Le diabète et ses complications

Le diabète et ses complications

Définition, manifestations et épidémiologie 

Le diabète se définit comme un désordre métabolique, de différentes étiologies, caractérisé par une hyperglycémie chronique incluant un trouble du métabolisme des glucides, des lipides et des protéines. Plusieurs processus pathogéniques sont impliqués dans son développement dont la destruction des cellules bêta du pancréas qui produisent l’insuline, résultant en une carence en insuline subséquente, et d’autres processus, qui résultent en la résistance à l’action de l’insuline. Les anomalies du métabolisme sont donc dues à l’action déficiente de l’insuline sur des tissus cibles tels le foie, les muscles et les tissus adipeux. Il en résulte alors une insensibilité ou un manque d’insuline. Il y a donc des personnes atteintes de diabète de type 1 (diabète insulinodépendant ou juvénile), qui est caractérisé par une production insuffisante d’insuline, et d’ autres de diabète de type 2 (diabète non-insulinodépendant ou sucré), qui se caractérise par une mauvaise utilisation de l’insuline par l’organisme et la résistance à cette dernière (Alberti & Zimmet, 1998). Le diabète de type 2 représente 90 % des cas de diabète dans le monde et c’ est celui qui concerne la majorité des patients inclus dans les deux premiers projets de cette thèse (Zaccardi, Webb, Yates, & Davies, 2016). Par définition, une personne atteinte de diabète a une glycémie à jeun plus grande ou égale à 7,0 mmol/L (126 mg/dl) ou une hémoglobine glyquée plus grande ou égale à 6,5 % (48 mmol/mol), et ce, en l’ absence d’un traitement antidiabétique (American Diabetes Association, 2016). D’ ailleurs, les premières normes de diagnostic ont été préconisées pour cette thèse en considérant l’ étendue des années de publication pouvant être incluses dans la recherche systématique des études (National Diabetes Data Group, 1979; Punthakee, Goldenberg, Katz, & Diabetes Canada Clinical Practice Guidelines Expert Committee, 2018). Finalement, le diabète gestationnel qui se définit par un diabète transitoire pendant la grossesse n’ est pas ciblé dans la population de la thèse. Cependant, les femmes atteintes de ce type de diabète ont plus de risques d’avoir un diabète de type 2 à un stade ultérieur de leur vie (Bellamy, Casas, Hingorani, & Williams, 2009).

Du point de vue des manifestations du diabète, plusieurs signes et symptômes non spécifiques peuvent caractériser une personne atteinte de diabète de type 1 ou 2 comme la soif, la polyurie, des troubles de la vision, des fourmillements aux membres supérieurs et inférieurs et une perte de poids. Les complications à court terme les plus graves du diabète sont une acidocétose métabolique ou bien un état hyperosmolaire sans acidocétose et cela peut conduire au coma et même à la mort rapidement (Alberti & Zimmet, 1998). En outre, le diabète entraine de nombreuses complications à long terme sur les différents systèmes du corps humain. Souvent, les symptômes sont subtils voire même absents, et par conséquent, l’hyperglycémie non détectée provoque des changements pathologiques et fonctionnels des tissus ou organes pendant un certain temps et parfois, avant même que le diagnostic de diabète ne soit posé. Ainsi, environ 46 % des cas de personnes atteintes de diabète ignorent leur diagnostic (Beagley et al., 2014). Les personnes atteintes de diabète ont donc un risque accru de maladies cardiovasculaires, de maladies périphériques vasculaires et d’ accidents vasculaires cérébraux (Alberti & Zimmet, 1998; American Diabetes Association, 2015, 2016; AssaI & Groop, 1999). Les effets à long terme de cette hyperglycémie incluent des complications microvasculaires comme la microangiopathie, intimement liée au développement progressif de la rétinopathie, qui peut mener à une cécité ou la néphropathie qui peut entrainer une insuffisance rénale et de la neuropathie, caractérisée par la perte de sensation au niveau des membres inférieurs. Cette dernière complication au niveau des pieds augmente les risques d’UPD, d’AMI et est un des éléments déclencheurs de la neuroarthropathie de Charcot (NC) (Boulton, 2013; Frykberg & Belczyk, 2008). Ces complications seront abordées en profondeur dans les paragraphes qui suivent. Elles constituent les résultats pour la santé étudiés qui sont au cœur de la problématique de recherche liée à la physiopathologie du pied diabétique à risque (Boulton, 2013). De plus, l’ hyperglycémie est à la base du problème de la cicatrisation chez les personnes atteintes de diabète avec une UPD et même post-AMI (Blakytny & Jude, 2006).

Du côté épidémiologique, le diabète est une maladie chronique causée par des changements environnementaux, de croyances et d’habitudes de vie qui, conjointement à la problématique de l’ obésité, entrainent une croissance du nombre de cas (Ogurtsova et al., 2017; Wild, Roglic, Green, Sicree, & King, 2004; World Health Organization, 2016; Zirnmet et al., 2001). La prévalence mondiale en 2010 était estimée à 6,4 % chez les adulte âgés entre 20 et 79 ans et atteindra environ 7,7% en 2030 (Shaw, Sicree, & Zirnmet, 2010). Au Canada, cela représentait une prévalence ajustée selon l’ âge et le sexe de 9,2 % en 2010 et celle-ci atteindra 10,9% en 2030 (Lipscombe & Hux, 2007; Pelletier, Dai, Roberts, & Bienek, 2012; Shaw et al., 2010). Une population vieillissante et de plus en plus sédentaire ainsi que l’ immigration en augmentation sont tous des facteurs qui contribuent à la hausse de la prévalence du diabète dans la société canadienne. En effet, le diabète affecte certaines ethnies plus que d’ autres (Abate & Chandalia, 2003; Creatore et al., 2010; Roberts, Rao, Bennett, Loukine, & Jayaraman, 2015). Cette hausse se reflète également par l’ augmentation de problèmes de santé qui découlent du diabète, notamment l’UPD et l’AMI (Imam, Miller, Finlayson, Eng, & Jarus, 2017; Ohinmaa, Jacobs, Simpson, & Johnson, 2004).

La physiopathologie du pied diabétique à risque 

Tel que mentionné dans la section précédente, les personnes atteintes de diabète sont à risque de développer des complications secondaires à l’hyperglycémie au cours de leur vie, surtout sans diagnostic ou avec un diagnostic tardif et un contrôle glycémique inadéquat (Muggeo, 1998; Nalysnyk, Hernandez-Medina, & Krishnarajah, 2010; Stolar, 2010). La présente thèse s’ intéresse particulièrement aux complications aux niveaux des pieds et du membre inférieur menant principalement à l’UPD et l’AMI (Dewi & Hinchliffe, 2019; Frykberg et al., 2006). L’ensemble de ces complications sont les résultats de la physiopathologie du pied diabétique à risque (Boulton , Kirsner, & Vileikyte, 2004; Krasner, Rodeheaver, Sibbald, & Woo, 2012). Le terme « pied diabétique à risque» définit les pieds des personnes atteintes de diabète qui ont un risque accru pour l’UPD associée avec la neuropathie diabétique périphérique (NDP) avec ou sans une maladie périphérique vasculaire (MPV) (Armstrong & Lavery, 1998a; Bakker et al., 2016; Boulton, 2013). La physiopathologie du pied diabétique à risque sera en premier lieu détaillée pour une compréhension approfondie. Cette cascade physiopathologique complexe mène à l’UPD et à l’AMI et permet d’identifier les facteurs de risque et de comorbidités.

Tout d’abord, une NDP est l’ endommagement des nerfs périphériques secondaire à l’hyperglycémie chronique engendrée par le diabète provoquant, avec le temps, des anomalies métaboliques et vasculaires et des troubles de la conduction nerveuse (Duby, Campbell, Setter, & Rasmussen, 2004). De plus, des nouvelles études démontrent qu’il y a une prédisposition génétique à l’installation de la NDP chez les personnes atteintes de diabète (Prabodha, Siri sena, & Dissanayake, 2018). L’ électromyogramme et la mesure de la vitesse de conduction nerveuse permettent de faire état de l’ atteinte des fibres nerveuses de grands diamètres (Dyck et al., 2011; Olaleye et al., 2001). Cependant, l’atteinte des fibres de petits diamètres des nerfs sensitifs au niveau des pieds est principalement diagnostiquée à l’ aide de l’anamnèse (sensation de fourmillements, de picotements, d’engourdissement, de douleur, de chaleur ou de fatigue aux membres inférieurs) et par des tests physiques comme le test au monofilament 10 grammes Semmes Weinstein et le test à la vibration (avec diapason de 128 Hertz) (Dros, Wewerinke, Bindels, & van Weert, 2009; Feng, Schlosser, & Sumpio, 2009; Jayaprakash et al., 2011; Gin , Rigalleau, Baillet, & Rabemanantsoa, 2002; Miranda-Palma, Sosenko, Bowker, Mizel , & Boulton, 2005; Olaleye, Perkins, & Bril, 2001; Perkins et al., 2010; Raccah, 2008; Said, 2007). Plusieurs types d’atteintes de NDP ont été décrits selon la topographie et la présentation : la polyneuropathie distale périphérique, la neuropathie motrice symétrique et la neuropathie focale et multifocale (Brown & Asbury, 1984). Le terme NDP sera le terme employé à partir de maintenant et englobe les fonctions sensitive, motrice et autonome de la NDP. La NDP touche environ 28 % de toutes les personnes atteintes de diabète, mais est présente chez au moins 90 % des personnes présentant une UPD ou ayant eu un épisode. De ce pourcentage, environ 50 % des cas sont dits mixtes, ce qui veut dire qu’une MPV est concomitante avec la NDP dans la physiopathologie du pied diabétique à risque (Dyck et al., 1993; Gregg et al., 2004; Tesfaye et al., 2010). La NDP sensitive est la plus répandue et se caractérise par une anomalie des sensations et/ou une perte totale ou partielle de la sensation protectrice de la douleur, de la pression et de la température. Cela résulte en une incapacité à détecter un traumatisme mineur ou des microtraumas répétitifs engendrés par un corps étranger, une brûlure ou alors une pression occasionnée par une callosité ou le frottement excessif d’ une chaussure, pour ne nommer que ces exemples. Cela peut engendrer une perte de tissu local et le début de la cascade vers une UPD considérant le processus de cicatrisation altérée chez les personnes atteintes de diabète (Jeffcoate & Harding, 2003; Tesfaye, 2018; Tesfaye et al., 2010). De plus, bien que généralement indolore, une douleur peut être associée avec la NDP sensitive manifestée par des paresthésies, soit des sensations de brûlures et de picotements aux membres inférieurs qui contribuent aux risques de développer une UPD. Ainsi, la personne n’ est plus en mesure de distinguer la douleur neuropathique du traumatisme mineur (Barrett et al., 2007; Tesfaye, 2018). La douleur neuropathique est présente chez environ 30 % des personnes présentant une NDP sensitive. La NDP sensitive peut ou non s’ accompagner d’ une douleur, tout dépendant de la durée du diabète, de l’ âge, du contrôle glycémique ainsi que de la présence du tabagisme (Davie s, Brophy, Williams, & Taylor, 2006). Concernant la NDP motrice, elle s’ étend aux muscles et entraine une dénervation des muscles intrinsèques du pied résultant en une atrophie musculaire causant des déformations comme les orteils marteaux et la proéminence plantaire des têtes métatarsiennes ou encore d’ autres déformations impliquées dans la neuroarthropathie de Charcot (NC) (Armstrong & Lavery, 1998b; Fernando et al., 2013). Cela mène à des points de pression accrus et inadéquats, accélérant ainsi la formation de l’UPD à des points précis (Boulton, 2013 ; van Schie, Vermigli, Carrington, & Boulton, 2004). Les déformations du membre inférieur au niveau des pieds sont plus fréquentes dans la population atteinte de diabète; celles-ci se chiffrent à une personne sur trois comparativement à environ une personne sur cinq chez la population générale (Gregg et al., 2004; Ledoux et al., 2005). Finalement, la NDP autonome s’ attaque spécifiquement au système nerveux autonome. Ceci entraine un trouble de la vasorégulation et une altération de l’intégrité de la peau créant : (i) une dysfonction des glandes sudoripares, (ii) une xérose plantaire propice à la formation de fissures et de crevasses et (iii) des sites vulnérables à l’ entrée de pathogènes et à l’ infection (Boulton, 2013 ; Bowering, 2001 ; Murray, Young, Hollis, & Boulton, 1996). Cela résume donc la description des atteintes nerveuses qui sont souvent concomitantes avec des atteintes vasculaires comme la MPV.

Table des matières

Introduction
Chapitre 1. Contexte théorique
Mise en contexte et problématique
But de la recherche
Questions de recherche et objectifs
Hypothèses de recherche
Hypothèse principale
Hypothèses secondaires
Chapitre 2. Recension des écrits
Section 1. Le diabète et ses complications
Définition, manifestations et épidémiologie
La physiopathologie du pied diabétique à risque
L’ulcère plantaire diabétique
L’amputation au membre inférieur
La neuroarthropathie de Charcot
La mortalité
Caractéristiques des patients à risque
Facteurs sociodémographiques
Âge
Genre
Éducation et littératie en santé
Statut conjugal et cohabitation
Ethnie
Facteurs reliés à la santé
Caractéristiques de l’UPD
Diabète: type, durée et contrôle
Difformités au niveau des pieds
Infection
Historique d’UPD et d’ AMI
Neuropathie diabétique périphérique (NDP)
Maladie périphérique vasculaire (MPV) et risque cardiovasculaire
Néphropathie
Obésité et habitudes de vie
Rétinopathie
Tabagisme
Qualité de vie, attentes et préférences
Effets reliés aux complications sur le système de santé
Section 2. Prise en charge et cheminement thérapeutique
Stratégies de prévention et d’éducation
Stratégie de stratification de la population à risque pour la prise en charge
Stratégie de prise en charge des pressions plantaires
Stratégies chirurgicales
Stratégies de soin de plaies et contrôle de l’infection
Préparation optimale du lit de la plaie
Pansements
Contrôle de l’infection locale et systémique
Modalités adjuvantes au soin de plaies
Stratégie de prise en charge en ÉMD
Définition et terminologies
Historique et but de l’ÉMD pour l’UPD
Organisation des ÉMDs
Section 3. Les interventions podiatriques
Le podiatre : sa formation et son champ d’exercice
États des connaissances sur l’effet des interventions podiatriques
Aspect d’accessibilité
Aspect financier
Aspects de prise en charge pour le podiatre seul
Aspect de prise en charge pour le podiatre en ÉMD
Aspect des résultats pour la santé
Aspect collaboratif
Section 4. Cadre de référence et d’analyse
Modèle intégré de prévention et de gestion des maladies chroniques
Cadre d’analyse des résultats pour la santé
Cheminement thérapeutique
Caractéristiques des patients
Caractéristique du système de santé
Environnement
Lacunes et disparités
Chapitre 3. Méthodologie
Première étude
Rationnelle
Objectif
Devis expérimental
Approche statistique
Deuxième étude
Rationnelle
Objectifs
Devis expérimental
Approche statistique
Troisième étude
Rationnelle
Objectifs
Devis expérimental
Approche statistique
Chapitre 4. Résultats de la première étude
Abstract.
Introduction
Methods
Research question and inclusion/exclusion criteria
Search strategy
Data collection, extraction and management..
Assessment of risk of bias in included studies
Measures oftreatment effects and synthesis
Subgroup Analysis
Results
Literature search
Description of included articles
Primary outcomes
Secondary outcomes
Risk of bias assessment of included studies
Discussion
Clinical significance
Literature comparison and findings
Limitations and strengths
Conclusion

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