Le droit et la langue

Le droit et la langue

I am somewhat a « literalist », because I am for truth and accuracy.16 Peter Newmark (1916-2011), traductologue. “I am a literalist judge.” Black characterized his work that way, as does Scalia.17 Hugo Black (1886-1971), Antonin Scalia (1936-2016), juges à la Cour Suprême des États-Unis d’Amérique. 

Prolégomènes théoriques 

Les juristes se sont depuis fort longtemps questionnés sur la nature du droit, et plus particulièrement sur l’interprétation des textes juridiques. Nous devons d’abord présenter brièvement certains de ces questionnements qui ne sont a priori pas ou peu connus des linguistes. Cependant, la revue de ces questionnements pourra frapper tout linguiste par la familiarité et la parenté avec ceux des sciences du langage. Cette familiarité vient du fait que pour les juristes, le droit est un système sémiotique, c’est-à-dire qu’il construit du sens entre les acteurs qu’il concerne. Ce sens est principalement transmis par du texte, et trouver ou retrouver le sens des textes fait donc partie intégrante du travail de tout juriste. Néanmoins, le droit ne peut pas se réduire au texte, les questionnements sur sa nature ont donc été obligés de prendre en compte d’autres dimensions du droit, en premier lieu la place des interprètes, qui pour certains – lorsqu’ils sont juges – font manifestement partie d’une organisation humaine hiérarchique, la justice, au moins en ce qui concerne 16 Peter Newmark, A Textbook of Translation, Prentice-Hall, 1988, p. xi. 17 Burt Neuborne, « Brennan’s Approach to Reading and Interpreting the Constitution », New York Law School Law Review, volume XLIII, number 1, 1999, p. 43. Contexte théorique : le droit et la langue 22/420 le droit interne. Pour le droit international, comme nous le verrons, les interprètes sont avant tout les auteurs, mais peuvent également être des tiers, d’ailleurs pas forcément des juges ou des arbitres. C’est donc une véritable analyse de discours, incluant non seulement le texte et son sens, mais encore la performativité de celui-ci, ainsi que la nature des relations entre interprètes, que la réflexion sur le droit a dû produire. Un point à notre avis particulièrement important dans ces analyses est la dichotomie et la hiérarchisation réciproque entre auteur et interprète : le droit a depuis fort longtemps séparé les auteurs des textes de leurs interprètes, et a pu considérer toutes les possibilités quant à leur importance relative. En sciences du langage, la question de la hiérarchie relative entre interprète et auteur et leur place dans la formation du sens est à l’origine de théories différentes18 et parfois opposées, en traductologie notamment19, et il nous semble que l’importation de schémas de l’interprétation en droit pourrait utilement clarifier certains débats dans ce domaine des sciences du langage. D’une façon générale, il nous semble donc intéressant pour les linguistes de connaître les modèles théoriques des juristes. Ces derniers ont dû développer une connaissance de leur discipline en incluant le point majeur qui fait du droit plus qu’un simple discours, le système juridique et tout l’appareillage coercitif associé. Cette coercition, l’usage de la force policière en droit interne, ou militaire en droit international, augmente les enjeux de l’analyse de discours en droit. Par ailleurs, il nous semble important pour les juristes de mieux connaître les méthodes pratiques d’analyse linguistique pour qu’ils puissent choisir la plus effective et la mieux à même de produire les résultats qu’ils recherchent. 18 C’est tout le sens des débats dans le domaine de la pragmatique, qui décrit le passage d’une énonciation linguistique à une perception sémantique, c’est-à-dire non pas la langue mais son utilisation, la parole. La question inclut donc de savoir à quel point le langage transmet une connaissance venant de l’auteur ou actionne une connaissance déjà présente chez l’interlocuteur, l’interprète. Ceci implique, outre la description des éléments contextuels extralinguistiques, de comprendre l’impact du langage et de la langue dans la perception et la connaissance et le rapport qu’entretiennent énoncé et énonciation. La concurrence des termes selon les théories (émetteur-récepteur, locuteur-interlocuteur, auteur-lecteur, énonciateur-destinataire, etc.) révèle les enjeux théoriques sur la conception du sens et du sujet et de leur importance réciproque. Nous n’entrerons pas dans ces débats-là mais les garderons à l’esprit. Une bonne synthèse de ces débats est proposée dans Patrick Charaudeau et Dominique Maingueneau, Dictionnaire d’analyse du discours, Le Seuil, 2002, p. 557. 19 Cf. notre partie 1.2 1.3.1. L’interprétation dans les théories traductologiques 23/420 Nous verrons dans cette partie la place du texte dans le droit. En effet, celui-ci s’insère dans une économie qui le dépasse, même s’il y tient une place centrale (1.1.1). L’autre pilier du discours dans le droit est l’interprète, et nous verrons sa place dans le droit (1.1.2). Nous rappellerons ensuite que notre corpus est composé de textes de droit international public, dont les caractéristiques spécifiques doivent être explicitées pour les linguistes afin de bien saisir leur importance (1.1.3). 

Le texte dans le droit

 L’analyse de texte en droit, c’est-à-dire l’étape de compréhension d’un texte par laquelle passe un juriste à sa lecture, a des conséquences beaucoup plus sérieuses que l’analyse de texte dans toute autre discipline, puisqu’à la suite de cette compréhension, le juriste va en faire une interprétation qui a dans la plupart des cas des conséquences pragmatiques. Cover en décrit succinctement les tenants et les aboutissants ainsi:20 Legal interpretation takes place in a field of pain and death. This is true in several senses. Legal interpretative acts signal and occasion the imposition of violence upon others: A judge articulates his understanding of a text, and, as a result, somebody loses his freedom, his property, his children, even his life. Interpretations in law also constitute justifications for violence which has already occurred or which is about to occur. When interpreters have finished their work they frequently leave behind victims whose lives have been torn apart by these organized, social practices of violence. Neither legal interpretation nor the violence it occasions may be properly understood apart from one another. (Nous soulignons) Ainsi tout juriste qui interprète un texte participe à la création du droit, puisque son interprétation de texte fait partie de l’interprétation juridique, qui est créatrice du droit – à des degrés certes différents selon leurs rôles –, et par là même fait passer sa compréhension d’un texte, acte intellectuel, à la réalité sociale, par les systèmes coercitifs institutionnels des sociétés. Le droit est par excellence le lieu de la 20 Robert Cover, « Violence and the Word », Yale Law School Faculty Scholarship Series, performativité du langage, d’où les enjeux élevés qui entourent l’analyse de texte et de discours dans ce domaine. Cette relation complexe entre discours et réalité qu’est le droit, peut être considérée sous différents angles. On peut considérer le droit comme étant naturel, car in fine fondé sur la nature des choses, et cette théorie de l’existence du fondement du droit dans la nature même a eu les faveurs de la plupart des penseurs depuis l’Antiquité jusqu’aux Lumières. Les hommes peuvent alors décider, avec le droit positif23, c’est-à-dire celui qu’ils formulent et adoptent, soit de se soumettre au droit naturel 24 , soit de le contredire . Dans cette vision du droit, il existe bien un droit positif, i.e. exprimé par les hommes dans leurs lois et règlements, mais celui-ci reste néanmoins fondé sur un état naturel, une réalité extérieure donc, comme le référent l’est au signifiant. Le droit positif reflèterait alors en partie26 le droit naturel et les obligations ou interdictions légales trouveraient leurs justifications dans le fait qu’elles ne sont que l’explicitation de l’ordre naturel des choses. On retrouve cette conception du droit dans les grandes déclarations fondatrices du droit moderne, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ou la déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique en 1776 : l’Assemblée Nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être suprême, les droits suivants de l’Homme et du Citoyen. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. (…) 21 Cf. glossaire. 22 Pour une revue des interprétations du Droit naturel au cours de l’histoire, cf. Léo Strauss, Droit naturel et histoire, Flammarion, 1986 [1953]. Le droit naturel est établi clairement déjà par Aristote dans l’Éthique à Nicomaque, livre 5 (la Justice), dans le chapitre « Justice naturelle et justice légale » où s’il distingue droit naturel et droit positif, il ne les oppose pas, même s’il arrive que les deux puissent s’opposer. 23 Cf. glossaire. 24 Cf. glossaire. 25 Aller dans le sens du droit naturel c’est garantir les droits naturels des hommes, comme la liberté ou la sûreté. Contredire le droit naturel c’est modérer d’autres droits naturels comme la vengeance. La loi du Talion, « œil pour œil », que l’on trouve antérieurement dans le code d’Hammurabi, est une loi de modération qui incite à la proportionnalité de la réponse au dommage, de même que la légitime défense, en droit interne et en droit international. 26 Même pour les partisans du droit naturel, le droit positif ne fait pas que transcrire le droit naturel, mais peut aussi refléter une pure convention, comme par exemple, le coût d’une amende. 25/420 When in the Course of human events, it becomes necessary for one people to dissolve the political bands which have connected them with another, and to assume among the powers of the earth, the separate and equal station to which the Laws of Nature and of Nature’s God entitle them, a decent respect to the opinions of mankind requires that they should declare the causes which impel them to the separation. We hold these truths to be self-evident, that all men are created equal, that they are endowed by their Creator with certain unalienable Rights, that among these are Life, Liberty and the pursuit of Happiness. Que ce soit de Dieu, de l’Être Suprême ou de la Nature, les droits positifs explicités par ces déclarations sont adossés à une réalité naturelle : l’Assemblée nationale reconnaît des droits, elle ne les crée pas mais ne fait que les déclarer. La déclaration d’indépendance américaine est encore plus explicite puisqu’elle parle de Laws of Nature, Nature’s God, Creator, et que ces vérités sont évidentes, et qu’elle ne fait donc que les rappeler. Cette théorie du droit naturel peut être mise en parallèle avec les théories sur le déterminisme linguistique qui articule langue et réalité : pour certains la langue informe nos conceptions, et pour d’autres non, l’origine de nos concepts proviendrait d’une source extérieure au langage27 . La question, pour le droit comme pour la langue, est donc de savoir s’il existe un fondement extérieur sur lequel ils reposent. Pour le droit, Strauss, qui regrettait son abandon et y voyait un nihilisme, disait du droit naturel28 : Rejeter le droit naturel revient à dire que tout droit est positif, autrement dit que le droit est déterminé exclusivement par les législateurs et les tribunaux des différents pays. Or, il est évident qu’il est parfaitement sensé et parfois même nécessaire de parler de lois ou de décisions injustes. En passant de tels jugements, nous impliquons qu’il y a un étalon du juste et de l’injuste qui est indépendant du droit positif et lui est supérieur : un étalon grâce auquel nous sommes capables de juger le droit positif. Bien des gens aujourd’hui considèrent que l’étalon en question n’est tout au plus que l’idéal adopté par notre société ou notre « civilisation » tel qu’il a pris corps dans ses façons de vivre ou ses institutions. 27 Cf. infra et les théories sur le déterminisme linguistique. 28 Leo Strauss, op. cit., p. 14. 26/420 Car l’autre façon de considérer le droit est de ne considérer le droit que dans son aspect de droit positif. C’est le positivisme juridique29 qui postule que le droit ne trouve pas sa source dans les choses de la nature, mais dans l’esprit des hommes. Pour les positivistes, le droit, les normes30 et les règles, sont des mesures, et comme toute mesure, elles sont une production de l’esprit. Amselek note ainsi31: Les règles de conduite sont des outils, des instruments ; c’est ce qu’on évoque notamment quand on dit que le droit est une « technique », et c’est ce que rappelle au surplus l’étymologie même des mots norme ou règle qui dénotaient primitivement des outils matériels, concrets : la norma latine, dérivée du grec ancien gnômon, désignait à l’origine une équerre, la regula désignait – et ce sens est d’ailleurs resté dans la langue française – une tige ou planchette servant de référence pour les tracés rectilignes. Les règles de conduite sont plus précisément, en second lieu, des outils qui donnent, à ceux à qui ils sont adressés et qui les utilisent, la mesure de leurs possibilités d’agir, de se conduire : c’est en ce sens qu’on parle indifféremment d’édicter des règles juridiques ou d’édicter des « mesures ». Il est inutile pour nous de nous insérer dans ce débat sur la nature du droit, tout ce qu’il nous convient de faire c’est de constater que même pour les tenants d’un droit naturel, il existe un droit positif produit de conventions entre les hommes. C’est l’analyse de ce droit positif qui nous concerne ici parce que le droit positif est avant tout de l’écrit, peu importe si ce droit positif trouve sa légitimité dans la nature des choses ou pas. En effet, quelle que soit la position que l’on ait sur la légitimité ou l’origine du droit, le droit positif peut toujours être considéré comme un discours : les règles, ainsi que les normes32 , sont de l’écrit produit par des auteurs33, un devoir-être exprimé pour autrui, 29 On retrouve Hans Kelsen et Herbert Hart parmi les positivistes que nous évoquons infra. Le point principal du positivisme juridique est que le droit est considéré comme un système cohérent détaché de la nature et de la morale et qu’il est donc vain de l’analyser en rapport à celles-ci. 30 Cf. glossaire. 31 Paul Amselek, « Le droit dans les esprits », in Paul Amselek et Christophe Grzegorczyk (eds.), Controverse autour de l’ontologie du droit, PUF, 1989, p. 28. 32 À part les témoignages, qui sont de toute façon de la parole et donc un discours, il ne nous semble pas que le droit traite d’autres choses que de l’écrit : morts, vols, dégradations, tout ceci n’existe pour le juriste que s’il y a un écrit le rapportant : plainte, rapport, plaidoirie. Ceci est à notre avis particulièrement vrai du droit international, puisque ce que l’on nomme la pratique des États, et a fortiori la coutume, n’est autre 27/420 que ce soit sous la forme d’interdiction, d’obligation, ou de permission. Le texte tient donc une place centrale dans le droit. En conséquence, l’analyse du droit positif est une analyse de discours, et il peut être soumis à une analyse linguistique. Une distinction parmi les positivistes qu’il convient de noter, est que le droit positif peut se considérer sous deux angles différents. Premièrement on peut voir les règles et normes comme l’expression de la volonté des auteurs de ces règles, qui ont voulu que ces règles portassent un sens. Il revient alors à l’interprète de retrouver cette volonté des auteurs des règles et de l’appliquer à chaque cas concret qui se présente à lui. On voit ici qu’il s’agit d’une démarche d’interprétation linguistique qui consiste à retrouver le sens derrière un texte, démarche que l’on retrouvera d’ailleurs à l’identique dans certaines théories traductologiques : le rôle de l’interprète juridique étant alors joué par le traducteur qui doit lui aussi rechercher le sens d’un texte avant de pouvoir en restituer le sens dans une autre langue. La différence est que pour le traducteur, cette recherche de sens a pour but de réécrire le texte dans une autre langue, alors que pour le juriste, cette recherche a pour but d’appliquer le sens de la norme au cas concret qui se présente à lui. Amselek décrit cette démarche de la recherche du sens ainsi : Lorsque je lis un texte, je ne me contente pas de regarder, je déchiffre. Legere en latin signifiait très exactement cueillir ou recueillir, trier, discerner : lorsque je lis, je recueille dans mon esprit, par une opération mentale de déchiffrement à partir des signes que je perçois, de la pensée codée en langage, de la pensée que la trace documentaire de celle-ci, et non les actions elles-mêmes qui ne sont d’ailleurs pas le fait d’un État, qui est une abstraction ne pouvant pas agir par lui-même, mais bien d’individus s’en réclamant. La coutume comme actions réelles, est à notre avis à différencier de la coutume prise en compte par les juristes : ils saisissent celle-ci par l’intermédiaire du document écrit. Le droit international prend d’ailleurs acte de cette différence entre action et écrit sur l’action quand il s’agit de la délimitation de frontières : les deux choses sont alors très nettement différenciées, la délimitation, qui est de l’écrit – en l’espèce sur carte – et l’abornement, c’est-à-dire la pose sur le terrain de bornes matérielles signalant la frontière dans la réalité physique. Cette opération dite de démarcation est la traduction dans les faits d’un écrit, montrant là la différence fondamentale entre les deux. Cette différence entre réalité et connaissance de cette réalité médié par un discours produit pour un juge ou tout autre interprète est classiquement illustrée par le film Rashōmon de Akira Kurosawa pour le cas d’une mort et d’un viol. 33 La mise par écrit de la loi pour échapper à l’arbitraire de la loi orale du juge remonte loin, comme l’atteste la promulgation de la Loi des douze tables à Rome, milieu du Ve av. JC, à la suite du conflit entre patriciens et plébéiens et de la sécession de ces derniers. 28/420 discursive. Une fois recueillie ou reconstituée cette séquence de pensée discursive, de pensée codée en mots, il faut que je passe à une seconde opération mentale, que je décode ce message codé, ce texte, c’est-à-dire que je reconstruise dans mon esprit le sens, le contenu de pensée auquel il renvoie. De la perception des signes communiqués on passe donc d’abord à la lecture, au déchiffrage d’un message codé linguistiquement, puis au décodage de ce message, à sa compréhension, c’est-à-dire à l’appréhension de son sens, du contenu de pensée qu’il recouvre. L’interprétation correspond ainsi à un double intermède, à une double grille à franchir, à une double méditation.34 L’interprète essaye de retrouver ce qu’a voulu dire l’auteur, et d’en restituer le sens : il fait une analyse de texte puis sémantique. Dans cette optique, nous voulons attirer l’attention des juristes sur les outils linguistiques dorénavant à leur disposition pour la détermination du sens : outre les dictionnaires qui leur sont déjà familiers, l’analyse de corpus peut grandement aider dans cette démarche. C’est l’une des raisons pour laquelle nous entreprenons notre étude : il s’agit d’une analyse de corpus de textes de droit, et ce type d’analyses peut aider à la détermination du sens. Nous en ferons la démonstration avec l’application de celle-ci sur un cas concret bien connu, le sens de la résolution 242 (1967) du Conseil de sécurité, qui est toujours fortement discuté plus d’un demi-siècle après son adoption. 

L’interprète dans le droit

 L’autre manière de considérer le droit positif est de considérer les normes sous un autre angle que la recherche de la volonté des auteurs exprimée par le texte : celui de savoir qui interprète le droit. En effet, pour que le droit positif soit plus qu’un simple discours produit et compris, et soit effectivement du droit, il faut que ce que le droit prescrit soit effectivement appliqué. Cette caractéristique est donc, dans la nomenclature d’Austin35 , la performativité du discours. Cette performativité du droit est ce qui le caractérise et le démarque de tout autre discours, selon la théorie pure du droit de Kelsen, qui note36 : 34 Paul Amselek, op. cit., pp. 36-37. 35 J.L. Austin (1911-1960). Cf. notamment How to Do Things with Words, Clarendon Press, 1962. 36 Hans Kelsen, « Qu’est-ce que la théorie pure du droit ? » in Transformations de l’État 29/420 Cette comparaison conduit la théorie pure du droit à reconnaître que les propositions normatives de la science du droit jouent un rôle analogue aux lois de la nature des sciences naturelles, à savoir la relation de cause à effet entre deux états de choses. Mais le sens de cette relation diffère dans les deux cas. Dans les lois de la nature, les conditions et les effets sont unis les uns aux autres par le principe de causalité (par exemple dans la loi : lorsqu’un métal est chauffé, il se dilate). Au contraire, dans les propositions normatives, cette relation répond à un principe pour lequel la science n’a pas encore trouvé à ce jour de terme généralement accepté et pour lequel la théorie pure du droit a proposé le concept d’imputation. Sur la base d’une comparaison des systèmes d’organisations sociales identifiés comme relevant du droit, la théorie pure du droit aboutit au résultat suivant : ces systèmes sont essentiellement des ordres de contraintes, c’est-à-dire des ordres qui entendent privilégier un comportement humain déterminé et prescrire, dans le cas d’un comportement contraire, non conforme au droit, un acte de contrainte, c’est-à-dire une sanction. La théorie pure du droit formule donc la structure originaire de la proposition normative de la manière suivante : lorsqu’un acte transgressant le droit est commis, il doit s’ensuivre une conséquence, une sanction. (Nous soulignons) Le discours juridique n’est donc pas simple discours, il doit se traduire en acte. Il y a dans cette approche théorique une séparation entre la connaissance du droit de la part d’un interprète investi d’une autorité, et de la part d’un interprète lambda. Dans le premier cas, le discours aura des conséquences, et donc un caractère performatif qu’il n’aura pas dans le second. Kelsen poursuit : À la méthode de la connaissance du droit — qui est un problème de théorie générale du droit — appartient aussi la question de l’interprétation des normes juridiques. Partant, la théorie pure du droit propose également une théorie de l’interprétation. À cet égard, elle souligne la différence qui existe entre l’interprétation inhérente à chaque application du droit, pratiquée par l’organe institutionnel habilité à l’appliquer, c’est-à-dire l’interprétation par l’autorité juridique, et l’interprétation opérée par la science du droit. La première a toujours un caractère authentique, c’est-à-dire obligatoire,

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