Le droit de vote de l’actionnaire
Un droit politique dont l’exercice permet d’influer sur la gestion de la société
En principe, l’actionnaire dispose de droits patrimoniaux, financiers et politiques. Les premiers résultent de la propriété des titres sociaux (et permettent à l’actionnaire de choisir entre conserver et céder ses titres). Les deuxièmes traduisent sa volonté de faire fructifier son investissement (et comprennent le droit aux dividendes et aux bonis de liquidation). Les troisièmes concernent essentiellement le droit de vote . L’actionnaire exerce son droit de vote en participant aux délibérations de l’assemblée générale. En principe, il ne peut pas participer à la gestion de la société ; celle-ci est dévolue au conseil d’administration (art. 522 C. soc.). Néanmoins, l’assemblée générale est compétente pour nommer et révoquer les administrateurs (art. 518, § 2 et 3 C. soc.), ainsi que pour modifier les statuts (art. 558 C. soc.). L’exercice du droit de vote permet donc à l’actionnaire de concourir à la formation de la majorité à l’assemblée, et ainsi d’influer, d’une certaine manière, sur la gestion de la société . Le droit de vote est une prérogative d’ordre public : sous réserve de la création d’actions sans droit de vote, il ne peut, en principe, être ôté à l’actionnaire. Ce dernier n’a toutefois pas l’obligation de prendre part au vote, ni même d’assister à l’assemblée ; le vote est libre .
La proportionnalité du droit de vote à la participation au capital social
La prohibition des actions à vote plural
Dans notre droit des sociétés, l’octroi du droit de vote diffère selon que l’on se trouve dans le cadre d’une société de personnes ou d’une société de capitaux. Les règles sont souvent schématisées de la manière suivante : dans les premières, le principe est « un homme, une voix », dans les secondes, il devient « une part, une voix » . En réalité, dans les sociétés de capitaux, le principe est, plus précisément, celui du droit de vote proportionnel à la participation au capital social (et donc au risque pris par l’actionnaire). Cette règle est clairement établie dans la SA à l’article 541 du Code des sociétés, qui dispose : « Lorsque les actions sont de valeur égale, chacune donne droit à une voix. Lorsqu’elles sont de valeur inégale ou que la valeur n’est pas mentionnée, chacune d’elles confère de plein droit un nombre de voix proportionnel à la partie du capital qu’elle représente, en comptant pour une voix l’action représentant la quotité la plus faible ».
En ce qui concerne la SPRL, l’article 275, al. 1er du Code des sociétés se contente d’énoncer que « Chaque part donne droit à une voix ». Mais, dans la SPRL, le capital se divise en parts égales (art. 238 C. soc.). Le suffrage proportionnel y est donc également d’application. Ces dispositions ont un caractère d’ordre public, ce qui exclut tout aménagement statutaire ou conventionnel . Il en résulte donc, en droit belge, une prohibition des actions à vote plural pour ces sociétés. Néanmoins, en pratique, certaines techniques permettent de contourner cette interdiction : les actions sans droit de vote, la limitation du pouvoir votal et le droit de vote accordé à certaines parts bénéficiaires. Il importe également de mentionner que la prohibition du vote plural ne vaut pas pour les SCRL, et qu’elle n’a jamais été consacrée au conseil d’administration.
Les techniques permettant de contourner la règle de proportionnalité
Les actions sans droit de vote
En vertu des art. 240 C. soc. (SPRL) et 480 C. soc. (SA), les statuts peuvent prévoir l’émission d’actions sans droit de vote. De telles actions ne peuvent représenter plus d’un tiers du capital social et doivent compenser la perte du droit de vote par davantage de droits financiers (par exemple, en cas de bénéfice distribuable, elles doivent conférer à leur titulaire le droit à un dividende privilégié et, sauf disposition contraire des statuts, récupérable). Plus qu’une « mesure de contournement », l’existence d’actions sans droit de vote est une dérogation légale au principe du suffrage universel proportionnel. En effet, de telles actions confèrent une rentabilité supérieure à leur détenteur, mais lui empêchent complètement d’intervenir sur le plan de la gestion de la société .
La limitation du pouvoir votal
Les statuts peuvent, en outre, limiter le pouvoir votal des actionnaires, en vue de protéger les minoritaires (SPRL : art. 277 C. soc. ; SA : art 544 C. soc.). Ceci peut prendre des formes diverses (plafonnement à un certain nombre ou pourcentage de voix, plafonnement dégressif ou progressif, plafonnement à partir d’un certain seuil,…) . Lorsque la limitation de la puissance votale est prévue, elle « s’impose à tout actionnaire, quels que soient les titres pour lesquels il prend part au vote ». La limitation n’est donc pas relative aux titres, mais à la personne de l’actionnaire. Elle n’affecte, dès lors, pas en tant que telle la règle de proportionnalité, puisqu’elle ne concerne pas la quotité du droit de vote affectée aux titres, mais le nombre de voix dont peut disposer l’actionnaire à l’assemblée générale . Il n’en demeure pas moins qu’une telle disposition permet de réduire l’influence que pourrait avoir un actionnaire important sur la gestion de la société.
Le droit de vote attaché à certaines parts bénéficiaires
Les parts bénéficiaires sont des titres non représentatifs du capital, qui ne peuvent être émis qu’en SA ou en société en commandite par actions (ci-après SCA) . L’article 542, al. 1er du Code des sociétés énonce que leurs titulaires peuvent se voir attribuer un droit de vote par les statuts. Celui-ci est néanmoins limité (art. 542, al. 2 C. soc.). D’abord, les parts bénéficiaires ne peuvent donner droit qu’à une voix maximum. Ensuite, le nombre total de voix qui leur est attribué, ne peut dépasser la moitié de celui attaché à l’ensemble des actions. Enfin, les votes de leurs détenteurs ne peuvent être pris en compte pour plus des deux-tiers du nombre des voix exprimées par les porteurs d’actions. Cette disposition permet d’attribuer une puissance votale significative à l’actionnaire qui est également titulaire de parts bénéficiaires, puisque le législateur n’exige aucune stricte proportion entre le nombre de voix attaché aux parts bénéficiaires et la contribution financière qui en est à l’origine (et qui peut être dérisoire) .
Elle est néanmoins peu employée en pratique , à tel point que certains auteurs en demandent la révision .
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