LE DEVELOPPEMENT PERSONNEL DU CONSULTANT

LE DEVELOPPEMENT  PERSONNEL DU  CONSULTANT

Faire un tel retour sur notre pratique nous a permis de mieux comprendre l’importance pour le consultant de développer certaines attitudes par rapport à son client, et plus généralement, par rapport à la consultation. D’ailleurs, beaucoup d’auteurs traitant de la consultation et de la relation d’aide réfèrent plus ou moins explicitement à ces conditions qu’ils considèrent comme des préalables à l’intervention. Nous ferons ici une brève présentation des attitudes que nous devrions développeJr pour améliorer notre pratique. 

L’authenticité 

Le diagnostic de notre pratique a. révélé plusieurs aspects de notre personnalité influant sur la relation ave!C notre client. Ainsi, nous avons constaté que nous manifestons constamment le besoin de préserver une image construite à partir de notre conception de la consultation faisant de l’intervenant un être omniscient, omnipotent, bref, un être parfait. Conséquemment à cette image, difficile à sauvegarder il va sans dire, nous 157 n’acceptons pas de nous dévoiler au client, le risque étant trop grand de projeter une image non conforme à l’image idéale. Or, une relation basée sur l’authenticité est une relation vraie, où le consultant fuit «tout machiavélisme, manipulation ou jeu de rôlel». Rogers et Truax définissent ainsi l’authenticité : ( … ) l’authenticité signifie que l’aidant demeure luimême dans ses échanges avec son client. Il n’a pas de façade, exprimant ouvertement les sentiments et les attitudes qui l’habitent au moment de la rencontre. L’authenticité fait appel à la conscience de soi : l’aidant a conscience de ses sentiments; il est capable de les vivre, de les assumer et de les communiquer si cela favorise la relation d’aide. Cela signifie qu’il a un contact direct et personnel avec son client et rencontre celui-ci dans un échange entre deux personnes. Cela signifie qu’il est luimême et évite de renier son individualité2. L’école rogérienne utilise aussi le concept de congruence pour nommer cette attitude de l’aidant3. Les auteurs insistent sur le fait qu’il ne faut pas confondre authenticité et ouverture, cette seconde attitude consistant à livrer exactement tout le contenu interne de l’aidant. Pour être réellement utile à la relation consultant-client, l’authenticité doit s’exprimer dans un ensemble de comportements. Egan et Forest4 en suggèrent quelques-uns : 158 -Éviter de surestimer son rôle : les auteurs soulignent ici que l’intervenant ne doit pas se servir de son rôle d’aidant pour se protéger et pour tromper son client. Il doit faire connaître ses véritables motivations, manifester ses points faibles et en général, le contenu de sa vie intérieure. En somme, il doit rechercher l’interdépendance plutôt que la dépendance dans sa relation avec le client. -Etre spontané : être authentique ne signifie pas exprimer chacune de ses pensées à l’autre. Cependant, cela impliqu.e que le consultant évite de filtrer le contenu de sa vie intérieure et ce qu’il exprime à autrui. Réagir immédiatement aux besoins ou aux états du client plutôt que d’attendre le «bon» moment ou d’utiliser des stratégies planifiées, voilà un moyen d’atteindre cette spontanéité. -Savoir s’affirmer : il faut exprimer son vécu, ses pensées, ses objections, sans agressivité. -Éviter d’être sur la défensive : l’intervenant qui connaît et accepte ses forces et ses faiblesses n’a pas à s’en défendre. -Etre cohérent: il faut agir conformément à nos pensées et à nos ressentis ou du moins, identifier les contradictions qui amoindrissent notre capacité à aider l’autre. 159 -S’ouvrir à l’autre : l’intervenant doit pouvoir se confier à l’autre lorsque cela est nécessaire pour faire avancer la relation. 

La considération positive

 Notre diagnostic souligne à quelques reprises notre difficulté à intervenir auprès d’un client exprimant des valeurs différentes des nôtres. n semble d’ailleurs que cette difficulté appartienne à plusieurs consultants : Le conflit latent entre le gestionnaire et l’expert se situe souvent au niveau des valeurs respectives de chacun. ( … ) De plus, certains de ces derniers [les chercheurs] manifestent de la rigidité et admettent difficilement les valeurs prônées par les gestionnaires. Ceci se traduit concrètement dans le fait que, fréquemment, le dirigeant n’est pas impliqué dans l’élaboration des objectifs visés par le spécialiste5. Celui qui fait de la recherche et de l’intervention en milieu organisationnel doit accepter jusqu’à un certain point les valeurs de ce milieu6. Il n’est pas dit que l’intervenant et le client doivent avoir les mêmes valeurs pour entreprendre un processus, mais il faut être attentif à cette compatibilité. Une relation suppose échange et adaptation de l’un à l’autre. Pour que cela soit possible, le consultant doit faire preuve d’ouverture face à son client et à sa façon de voir les choses. 160 La considération positive est une attitude du consultant l’amenant à reconnaître à son client un rôle d’expert face à son propre développement. Selon l’approche humaniste, chaque individu possède en lui-même les ressources nécessaires pour prendre conscience de ses valeurs, attitudes et comportements et pour déterminer les choix qui lui permettront de mieux s’adapter à son environnement. Transposée au contexte organisationnel, cette hypothèse implique que les individus possèdent les ressources pour solutionner les problèmes les concernant8. La contribution du consultant qui souscrit à ces principes visera alors la diffusion de connaissances et d’instruments nécessaires au diagnostic, à l’analyse et à la décision. Son rôle en sera un de facilitateur s’intéressant à développer dans l’organisation-cliente les aptitudes nécessaires à la solution de ses problèmes. D’autres auteurs utilisent le conce·pt de respect pour nommer cette attitude de l’intervenant envers son client. Pour Lucien Auger par exeii\ple, le respect suppose que l’aidant considère son client comme un être humain investi d’une valeur et d’une dignité infinies, quels que puissent être ses comportements9. Au début de la relation consultant-client, Auger suggère donc que l’aidant s’appuie sur un préjugé de base favorable, «en se disant à luimême que, s’il se donne le temps de découvrir l’aidé, il trouvera certainement en lui des éléments qui viennent justifier son affection et son respectlO». 

L’empathie

 Tant qu’un aidant se cantonne à l’intérieur de sa propre perception, érigée en absolu, tant qu’il ne fait pas l’effort, conscient au début, de laisser temporairement de côté, de mettre entre parenthèses, pour ainsi dire, sa manière de voir les choses, sans pour autant en nier la présence et la valeur pour lui, tant qu’il ne réussit pas à sortir de lui-même pour aller voir les choses à travers les yeux de son interlocuteur, on ne peut pas dire qu’il comprend empathiquement ce demier11, 161 L’empathie est une attitude visant à ajuster sa perception à celle de l’autre. Il s’agit en fait de tenter de comprendre les comportements de l’autre dans son propre cadre de référence. Une telle compréhension est donc centrée sur le monde émotif du client et sur la perception subjective qu’il a de ce monde 12. Cette attitude exige de la part du conseiller un fort degré de conscience de soi et d’authenticité. 

La volonté réelle d’aider

 Nous avons vu dans le diagnostic qu’il est facile de laisser nos besoins personnels déformer notre lecture de la situation (par exemple, le besoin de nous mettre en valeur) et en conséquence, de mal orienter notre intervention, ce qui a également pour effet de dégrader la. relation consultant-client. Lucien Augerl3 décrit cette attitude fréquente chez les aidants novices. Ces personnes tendent à assumer le rôle d’aidant, mais sans être intimement 162 transformées en personnes aidantes. Aider demeure pour elles une activité bien circonscrite, une fonction, un travail dans lequel elles ne sont pas profondément et personnellement impliquées. Ainsi, il est possible que · ces personnes changent quelque peu d’attitude lorsqu’elles sont en relation d’aide et lorsqu’elles ne le sont pas. L’auteur considère alors la possibilité que ces personnes ne soient pas complètement authentiques dans leur rapport d’aide, se contentant de jouer un rôle. TI poursuit : C’est ici encore une fo:is qu ‘on peut constater combien, dans le contact d’aide, 1 ‘aidant peut aider, non pas tellement par ce qu’il fait et dit, mais bien plutôt par ce qu’il est. On voit aussi combien le travail d’aide est exigeant pour l’aidant. C’est de tout son être qu’il doit être aidant, et non pas seulement de façon superficielle et occasionnelle. Etre un aidant implique, pour la plupart de nous, une transformation profonde de notre être, une sortie de nous-mêmes, rendue possible par une acceptation très profonde de notre être et donc une solide sécurité intérieure, une compréhension intime de ce que nous sommes, résultant d’une patiente attention à notre monde intérieur, un dépassement de nos peurs, un abandon de nos fausses sécurités reposant sur la façade que les peurs édifient entre nous et les auttes. ( … ) Cette liberté intérieure, à son tour, est ce qui permet à l’aidant de créer pour son aidé les conditions qul permettent à ce dernier d’accéder à sa propre libération. Nul ne donne ce qu’il ne possède pas lui-même14. Les attitudes du consultant, son savoir-être, sont donc à la base de sa relation avec le client. En étant authentique et cohérent dans ses gestes, le consultant est mieux disposé à réagir à son client. Il a doncplus de facilité à établir un contact réel et profond avec llui, par opposition à une relation utilitaire et superficielle.  

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