Le Développement Économique Local
Ce document est issu d’un travail combinant analyse bibliographique et enquêtes dans les territoires concernés. Les partenaires et l’ensemble des salariés rencontrés ont accepté de partager leurs expériences et de livrer leurs avis et recommandations pour l’amélioration des actions. Leurs analyses pour la promotion des territoires à travers la valorisation des ressources locales, contribuent largement à ce travail de capitalisation. cours de mise en œuvre, certaines des réflexions présentées ici ne sont pas totalement abouties. Ce guide donne ainsi un aperçu des principaux outils et méthodologies éprouvés tout au long de l’action (partie II). Il présente également des pistes de réflexion pour des actions futures (partie III), construites à partir d’un bilan provisoire des actions dans le contexte de la moyenne vallée du fleuve Sénégal (décrit dans la partie I).Il illustre l’idée que le développement économique local est un processus long et continu, qui demande une parfaite maitrise du contexte dans lequel il est pensé, mûri et mis en œuvre. La compréhension des dynamiques des acteurs, leur implication réelle dans la construction d’un cadre propice à l’élaboration d’une vision et d’une stratégie de développement économique sont les préalables à toute action.
Le bassin du fleuve Sénégal, territoire transfrontalier en devenir
La zone d’intervention du GRDR s’étend sur 3 pays (Mali, Mauritanie et Sénégal) et cor- respond à ce que certains auteurs appellent la moyenne vallée du fleuve Sénégal. Elle compte environ 3,5 millions de personnes. Cette population, à plus de 70% rurale, est composée d’une large majorité de jeunes de moins 20 ans et croît annuellement de 3,5% (1). La moyenne vallée du fleuve Sénégal est souvent décrite comme une région oubliée car faiblement considérée dans les agendas nationaux et par l’aide internationale. Elle affiche des taux de pauvreté parmi les plus élevés à l’échelle des pays. Cette région apparaît comme un hin- terland entre les capitales des 3 pays. Les flux de marchandises y transitant en l’attestent. Par ailleurs, le fleuve Sénégal offre des opportunités de développement d’une agriculture irriguée et de produc- tion d’énergie (barrages de Manantali, de Félou et de Foum Gleita). Le sous-sol de la région regorge de ressources minières (or, marbre, phosphates…) dont l’exploi- tation se développe depuis les années 1990. Les analyses disponibles suggèrent que l’économie des ménages ruraux de la ré- gion repose sur des activités et sources di- verses : élevage (bovins et petits ruminants principalement), transferts monétaires (via les membres émigrés de la famille et issus de la mobilité saisonnière des actifs ruraux), agriculture (pluviale et irriguée : céréales et légumineuses, patates douces et, en zone péri-urbaine notamment, maraîchage), commerce (boutiques de vivres) et artisa- nat (maçonnerie, menuiserie…).
La moyenne vallée du fleuve Sénégal connait depuis plusieurs siècles(2) des dy- namiques migratoires importantes : des ressortissants de ce territoire ont ainsi émigré dans divers pays du continent afri- cain (République Démocratique du Congo, Côte d’Ivoire, etc.) et d’Europe de l’Ouest (France, Espagne, Italie, etc.). En outre, la région accueille une migration transfron- talière saisonnière (« bambara » saison- niers, peintres, maçons, électriciens, etc.).La diaspora du BFS soutient l’économie ré- gionale et domestique à travers différents canaux. Elle contribue au financement d’in- frastructures (réalisation et maintenance de centre de santé, écoles, etc.) et au main- tien de services (contribution au salaire du personnel médical et enseignant notam- ment). En outre, de nombreux émigrés as- sistent leur famille dans l’achat des biens de consommation courante, l’accès aux services sociaux de base ou la subvention L’investissement économique des émigrés s’est concentré ces dernières décennies sur les zones urbaines (Kayes, Dakar, Nouak- chott…) et certains secteurs (immobilier, transport) même si l’on note une tendance récente à réinvestir dans le secteur rural productif (Gupta et al., 2007).
Le secteur privé de la zone d’interven- tion se caractérise par la prédominance d’entreprises qualifiées par certains « d’informelles ». Si ces entreprises ne sont pas légalement reconnues, elles génèrent une activité importante et procurent des re- venus à une majorité d’actifs. Les employés Ces entreprises jouent un rôle important dans la formation des jeunes (« apprentis ») et on estime qu’elles offrent leur premier emploi à plus des trois quarts des jeunes (Jacquemot et Michailof, 2013) Elles gé- nèrent certes des revenus conséquents mais leur caractère informel les maintient dans la précarité, et la clandestinité administrative. Leurs revenus et les taxes qui peuvent y être appliqués constituent un manque à gagner pour l’Etat et les collectivités. Les politiques d’ajustement structurel mises en œuvre dans les 3 pays depuis les années 1980 se sont traduites par des restrictions budgétaires et le désengagement de l’Etat dans de nombreux secteurs (santé, éduca- tion, eau, agriculture, etc.). Ces mesures ont contribué à affaiblir le niveau de vie des po- pulations, notamment dans les zones rurales.