La structure interne de la Terre
La Terre est l’une des quatre planètes telluriques de notre système solaire avec Mercure, Vénus et Mars. Au cours de son accrétion il y a 4,54 milliards d’années, notre planète a connu undifférenciation aboutissant à une structuration en enveloppes de densités différentes : le noyau central, le manteau, et la croûte superficielle. Le noyau métallique est composé d’une graine interne solide etd’une partie externe liquide animée de mouvements de convection – dynamique à l’origine du champ magnétique terrestre. La sismologie a permis de mettre en évidence que le manteau se décompose également en deux entités de densités différentes : le manteau inférieur et le manteau supérieur (Figure 1.1). Ce dernier est lui-même constitué de l’asthénosphère, ductile et convective comme le manteau inférieur, et d’une partie supérieure froide et rigide qui forme la base de la lithosphère. La croûte, océanique ou continentale, constitue la partie la plus externe de la lithosphère.
La lithosphère est divisée en différentes plaques qui se déplacent les unes par rapport aux autres. Ces mouvements engendrent deux phénomènes géologiques majeurs aux limites de plaques : le magmatisme et la sismicité. L’étude de la propagation des ondes sismiques et l’observation de vitesses différentes selon le milieu traversé a permis de décrire la structure interne de la Terre et de pointer lestransitions entre les différentes enveloppes concentriques. Les discontinuités de Gutenberg à la limite noyau-manteau (couche D’’ – 2900 km) et de Mohorovičić entre le manteau et la croûte délimitent des réservoirs géochimiques différents. La zone à faible vitesse (LVZ : Low Velocity Zone) entre l’asthénosphère chaude et le manteau lithosphérique plus froid (isotherme 1300°C) est en revanche exclusivement mécanique. Ces différentes entités interagissent entre elles ainsi qu’avec les couches superficielles : l’hydrosphère (hydrothermalisme océanique, altération) et l’atmosphère (dégazages, émissions de cendres volcaniques).
La théorie de la tectonique des plaques
Le concept de dérive des continents est proposé par Alfred Wegener en 1912. Le météorologisteallemand expose l’idée que les continents aient été réunis par le passé et qu’après séparation, ils aient dérivé sur les fonds océaniques jusqu’à leur position actuelle. Wegener édifie sa théorie à partir d’une compilation d’observations communes aux continents américains et à l’Afrique : un parallélisme presque parfait des traits de côtes, une coïncidence des reliefs et des structures géologiques ainsi que des lithologies identiques et un contenu paléontologique similaire des roches sédimentaires de part et d’autre de l’Atlantique. Le chercheur américain F.B. Taylor propose également en 1910 que la ride médio-atlantique consiste en la trace de séparation entre l’Afrique et l’Amérique, cette structure ayant été découverte en 1872 par le navire britannique HMS Challenger.
L’exploration sous-marine d’après-guerre (années 1950-1960) et les découvertes associées permettent de valider cette conception mobiliste. L’existence des dorsales et des fosses de subduction est établie et amène à l’élaboration du concept d’expansion à la dorsale (Hess, 1962). Le manteau asthénosphérique chaud remonte à l’axe de la dorsale et forme la croûte océanique après hydratation/serpentinisation (Hess, 1962) ou par fusion et solidification d’un magma (Cann, 1974; Green et Ringwood, 1967; Yoder et Tilley, 1962). Cette lithosphère océanique, croûte et manteau réunis, se refroidit en s’éloignant de la dorsale et plonge de nouveau dans le manteau au niveau des fosses. Le plan de Wadati-Benioff, plan de distribution des séismes en profondeur, marque alors le plongement de la lithosphère recyclée dans le manteau. L’étude des anomalies magnétiques des fonds océaniques apporte en 1963 un argument décisif. Au cours de leur refroidissement les magmas basaltiques acquièrent une aimantation thermorémanente parallèle au champ magnétique ambiant, enregistrant ainsi les inversions de polarité du champ magnétique terrestre au cours du temps. Les travaux de Morley et de Vine et Matthews (1963) portèrent sur l’alternance de coulées à polarité normale ou inverse, parallèles à l’axe de la dorsale et symétriques de part et d’autres, illustrant l’expansion continue des fonds océaniques.
Les premières plaques lithosphériques sont rapidement identifiées, entités indéformables séparées les unes des autres par des limites divergentes, convergentes ou transformantes, où se concentrent l’essentiel de l’activité magmatique et sismique terrestre (Le Pichon, 1968; McKenzie et Parker, 1967; Morgan, 1968). De la mise en relation de l’expansion océanique et de la distribution mondiale des séismes naîtra la théorie de la tectonique des plaques. Le modèle dit du cycle de Wilson décrit l’ensemble de ces mouvements avec le rifting continental suivi de l’océanisation du bassin, zone délimitée par des marges passives (Figure 2.2). L’inversion de marge fait naître une zone de subduction qui résorbe ce domaine océanique jusqu’à la collision continentale, correspondant après pénéplanation à l’étape initiale (Wilson, 1966). L’existence de supercontinents est démontrée ainsi que la cyclicité avec laquelle ces masses continentales uniques – regroupant l’intégralité des terres émergées – se forment et se fragmentent. Des reconstructions palinspastiques sont proposées telles que celle de Le Pichon en 1968 qui retrace les mouvements et paléopositions des continents au cours des 120 derniers millions d’années, retraçant ainsi l’ouverture de l’océan Atlantique. Par la suite et au cours des dernières décennies le développement de la technique GPS (Global Positioning System) a permis de quantifier ces déplacements, de l’ordre de quelques centimètres par an (Dixon, 1991), et de délimiter une quinzaine de plaques bien définies.
Dans ce contexte, le magmatisme constitue un processus géologique majeur permettant les échanges de matière et de chaleur au sein de la Terre. Ce phénomène indissociable de la dynamique interne de la Terre et des grandes phases géodynamiques est responsable de la formation des croûtes continentale et océanique par extraction de magmas produits dans le manteau. La croûte continentale est essentiellement fabriquée à l’aplomb des zones de subduction par l’extraction de magmas riches en Si,Al, Na et K. La déshydratation de la plaque plongeante hydrate le manteau sus-jacent et déclenche sa fusion partielle. La majeure partie de la croûte continentale fut créée au cours de l’Archéen (avant 2,5 Ga), tandis que les modèles de formation de la croûte primitive évoquent un régime thermique terrestre plus fort permettant la fusion des basaltes de la croûte océanique subductée, générant une quantité de magmas supérieure à celle produite aux subductions actuelles, ou le stockage et la différenciation des magmas basaltiques à la base de la croûte océanique plus épaisse en ces temps anciens (e.g. Drummond et Defant, 1990; Foley et al., 2002; Kröner, 1985). La faible densité de la croûte continentale rend difficile son entrée en subduction et permet sa préservation partielle depuis presque 4,4 Ga.
La fusion du manteau à l’axe de la dorsale, par décompression adiabatique, produit des magmas basaltiques riches en Mg, Ca et Fe. La divergence continue entretient une lithosphère océanique peu épaisse à l’axe de la dorsale, donnant localement accès au manteau. Les processus impliqués dans la magmatogenèse de la croûte océanique – fusion partielle des roches mantelliques, transferts, stockage et évolution des magmas, interactions magmatisme-hydrothermalisme – nous sont cependant d’accès limité dans le temps : le recyclage en zone de subduction n’a pas permis de préserver de croûte océanique produite dans le système de dorsales actives dans les grands bassins océaniques actuels et datant de plus de 200 Ma. Par ailleurs, pour des raisons techniques, échantillonner les parties profondes de la croûte océanique reste particulièrement ardu si bien que les géologues se tournent vers l’étude de fragments de lithosphère océanique piégés au sein des chaînes de montagnes au gré de la tectonique des plaques. Ces roches océaniques fossiles sont appelées ophiolites.