Le développement tumoral ovarien au sein du microenvironnement péritonéal

Les cytokines permettent un dialogue entre les cellules tumorales et stromales 

La relation entre chimiokines et cellules cancéreuses semble être d’une importance de premier plan. Les chimiokines sont impliquées dans la croissance tumorale [88], dans l’angiogénèse [89], dans la réponse de l’hôte contre les cellules cancéreuses [90] et peuvent favoriser l’évolution des métastases en agissant directement sur la migration et l’invasion des cellules cancéreuses [91, 92]. Les chimiokines sont de petits peptides secrétés qui contrôlent l’adhésion et la migration transendothéliale des leucocytes, particulièrement durant la réponse inflammatoire [93]. Elles sont composées de 4 groupes : CC, CXC, C et CX3C, selon la position de leur résidu cystéine NH2-terminal et sont liées à un récepteur à 7 domaines transmembranaires couplé à une protéine G. Il existe de forts arguments pour penser que l’infiltration et la croissance des cellules cancéreuses est régulée par les chimiokines dérivées des tumeurs [94, 95].
En plus des effets des cytokines sur les cellules tumorales classiquement décrits, de nombreux auteurs se focalisent maintenant sur le rôle de premier plan de ces cytokines permettant un véritable dialogue entreles cellules tumorales épithéliales et les cellules stromales. Ces dernières sont en effet modifiées par l’environnement pro-inflammatoire ou « nuage cytokinique » mis en place par les cellules tumorales [96]. Le but de ce paragraphe n’est pas de citer de manière exhaustive toutes les cytokines connues mais de mettre en lumière les principales cytokines étudiées dans cetravail de thèse.

CXCL12 (SDF1) 

Les cellules épithéliales tumorales des tumeurs ovariennes expriment fortement CXCL12 (SDF1). Contrairement à l’effet anti-tumoral de certaines chimiokines, SDF-1 permet dans les tumeurs solides d’augmenter lerecrutement de cellules dendritiques plasmacytoïdes qui inhibent l’activité anti-tumorale des lymphocytes T (production d’IL10 et inhibition de la production d’IFN) [97]. Par ailleurs, SDF-1 joue un rôle important dans la tumorigénèse ovarienne. In vitro, il a été montré que SDF-1 stimulait la multiplication des cellules tumorales ovariennes, la production d’ARN messagers du TNFα et la migration des cellules tumorales [98]. Krycezek et al. ont montré que l’hypoxie dans un modèle tumoral d’adénocarcinome ovarien induisait une production importante de CXCL12 (SDF-1) et de VEGF.
Ces deux facteurs forment un axe angiogénique synergique pouvant induire une angiogénèse in vivo [99].
Dans un modèle de cancer de prostate, il a été montré que SDF-1 augmentait l’expression de CXCR4 par le biais d’une activation de NF-kB ainsi que de la voie de signalisation des MAPK kinases MEK et ERK. Cette augmentation d’expression de CXCR4 est à l’origine d’une augmentation de l’adhésion à des cellules endothéliales de veine ombilicale humaine et à une migration transendothéliale des cellulles cancéreuses [100]. En outre, il semblerait que dans les carcinomes épithéliaux, la migration des cellules carcinomateuses induite par SDF-1 passe par l’activation d’Akt [101]. Cette activation de la voie Akt se ferait en fait par l’intermédiaire de la phosphorylation du recepteur de l’EGF dont la partie intra-cellulaire est liée à ces kinases [102]. Orimo et Weinberg montrent dans le cancer du sein que la secrétion de SDF-1 par les fibroblastes associés à la tumeur augmentent la croissance et l’angiogénèse des tumeurs mammaires [103].

IL6 et IL8 

L’IL6 et IL8 ont également déjà été étudiées dans le cancer du sein ou Ginestier montre leur implication dans le développement des cellules souches de cancer (CSC) [96, 106]. En effet, il existe un dialogue entre la cellule cancéreuse et sa niche dont des types cellulaires comme les fibroblastes ou les cellules souches mésenchymateuses (MSC) [96]. Ces dernières sont recrutées dans la moelle par l’intermédiaire d’un chimiotactisme médié par l’IL6 et permettent un renouvellement des CSC [96, 107]. Liu montre le dialogue médié par les cytokines existent entre les MSC et les cellules tumorales. L’IL6 et l’IL8 tiennent un rôle prépondérant dans ce dialogue en permettant l’autorenouvèlement des CSC (Figure 13). Il est interessant de noter que pour dans ce travail, c’est l’IL6 qui permet le recrutement des MSC au sein des tumeurs mammaires et empeché par l’inhibition du recepteur de l’IL6 dans les MSC. Enfin, Ginestier montre que l’inhibition du récepteur de l’IL8 permet de depleter la populaon des CSC et d’induire une mort cellulaire des autres cellules [106].  Dans le cancer de l’ovaire il a été montré que la transformation des MSCs en fibroblastes associés à la tumeur était induit par l’acide lysophosphatidique (LPA) présent dans le microenvironnement tumoral ovarien [108]. C’est ce meme LPA qui va induire une secretion d’IL6 et IL8 dans l’environnement tumoral qui vont entrainer à leur tour une augmentation de la mobilité des cellules tumorales ovariennes [109]. Cette observation va dans le meme sens que celle de Spaeth et coll. qui montrent une augmentation de la coissance tumorale ovarienne sous l’effet de l’IL6 secrété après transformation des MSCs en fibroblastes associés à la tumeur [110].
Enfin, une équipe française a elle décrit l’influence des adipocytes transformés par les cytokines inflammatoires secrétées au contact des tumeurs mammaires, avec en particulier le rôle central de l’IL6 permettant d’augmenter les capacités pro-invasives des cellules tumorales mammaires[40].
Ces données vont donc toutes dans le même sens et mettent en évidence d’une part le rôle de médiateur central de l’IL6 et de l’IL8 entre les cellules tumorales ovariennes et les MSC. D’autre part, il ressort de l’IL6 une influence pro-tumorale claire en augmentant le recrutement des MSC, la croissance et la mobilité tumorale. Ces données font de l’IL6 et IL8 de bons candidats dans l’étude des interactions OCC – MSC.

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Les autres cytokines 

Nous avons vu précédemment que le recrutement des MSC dans le cancer du sein était médié par l’IL6. Dans le cancer de l’ovaire, ce recrutement semble lié à une secrétion de LL37 (leucine, leucine-37) dans le microenvironnement tumoral ovarien [111]. Une fois recrutées, l’influence des MSC sur les cellules cancéreuses passe par la sécrétion de nombreuses cytokines. Dans le cancer du sein, Karnoub et coll. avaient montré l’importance de CXCL5 (Rantes) secrété par les MSC dans la dissémination métastatique des cellules tumorales mammaires [112]. Dans le cancer de l’ovaire, c’est l’équipe de Buckanovich qui a montré l’importance des MSC dans le maintien du compartiment souche des tumeurs ovariennes [113].Dans leur modèle, ils montrent que les MSC associées au cancer (CA-MSC) diffèrent des MSC classique par leur comportement et les facteurs secrétés.
En effet ces CA-MSC acquièrent des propriétés pro-tumorales. Ainsi, ils montrent que c’est la sécrétion de BMP2, 4 et 6 par les CA-MSC qui augmente le compartiment souche des cellules tumorales ovariennes [113].
Enfin, Charles et coll. montrent le rôle de chef d’orchestre du TNFa qui permet le recrutement de cellules myéloïdes dans les tumeurs ovariennes et une augmentation de la croissance tumorale, réversible par l’inhibition spécifique du TNFa [114].
Ces données montrent l’importance du réseau cytokinique dans l’action pro-tumorale des MSC. C’est notamment par la sécrétion de cytokines spécifiques que les MSC permettent de maintenir le compartiment souche des tumeurs ovariennes.

La théorie des cellules souches de cancer (CSC) 

La théorie de la cellule souche de cancer (CSC) dans le carcinome de l’ovaire s’est développée à l’instar des travaux réalisés dans le cancer du sein [106, 107, 115]. En 2003, les cellules tumorales CD24- CD44+ isolées à partir de carcinomes mammaires pouvaient en effet être transplantées en série in vivo et reconstituer la tumeur dont elles provenaient [115]. Les CSC ont ensuite été identifiées dans de nombreux cancers épithéliaux comme le mélanome, le colon, etc… [116-118]. Les CSC doivent répondre à 5 critères [119, 120]:
– Autorenouvellement
– Etre restreint à une minorité de la population cellulaire totale
– Capacité à reproduire le phénotype tumoral
– La différenciation en cellules non tumorogène
– Expression de marqueurs cellulaires distinctifs permettant leur isolation
Dans le cancer de l’ovaire, les travaux de Bapath et al. [121] ont permis l’isolation de 2 clones à partir d’ascites de patientes, capables de former des sphéroides en culture, similaires à ceux retrouvés dans les ascites de cancer de l’ovaire [121] +20. Ces clones cellulaires étaient capables de former des xénogreffes dans des souris nude transplantation après transplantation, et de reconstituer les caractéristiques histologiques des tumeurs mères [121]. Zhang identifie en 2008 CD117 (c-kit) et CD44 comme marqueurs permettant l’isolation des CSC dans l’ovaire [122]. Puis Kusumbe et Bapath se servent du PKH (PKH67/PKH26), un marqueur de la membrane cellulaire qui se lie à sa double couche lipidique, pour identifier une population de cellules répondant aux caractéristiques des CSC [123]. Enfin en 2011, Silva et al. affirment isoler les CSC ovariennes en se servant des marqueurs ALDH et CD133, comme précédemment dans le cancer du sein [107, 124, 125].
Plusieurs limitations à ce modèle peuvent être avancées dans le cancer de l’ovaire. La première concerne la méconnaissance de l’organisation hiérarchique du tissu ovarien. A l’inverse du sein ou les travaux sur la physiologie du tissu normal ont précédé les recherches sur les cellules souches de cancer, les travaux dans l’ovaire n’ont pas permis d’élucider de manière claire cette organisation. La carcinogénèse ovarienne étant toujours actuellement débattue, l’origine de ce cancer est encore inconnue et ce ne sont que des hypothèses mettant en avant une origine tubaire (cf infra). Le tissu ovarien est un organe complexe abritant de nombreux systèmes et types cellulaires différents. Il a en effet la particularité d’abriter les cellules de la lignée germinale, côtoyant les cellules de la granulosa, les cellules théquales, les cellules épithéliales, cellules de reliquats embryonnaires, etc… c’est donc un environnement complexes ou de nombreux types de cellules souches et progéniteurs sont impliquées dans différentes fonctions biologiques : de reproduction, endocrines, de soutien. Nous ne savons donc pas desquelles de ces cellules pourrait provenir la fameuse CSC dans le cadre du cancer de l’ovaire, contrairement à la CSC dans le cancer du sein qui est parfaitement identifiée dans l’organisation hiérarchique du sein.

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