Le dommage écologique au tribunal mise en forme stratégique de la requête et prise en compte par le tribunal

Le dommage écologique au tribunal mise en forme stratégique de la requête et prise en compte par le tribunal

Le chapitre précédent montre que l’idée de préjudice écologique fonde des critiques radicales du dispositif de gestion et parvient à susciter des évolutions du régime international d’indemnisation. Ces évolutions sont néanmoins insuffisantes au regard des attentes de certains acteurs, visant davantage de dissuasion et la reconnaissance juridique des dégradations de l’environnement. Pour forcer des évolutions plus satisfaisantes de la gestion des marées noires, ces acteurs engagent une démarche judiciaire. Ces tentatives de reconnaissance du préjudice écologique par la voie judiciaire se concrétisent par des stratégies variées qui, en particulier, valorisent et qualifient différemment la dégradation de l’environnement et les atteintes consécutives. Nous questionnons dans ce chapitre les manières dont ces démarches se construisent et proposent de qualifier le dommage écologique. Nous nous intéressons en particulier à la mise en forme du dommage écologique pour sa défense au tribunal et montrons qu’elle procède de choix stratégiques, articulant une dimension d’action en plan (visant l’atteinte d’un objectif de changement) et l’horizon politique et moral de l’action revendicative. Une première partie de ce chapitre dresse l’état de la situation au démarrage de la procédure judiciaire dans les affaires de l’Amoco Cadiz et de l’Erika. Elle porte sur les objectifs initiaux des parties civiles, les difficultés de la requête au titre du préjudice écologique, les exigences de l’épreuve judiciaire. Nous montrons que la scène judiciaire est saisie aussi comme une arène de débat politique et comment s’articulent cette dimension en généralité et le traitement objectivé du cas concret de marée noire. Nous nous intéresserons aux déterminants des choix des parties civiles dans l’élaboration de leur requête en matière de définition du préjudice et de méthode d’évaluation de ce préjudice. Une seconde partie s’attache à la scène même du tribunal : nous analysons les manières dont les impacts de la marée noire sur l’environnement sont démontrés, justifiés, qualifiés juridiquement et évalués. Nous montrons que deux grandes voies d’argumentation du préjudice environnemental sont mobilisées au tribunal, selon que la requête défend la valeur de la Nature ou l’intensité des attachements d’hommes à l’environnement. Nous concluons sur la manière dont ces requêtes d’un nouveau genre sont saisies par le tribunal et questionnerons les raisons de leur prise en compte.

LE ROLE ATTRIBUE AU PROCES PAR LES ACTEURS DE CHANGEMENT : « CHANGER LE DROIT » Favoriser la reconnaissance du préjudice écologique des marées noires, pour sa prise en compte par les dispositifs de gestion au titre des réparations suppose pour les acteurs de construire ou renforcer la légitimité du dommage écologique (en termes politiques et moraux) et de convaincre le décideur et le législateur (dans le plan), de sorte à susciter le changement profond et pérenne de la gestion. L’enjeu est de faire changer le Droit en matière de dommage écologique pour répondre à l’évolution des valeurs sociétales et en particulier de la sensibilité environnementale : « Après plus de trente ans de sinistres divers, ce qui me frappe le plus c’est qu’aucune loi, aucun tribunal n’est encore en mesure d’estimer la valeur écologique et paysagère d’un site, d’apprécier financièrement les dommages causés à « Nous sommes, en tant que partie civile, devant un tribunal correctionnel.

Et nous réclamons un dommage causé par les personnes renvoyées devant ce tribunal. En conséquence, il faut définir les responsabilités sanctionnables par le Droit pénal. Et établir l’ensemble des préjudices supportés par la LPO, qui sont : le préjudice matériel, non indemnisé par le Fipol, le préjudice statutaire moral de la LPO et le préjudice dit écologique, c’est-à-dire l’atteinte à l’environnement. Quand un chasseur tue une espèce protégée, même par « accident », il encourt 9000 € d’amende et six mois de prison. Lorsque 150 000 oiseaux protégés sont touchés, on reste Avec la mise à l’agenda, les acteurs élaborent la montée en généralité du cas de marée noire (Amoco Cadiz, Erika, Prestige, etc.) pour interpeller la gestion qui est faite de cet enjeu général et commun, de la même manière que l’ont fait les controverses publiques qui ont eu lieu suite à la marée noire. En effet, qu’il s’agisse de faire évoluer le FIPOL ou de susciter la reconnaissance formelle du préjudice écologique par le Droit national, les évolutions du dispositif de gestion doivent être sollicitées et orientées par ses décideurs, c’est-à-dire l’État (pour le FIPOL) et le législateur pour le Droit national. Le législateur représente donc la principale ressource identifiée pour amener les changements attendus, il est la principale cible des messages critiques et des espoirs lancés dans la rue, dans les rapports, dans les tracts, dans les communiqués de presse, mais aussi dans les requêtes. En revanche, les actions judiciaires s’adressent en premier niveau au Juge en tant qu’instance de la reconnaissance jurisprudentielle, première étape sans doute nécessaire pour changer ultérieurement le cadre législatif de la gestion du transport maritime pétrolier.

 

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