Le droit de communiquer les convictions religieuses

La nécessaire compatibi lité des convictions religieuses avec l ’ ordre public

La liberté de religion suppose le respect de l’exercice de cette liberté. La liberté de conscience est étroitement liée à la liberté de religion car souvent de la conscience on passe à une certaine forme de religion. La liberté de religion c’est aussi la possibilité de protéger son secret, de ne pas exprimer publiquement ce qu’on pense dans notre for intérieur.
La Commission Stasi (Commission de réflexion sur le principe de laïcité), a considéré que la laïcité comprend trois valeurs, on trouve la liberté de conscience, l’égalité en droit des options spirituelles et religieuses, et la neutralité du pouvoir politique. Dans la laïcité existe donc la liberté de conscience, indépendamment de l’expression de cette conscience au travers d’une religion. In fine on peut considérer qu’en France la question de la laïcité fait débattre, réfléchir, et on a assisté à la création d’observatoires et de rapports gouvernementaux. De plus, avec les journaux confessionnels, certains journalistes enclins à une religion peuvent publier leurs avis ou l’avis des représentants religieux sur certains choix de société. Les religions et notamment les représentants religieux suivent attentivement les progrès scientifiques en médecine et en génétique afin de pouvoir donner un avis religieux au coeur des débats sociaux. Cette liberté leur permet de pouvoir approuver ou contester certains choix étatiques. La religion peut alors, dans un État démocratique avoir un rôle dans les choix de société par rapport à l’État705.
La Déclaration de 1789 démontre les liens entre la liberté d’opinion, la liberté de conscience et la liberté de religion. Du prisme religieux, la liberté de conscience peut être définie comme la liberté d’avoir ou de ne pas avoir une religion. La liberté de religion signifie que toute personne peut croire en une religion et peut par conséquent l’exprimer publiquement. Les institutions françaises donnent une importance particulière à cette liberté, car elle a séparé les églises, les religions de la République706. La loi de 1905 organise la séparation des cultes de l’État, et par conséquent elle organise la liberté de conscience et de religion pour chaque citoyen, sans aucune obligation de choix. Cette situation est liée à la ception de la laïcité, la neutralité de l’État d’un côté, et d’autre part l’idée que la laïcité est un élément déterminant de la République. Il existe un rapport étroit entre la liberté de conscience, de pensée et de religion.

L’ influence historique de principes religieux dans le droit constitutionnel

De nombreuses dispositions juridiques françaises sont issues du système juridique du droit civil qui est lui-même inspiré du droit romain. Ces dispositions sont souvent la transcription des principes religieux judéo-chrétiens. Certains commandements religieux sont devenus des interdictions dans le droit français comme l’interdiction de tuer, l’interdiction de voler à autrui, l’interdiction de porter un faux témoignage contre autrui…
Cependant, depuis la séparation des Églises et de l’État, l’article 1er de la Constitution dispose que l’État français est laïc et par conséquent le principe à respecter est celui de la neutralité juridique à l’égard du fait religieux.

La laïcité de l’État en matière de convictions religieuses

La liberté religieuse est un principe fondamental en France718. En droit positif, la liberté religieuse est garantie au niveau de la loi, de la Constitution et du droit européen.
Depuis 1905, la liberté religieuse connait une limite qui est la laïcité. La laïcité a réduit presque toute influence de l’église catholique en France. La laïcité se définit comme la neutralité confessionnelle de l’État, ce qui signifie que l’État est neutre en matière de religion en France. Il doit traiter les confessions religieuses ou areligieuses de manière similaire.
Ainsi, la loi de 1905 relative à la séparation des églises et de l’État, interdit par exemple à la puissance publique de financer les lieux de cultes, cette laïcité s’applique aujourd’hui à internet, en effet l’État doit rester neutre et ne pas financer des sites ou des réseaux sociaux sur internet. Toutefois la laïcité reste une limite à la liberté religieuse à condition de remplir une exigence préalable. En effet, il faut l’existence d’un lien entre l’individu et l’État ou l’un de ses démembrements719 dans une situation donnée. Par exemple, le fonctionnaire a un devoir de neutralité confessionnelle dans le cadre de sa mission. La laïcité s’étend de plus en plus dans certains domaines sans liens concrets avec la puissance publique comme par exemple l’univers de l’entreprise720. Néanmoins on constate en France la participation des convictions religieuses aux questions de la société civile, tout en maintenant le respect de la limite de « l’identité de la civilisation occidentale » (A). Cette situation est également visible en Italie avec l’affaire Lautsi721 (B).

L’ exception de « l’ identité de la civilisation occidentale » à la liberté de religion

« L’identité constitutionnelle est une sorte d’arme nucléaire qu’il est bon d’avoir et mieux de ne pas utiliser »722. À cause de sa spécificité, la liberté de religion a des limites similaires à celles des autres libertés fondamentales mais à ces limites s’ajoute une limite supplémentaire, « la civilisation occidentale ». En effet, il existe une limite invisible, qu’on pourrait appeler « l’identité de la civilisation occidentale » ou « l’identité nationale », héritage historique des droits de l’homme. Les exemples en France de l’interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public723 et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur la neutralité confessionnelle montrent cette limite724. Lors du contrôle de constitutionnalité de la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public725 le juge constitutionnel dans la décision du 7 octobre 2010726 a justifié l’interdiction de la dissimulation du visage sur la voie publique et notamment de la Burqa par l’égalité entre l’homme et la femme, et par les nécessités d’ordre public et non par la laïcité727. Par conséquent, à la suite de la lecture du dispositif de cette décision il serait faux d’en déduire qu’il commence à se dessiner dans la jurisprudence constitutionnelle une sorte de limite occidentale.
La conception objective de la dignité. Cette conception, chère à Emmanuel Kant, a été appliquée explicitement par exemple en matière de refus de soins quand le médecin au détriment des convictions de l’individu, lui sauve la vie. Dans l’exemple de la burqa qui est un tissu qui cache le visage de la femme on pourrait penser que cette femme s’exclut des droits humains, voire de l’humanité. Ainsi, il existe une autre limite à la liberté religieuse
initiée par la Cour européenne728. La gardienne européenne des droits de l’homme n’accepte pas la laïcité française ou turque, pourtant elle utilise l’idée de neutralité confessionnelle de l’État pour restreindre la liberté religieuse qui est un droit inscrit dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Cette neutralité confessionnelle n’est qu’une façade au motif qu’elle utilise d’autres principes de la convention comme l’égalité homme-femme pour rendre ses décisions et ce qui permet aux États signataires de la Convention de pouvoir au nom d’une identité nationale restreindre la liberté religieuse.

L’ exception à la neutralité religieuse de l ’État

L’exemple de l’affaire « Lautsi » est la preuve de la limite de l’identité nationale à la liberté de religion729. En l’espèce, dans les écoles italiennes des crucifix sont accrochés sur les murs des salles de classe des étudiants. À la suite d’un recours, la Cour de Strasbourg n’a pas condamné l’Italie pour violation de la neutralité confessionnelle au motif que le crucifix avant d’être un symbole religieux est un symbole « neutre de sens qui s’inscrit dans l’identité nationale italienne ». Cette affaire montre qu’il peut exister une exception à la neutralité religieuse de l’État et qu’elle dépasse la notion de laïcité730. Après ce constat il serait donc faux d’affirmer qu’en Europe toutes les confessions religieuses sont soumises aux mêmes règles de laïcité. Dans la décision du Conseil constitutionnel du 21 février 2013731, le juge constitutionnel a précisé que la laïcité renvoie à un principe d’organisation de la société qui repose sur la séparation de toutes les religions en général et de l’État. La laïcité est en premier lieu un principe de droit politique. Ce principe suppose un idéal d’organisation de la cité et le dispositif juridique qui en rend possible la réalisation concrète. Ce dispositif est celui de la séparation, qui vaut garantie de l’indépendance des pouvoirs publics par rapport à toute tutelle religieuse.

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Conclusion du titre premier

Le droit à la déconnexion d’internet comme prolongement du respect de la dignité humaine. Cette étude est spécifiquement en relation avec la liberté d’expression et de communication et à l’accès à internet, mais dans un souci d’exhaustivité du traitement du sujet de recherche, il a été nécessaire a contrario d’étudier le droit à la déconnexion d’internet. Tout comme le droit à l’accès à internet, le droit à la déconnexion pourrait devenir un droit fondamental constitutionnel. Le droit à la déconnexion semble nécessiter d’être traité au cas par cas, par exemple dans une charte ou dans un accord d’entreprise. Par exemple il s’agit d’affirmer qu’aucun salarié ne peut se voir reproché par un employeur de ne pas avoir été connecté à internet en dehors de ses heures de travail. Il pourrait être nécessaire d’établir un droit à la déconnexion, protecteur de l’ensemble des citoyens. En effet, on est conscients du fait que ce qui est valable pour un salarié du bâtiment, qui n’a pas forcément besoin de ce droit à la déconnexion, ne l’est pas pour un jeune cadre travaillant à distance dans le secteur du numérique. Les personnes travaillant avec les communications numériques, digital natives 733 ont un rapport au temps diffèrent, c’est la réactivité, l’immédiateté et la spontanéité qui comptent, et pouvoir se connecter régulièrement est un gage d’effectivité pour eux. Pour Bruno Meetling, ce qui importe c’est de sensibiliser les employés et les employeurs aux risques de la consultation excessive de leurs messageries professionnelles, de la nécessité de se réserver des périodes sans mails, de façon à respecter le droit au repos quotidien et hebdomadaire des salariés734. Pourtant peut-on obliger les salariés à se déconnecter ? Il ne s’agit pas là de critiquer le recours au numérique dans les échanges professionnels dans nos sociétés modernes, mais il y a véritablement des abus.
Certains salariés ne se déconnectent jamais, ils passent une grande partie de leur quotidien dans le numérique. Par conséquent des dérives existent et elles préconisent la reconnaissance d’un droit à la déconnexion. Malgré les prévisibles contestations et réserves du MEDEF735, ce droit à la déconnexion est envisageable de façon concrète pour protéger notamment les salariés. Une sensibilisation doit être en faveur du « cyber-salarié » pour qu’il puisse parvenir à se déconnecter d’internet. Cependant contraindre à la déconnexion les salariés pourrait être interprété comme une infantilisation du citoyen. En effet, chacun est maître de son libre arbitre, de plus les récentes lois contre le harcèlement au travail sont déjà présentes dans l’arsenal législatif. En tout état de cause, la reconnaissance constitutionnelle d’un droit à la déconnexion serait une avancée dans les droits et des libertés car elle permettrait d’ouvrir une nouvelle protection du citoyen. Tout comme il existe le droit de se taire, il faudrait instaurer un droit à ne pas être sollicité sans cesse par les communications et le « monde » numérique. En effet, les augmentations des exigences professionnelles liées au numérique pourraient encourager le législateur à imposer une obligation à la connexion permanente pour les citoyens.
La liberté d’expression et de communication n’est pas une liberté absolue. Elle peut être limitée pour faire respecter les principes et les droits fondamentaux. Les communications issues de cette liberté et effectuées à travers le numérique peuvent, en substance, avoir plusieurs conséquences positives et négatives dans la vie en société. Dans cette partie de la thèse on a décidé d’étudier dans le titre premier ; le respect du principe de la dignité humaine et la liberté de religion sur internet. Il s’agit d’une thèse en droit constitutionnel, et on a choisi un principe fondamental et une liberté fondamentale qui parfois sont en friction avec la liberté d’expression et de communication. Ainsi on a choisi d’étudier le respect de la dignité humaine et la liberté de religion. Cependant on est conscients que d’autres droits et libertés fondamentaux, ainsi que des nouvelles questions et défis sont primordiaux et sont renouvelés par le numérique. Certaines nouvelles pratiques liées à internet et au numérique ont considérablement augmenté les atteintes à la personne, à la dignité humaine. La liberté de communication sur internet n’est pas sans limites, elle contient des dangers, et elle implique le respect de la dignité humaine. S’il est vrai que dans le contexte français le droit d’accès à l’internet a été reconnu sur la base du droit à la libre expression, il est vrai aussi que le droit d’accès à l’internet n’est pas seulement un moyen d’exercer la liberté d’expression et il comprend le droit de pratiquer librement la religion.
L’utilisation de la communication numérique pouvant être le moyen pour la commission d’infractions, apparait la nécessité de régulation d’internet. Notre civilisation applique un double principe, subjectif et objectif, issu de la dignité humaine.
En effet, pour Emmanuel Kant, la dignité humaine est double. Tout d’abord, il y a la dignité subjective qui se rapproche de l’idée que l’être humain n’est pas une chose. Puis une dignité objective liée à l’idée d’un devoir de la société d’empêcher l’homme de s’exclure de l’humanité. Le constitutionnalisme d’aujourd’hui ne se limite plus à poser les principes fondamentaux de l’État, à dresser un catalogue des droits et libertés fondamentaux reconnus, à définir le statut et les compétences des institutions publiques les plus importantes et à préciser de quelle manière la Constitution peut être révisée. Il en vient à régir pratiquement tous les aspects de la vie juridique à telle enseigne que l’on peut avoir le sentiment qu’il n’y a plus de bornes à l’extension de son domaine : tout peut être l’objet de règles constitutionnelles. Ce constat apparaît applicable à la problématique de notre recherche, l’éventuelle nécessité de constitutionnalisation des droits fondamentaux numériques. On pense que l’extension et le renouveau du droit constitutionnel à l’ère du numérique implique la reconnaissance (textuelle) de l’obligation de respecter la dignité de la personne humaine dans les communications numériques. En outre, ce nouveau droit permettrait une plus grande effectivité dans la protection par le juge judiciaire et par le juge administratif du citoyen. En somme le respect de la dignité de la personne humaine est un principe à la base de tous les droits fondamentaux même ceux intéressant le numérique.

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