Le dimensionnement des fibres cristallines
Spectroscopie de l’ion erbium dans le YAG
L ’un des principaux intérêts de l’erbium se trouve dans les transitions électroniques entre le niveau 4 I13/2 et le niveau fondamental 4F15/2 (fig. 1.4, reproduite en fig. 2.1 par soucis de lisibilité), où à l’aide d’un pompage à 1470 nm ou à 1532 nm, une émission à 1617 nm ou à 1645 nm est possible (fig. 1.5, reproduite en fig. 2.2). Ainsi, à partir d’une diode laser autour de 1,5 µm, une émission à sécurité oculaire peut être obtenue à l’aide d’un seul étage optique.Dans cette configuration, l’ion erbium présente une architecture trois-niveaux. Ses sections efficaces d’absorption et d’émission (fig. 2.2) ont alors les particularités suivantes (cf. annexe Énergie stockée et énergie extractible pour le détail mathématique) :
- À la longueur d’onde de pompe, la section efficace d’émission n’est pas négligeable devant la section efficace d’absorption. Ainsi, la densité d’inversion de population est limitée par l’émission stimulée à la longueur d’onde de pompe, limitant aussi le gain dans le cristal et l’énergie qui y est stockée. Ce phénomène se retrouve aussi dans les cristaux dopés à l’ytterbium, dont l’inversion de population maximale est d’environ 40% lorsqu’ils sont pompés autour de 980 nm. • À la longueur d’onde laser, la section efficace d’absorption n’est pas négligeable devant la section efficace d’émission. Ainsi, le signal laser est absorbé par le cristal si l’inversion de population n’est pas suffisante. Autrement dit, une partie de la puissance de pompe absorbée par le cristal ne sert qu’à atteindre le seuil de transparence. Cette énergie absorbée n’est pas extractible en sortie de cavité. Ces limitations font de ce cristal un milieu à gain relativement peu efficace. Dans le cas d’un pompage par laser à fibre, des efficacités optique-optique autour de 40% et des seuils d’oscillation laser autour de 5 W sont généralement démontrés [Kim2008, Stoneman2007, Stultz2005] en régime continu. Lorsque le faisceau de pompe est issu de diodes laser, ces valeurs chutent à 20% et à 25 W respectivement [Martial2011, Wang2012]. La figure 2.2 met en avant la capacité de l’erbium à générer une radiation laser à 1645 nm et à 1617 nm. Sans élément spectralement sélectif présent dans la cavité (étalon, absorbant saturable, miroir résonnant, etc.), l’émission laser a généralement lieu à 1645 nm. Pour comprendre cette préférence de longueur d’onde, il faut calculer la section efficace de gain σg, en notant σe et σa les sections efficaces respectives d’émission et d’absorption à la longueur d’onde considérée, et β = n1/(n1 + n0) le paramètre d’inversion de population, n0 et n1 étant les densités de population des niveau 4 I15/2 et 4 I13/2 respectivement : σg = β · σe − (1 − β) · σa (2.1) Le tracé de σg à 1645 nm et à 1617 nm en fonction de β (fig. 2.3) permet plusieurs observations : • On retrouve la nécessité d’obtenir une certaine inversion de population rien que pour obtenir la transparence du cristal (section efficace de gain nulle) à la longueur d’onde laser. Elle doit être d’au moins 9% à 1645 nm et d’au moins 15% à 1617 nm. • Pour un paramètre d’inversion inférieur à 33%, le gain est plus important à 1645 nm. Ainsi, si les pertes passives de la cavité sont suffisamment faibles pour que la source laser démarre sur une faible valeur de section efficace de gain (<1,5.10−21 cm2 ), alors la longueur d’onde émise est de 1645 nm. • Une radiation laser à 1617 nm peut s’obtenir s’il y a suffisamment de pertes dans la cavité. Dans le cas où la section efficace de gain doit être supérieure à 1,5.10−21 cm2 pour démarrer l’oscillation laser, alors l’émission laser aura lieu à 1617 nm.
Description de la simulation
Vue d’ensemble
Une méthode de simulation numérique de lasers solides à cristaux quatre niveaux, pompés par diode et déclenchés activement a été présentée dans la littérature [Wohlmuth2009]. Ces travaux ont servi de base de travail, et ont été adaptés pour les cristaux Er:YAG et un déclenchement passif. Ceci revient entre autre à inclure la réabsorption du signal laser, l’émission stimulée à la longueur d’onde de pompe, et à insérer des pertes qui dépendent du nombre de photons présents dans la cavité (cf. 2.2.9) à la place d’une dépendance purement temporelle utilisée pour simuler le déclenchement actif. L’objectif des simulations numériques est d’évaluer l’énergie et le profil temporel des impulsions, ainsi que la cadence du signal en sortie de cavité dans le cas du déclenchement passif. Pour cela, plusieurs étapes sont nécessaires (fig. 2.4 et 2.5) : • Tout d’abord, il faut décrire la répartition spatiale du faisceau de pompe dans la fibre 35 cristalline. Cette répartition dépend de la diode laser fibrée utilisée, et du guidage du faisceau par réflections totales internes. La simulation se base sur le lancer de rayons de manière à obtenir l’intensité du faisceau de pompe en chaque point du cristal (étape 1). • L’absorption de la pompe est ensuite calculée en fonction de l’inversion de population dans chaque tranche du cristal (étape 2). Cette étape est effectuée à plusieurs reprises (environ 10 fois par cycle de pompage entre les impulsions) pendant le pompage optique de manière à prendre en compte la saturation de l’absorption de la pompe. En effet, lorsque l’inversion de population est maximale dans un volume élémentaire, alors le faisceau de pompe le traverse sans y être absorbé. Il peut donc servir à exciter les ions présents dans un volume situé plus loin dans le cristal. Cette étape permet de connaître l’intensité de la pompe Ip en ph.m−2 .s−1 en chaque point du cristal. • Dans notre modèle, on suppose que le dépôt de chaleur ne provient que de l’absorption du faisceau de pompe. Ainsi, à partir de l’absorption de la pompe, on peut déduire la quantité de chaleur générée en chaque point du cristal puis la carte de température du cristal (étape 3). Dans la simulation, la thermique n’a d’effet que sur les valeurs des sections efficaces ; les effets de la lentille thermique ne sont pas pris en compte. • Le système d’équations de débit (cf. 2.2.3) est résolu en l’absence d’intensité laser Il , soit pendant un temps donné (déclenchement actif ), soit jusqu’à ce que le gain du cristal surpasse les pertes totales de la cavité (déclenchement passif ) (étape 4). On obtient alors les densités des population ni pour estimer la saturation d’absorption et la nouvelle répartition de l’intensité de pompe, ainsi que pour démarrer la résolution du système avec une intensité laser Il non nulle. • La simulation calcule l’évolution temporelle du nombre de photons dans la cavité (étape 5) dont on en déduit l’énergie et la durée des impulsions en sortie de cavité (étape 6). Le cristal est ensuite à nouveau pompé sans effet laser (étape 4) à partir de son état énergétique après l’impulsion laser. Cette boucle est répétée jusqu’à ce que l’énergie (et la cadence de répétition dans le cas du déclenchement passif ) des impulsions se stabilise.
Géométrie
De manière à réduire le temps de calcul de la simulation, on utilise la géométrie cylindrique de la fibre cristalline et du faisceau de pompe pour ramener la description spatiale des différentes variables du cristal à des matrices 2D (fig. 2.6). Il faut noter qu’un pixel (un coefficien de la matrice) ne représente pas le même volume en fonction de sa distance au centre de la fibre. Les différentes manipulations de grandeurs physiques qui peuvent intervenir pendant la simulation doivent prendre en compte cet aspect.
Équations de débit
La dynamique d’un milieu à gain laser est représentée par les équations de débit, qui décrivent l’évolution temporelle des différentes densités de population au sein du cristal. Pour notre modélisation d’un cristal Er:YAG, le niveau fondamental 4 I15/2 et les trois premiers niveaux excités, 4 I13/2, 4 I11/2 et 4 I9/2 sont considérés. Leur densité de population sont respectivement notés n0, n1, n2 et n3 (en m−3 ). Les niveaux n3 et n2 sont peuplés par le phénomène d’upconversion (cf. annexe Upconersion), et se vident par désexcitation radiative (émission d’un photon) ou non radiative (émission de chaleur). La réabsorption du signal et l’émission stimulée à la longueur d’onde de pompe sont des phénomènes importants dans l’Er:YAG et doivent être pris en compte dans les équations de débit. La figure 2.7 résume graphiquement le formalisme et les différents phénomènes physiques retenus pris en compte dans la simulation. On note les variables physiques suivantes : • Rij les débits spontanés incluant les contributions des désexcitations radiatives et non radiatives du niveau i vers le niveau j, en s −1 , • kup le coefficient d’upconversion, en m3 .s−1 (cf. annexe Upconersion), • Ip et Il les intensités de pompe et signal, en m−2 .s−1 , • σ∗∗ les sections efficaces d’absorption et d’émission à la longueur d’onde de pompe et du signal, en m2