Afin de mieux comprendre ce qu’implique le développement des conduites discursives à la maternelle 4 ans TPMD, il est important de définir sommairement ce qui les constitue. Comme le mentionnent Lafontaine et Dumais (2014), la compétence discursive concerne la manière de transmettre ses propos au cours d’une prise de parole. Elle peut aussi faire référence au sens des mots et à la façon de les assembler ainsi qu’à la compréhension des liens qui unissent les mots (Trehearne, 2005).
À la dimension discursive sont aussi attribuables les différentes conduites discursives comme raconter, décrire, justifier et expliquer (Péroz, 2010). Déjà dans les années 1980, Esperet (1984) considérait que les différentes conduites discursives étaient : « le produit d’une suite hiérarchisée de processus aboutissant à la production d’un discours en situation » (Esperet, 1984, p. 180). Ainsi, le développement de ces conduites mobilise différents aspects de la fonction cognitive pour que l’enfant arrive à verbaliser sa pensée (Garcia-Debanc, Plane et INRP, 2004).
À ce propos, Fiorantino et Howe (2004) ont constaté que, chez les enfants provenant des milieux défavorisés, la mise en place d’activités d’expression orale, autour de la conduite discursive, raconter, permet à l’enfant de prendre conscience de sa situation et lui donnerait même l’occasion de trouver certaines stratégies d’adaptation à son environnement. Ainsi, en racontant ce qu’il vit, l’enfant arriverait à mieux comprendre sa propre réalité (Wells, 2009). De plus, le développement de certaines conduites discursives, comme raconter, expliquer, décrire et justifier, mobilise des habiletés cognitives et langagières (linguistiques, grammaticales, etc.) qui peuvent aider l’enfant à mieux organiser sa pensée lorsqu’il s’exprime oralement (Gagné et Crago, 2012; Jonh, Lui et Tannock, 2003; Williams et al., 2002).
En ce qui concerne l’aspect plus pédagogique de la pertinence de l’utilisation de telles activités en classe, Wells (2009) affirme que le développement de la conduite discursive raconter, favorise non seulement le développement des compétences en littératie, mais qu’elle touche plusieurs aspects de l’acte d’apprendre. Par conséquent, l’enfant donne un sens aux mots qu’il utilise en confrontant sa pensée aux autres pour enrichir chaque fois la compréhension qu’il a du monde qui l’entoure (Barnes, 2008; Bruner et Watson, 1987; Vygotski, 1985) ce qui l’amène à progresser dans sa réflexion à travers l’acte de la communication.
La maternelle 4 ans TPMD offre donc, à l’enfant qui la fréquente, plusieurs occasions d’échanger autant avec l’enseignante qu’avec les pairs ce qui lui permet d’expérimenter diverses conduites discursives favorisant ainsi les apprentissages en ce sens (Fiorentino et Howe, 2004; Froment et Leber-Marin, 2003; Gosse, McGinty, Mashburn, Hoffman et al., 2013; Tauveron, 2001).
En ce qui concerne l‘enseignement des conduites discursives au préscolaire, le Programme de formation de l’école québécoise (2001), prévalant comme programme prescriptif lorsque ce travail de recherche a débuté, n’abordait pas cet objet en ces termes (Lafontaine et Dumais, 2014). Le développement des conduites discursives n’était pas identifié comme une compétence à développer de manière particulière. À ce propos, Turco (2001) constate effectivement que les compétences langagières sont souvent définies plutôt globalement et que les dimensions linguistique et discursive ne sont pas prises en compte de manière distincte.
Malgré qu’il soit reconnu que l’enseignement de l’oral présente des caractéristiques spécifiques, plusieurs études montrent que lorsqu’il s’agit d’enseigner les conduites discursives comme raconter, expliquer et justifier, les enseignants éprouvent certaines difficultés à présenter ces tâches langagières (Dupont et Grandaty, 2012). En fait, il semblerait même que cette difficulté à définir une tâche d’enseignement de l’oral ait une influence sur la compréhension qu’ont les élèves de la tâche à accomplir (Nonnon, 2002). Dans le cadre d’une recherche sur les écrits et oraux réflexifs, réalisée dans une classe de maternelle petite section (3-4 ans), Dupont et Grandaty (2012) ont remarqué que les enfants éprouvent certaines difficultés à conceptualiser une tâche langagière.
Afin de familiariser davantage les enfants avec les activités pédagogiques favorisant le développement des compétences langagières, Dupont et Grandaty (2012) sont d’avis qu’il serait souhaitable d’enseigner différentes conduites discursives dès la maternelle. Car la classe représente :
« …une expérience sociale qui permet à un enfant de comprendre ce qui lui arrive et d’y prendre part. Cet espace de parole renvoie aux indices permettant à l’enfant de faire des inférences sur l’action en cours. L’enfant devient donc élève dans et par l’interaction orale scolaire. » (Dupont et Grandaty, 2012, p. 62).
En somme, le développement des conduites discursives à la maternelle 4 ans TPMD permettrait à l’élève de construire des énoncés complexes et de les articuler entre eux pour raconter une histoire, décrire un objet et expliquer un phénomène (Boisseau, 2005). Ce sont là, comme le souligne Boisseau (2005), des compétences qui préparent l’enfant à lire et à écrire. En effet, tous les échanges avec l’enseignante et aussi ceux avec les pairs deviennent l’occasion de faire l’expérience de différentes conduites discursives. Selon Simonpoli (2005), ces différents échanges mènent à une prise de conscience de la diversité à travers laquelle se construisent les connaissances.
En ce sens, la causerie peut être considérée comme une activité pédagogique au cours de laquelle différentes stratégies d’intervention peuvent être utilisées, par les enseignantes (Romain et Roubaud, 2013) de la maternelle 4 ans TPMD, afin de favoriser à la fois le développement du langage oral et celui des conduites discursives. Il s’agit maintenant de voir plus précisément comment s’organise l’utilisation de ces stratégies d’intervention, lors de l’animation de la causerie.
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