avec d’autres approches biotechnologiques ont beaucoup facilité la conservation des ressources génétiques et leur utilisation. Les marqueurs moléculaires basés sur l’ADN (RFLP, RAPD, AFLP, SSRs, etc.) ont été beaucoup utilisés pour identifier, maintenir, caractériser et évaluer les ressources génétiques avec plusieurs espèces de plantes. Contrairement aux marqueurs traditionnels (morphologiques et biochimiques), les marqueurs moléculaires ne sont pas influencés par les fluctuations de l’environnement et sont indépendants de l’organe analysé et du stade de développement de la plante. Parmi ces marqueurs, les microsatellites sont les outils les plus polymorphes et informatifs
Introduction |