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Rappel sur les garanties émises par les Clubs de Protection

Les Clubs de Protection peuvent être amenés à émettre les lettres de garantie ou cautions afin de couvrir la responsabilité éventuelle de leur Membre vis-à-vis des tiers lorsque les réclamations répondent aux critères de risques inclus dans les conditions d’entrée (« terms of entry »).
La majorité des garanties émises par les Clubs de Protection peuvent être analysées comme des cautionnements dès lors qu’elles font référence au contrat de transport ou à la charte partie, et que leur finalité est le paiement de la dette de l’armateur ou du transporteur si celle-ci est établie.
Les garanties émises dans le cadre de dommages à des tiers non liés par un contrat avec le navire, pourront être également analysées comme des garanties classiques ou cautionnement faisant référence à un évènement, dès lors qu’elle constitue un engagement de payer les conséquences de la responsabilité de l’armateur.
Les garanties dites autonomes42 , payables à première demande et sans possibilité d’opposer des exceptions, sont rares, mais peuvent se rencontrer parexemple si la dette de l’armateur est déjà reconnue et consacrée.
La mise en oeuvre de ces garanties est soumise à des conditions et exigences relativement strictes comme l’état de navigabilité du navire pris au sens large, la perte de classe, l’absence de dettes de l’armateur envers le Club (primes impayées).
Les exclusions sont nombreuses comme le comportement délictueux, le transport de marchandises prohibées, les règlements susceptibles d’être assimilés à des libéralités (corruption, voir infra p.102), l’existence d’une autre couverture d’assurance.

Forme de la garantie

La demande initiale (ou l’ordonnance de saisie conservatoire) va préciser la forme de la garantie exigée, garantie ou cautionnement bancaire, garantie « Club » ou simplement une garantie dite suffisante.
Dans beaucoup de pays (pays du Maghreb par exemple), les garanties exigées sont toujours de forme bancaire et leur mise en place nécessitera des procédures internes longues (souvent plusieurs jours), ainsi que l’intervention de la banque du
Club de Protection et de son Correspondant local. Le texte et les conditions régissant l’exécution seront généralement contraignants pour le club de Protection sachant qu’il s’agit souvent de négociations à conduire dans l’urgence et sous la pression d’une saisie ou de la menace d’une saisie.
Les garanties émises par les Clubs de Protection adoptent le plus souvent un texte standard dont certains points feront l’objet d’âpres discussions sur le nom du bénéficiaire, la compétence, les conditions d’exécution ou encore le montant maximum de l’engagement.

Le nom du bénéficiaire

Ce point devra être consciencieusement examiné et discuté. Dans un contexte contractuel, le bénéficiaire ne pourra être que le dernier endossataire des connaissements ou éventuellement le chargeur, s’il démontre avoir subir un préjudice sans avoir la qualité à agir ou encore le « cargo owners and/or lawfule B/L holders ».
Le nom du bénéficiaire peut également faire référence aux assureurs subrogés : « (…) and/or the subrogated cargo underwriters ». L’on observera toutefois que la mention « cargo owners and/or lawful B/L holders.. » peut signifier que le bénéficiaire ne sera pas forcément le dernier endossataire sachant qu’il peut arriver que la partie recevant physiquement la cargaison et ayant endossé les connaissements, ne soit pas le propriétaire de la cargaison, mais son mandataire.
S’il s’agit d’une garantie au profit d’un tiers, le bénéficiaire devra être le propriétaire du bien endommagé, éventuellement le gestionnaire. Les garanties auprofit des personnes seront nominatives.

La compétence

La question de la compétence (compétence au fond) est toujours au centre des discussions, chaque partie cherchant à imposer la juridiction qui lui convient, les Clubs de Protection mettant systématiquement en avant le recours à l’arbitrage sur la place de Londres.
Cependant, préciser la juridiction qui examinera l’affaire au fond dans une garantie n’est pas strictement une nécessité. L’engagement de l’émetteur se suffisant à lui-même, le réclamant garde la possibilité d’assigner devant le tribunal ou l’instance arbitrale qu’il considère comme compétent, mais avec le risque que la juridiction saisie soit contestée dès le début du procès. D’où le souci des bénéficiaires et du Club de Protection de tenter de fixer d’un commun accord et définitivement cette question dans la garantie.
L’examen du connaissement et de la compétence qui en découle pourra être une base de discussion si celle-ci est clairement définie.
Dans les connaissements émis sous charte partie, les termes font en général référence à la charte, sans toutefois préciser la juridiction ou le tribunal arbitral figurant dans ladite charte (en général l’arbitrage à Londres), et le Club de Protection cherchera à imposer les termes de la charte.

Le rôle du Correspondant dans la mise en place des garanties et les risques juridiques liés à cette prestation

Les garanties émises par les Clubs de Protection le sont en général par leurs propres services et signées par un Directeur habilité selon les procédures internes exposées supra.
Une fois les négociations sur les termes et modalités achevées, la transmission de la copie de l’original se fait généralement par télécopie ou copie scannée, soit directement au bénéficiaire, soit par le canal du Correspondant qui se chargera de la remettre au bénéficiaire en échange d’une mainlevée si le navire a fait l’objet d’une saisie conservatoire.
Mais certains Correspondants peuvent être amenés à émettre des garanties soit au nom du Club de Protection, soit plus rarement en leur propre nom lorsque que le réclamant souhaite disposer de la caution personnelle d’une société dont le siège est dans l’état où elle est elle-même domiciliée.
Le Correspondant va également intervenir dans le processus de négociation des termes et modalités car il est en contact direct avec le réclamant dont il connait souvent les exigences habituelles mais aussi la personnalité et les réactions possibles.
Enfin, nous examinerons un modèle de garantie émise par un Correspondant qui revêt tous les aspects d’une caution personnelle parfois assortie d’une clause spéciale relative au recours en exécution.
L’examen d’une garantie émise par un Correspondant dont une copie figure en annexe 6 de cet exposé permet les commentaires suivants :
Le texte peut être considéré comme un texte standard préconisé par la plupart des Clubs de Protection. La lettre est cependant émise sur le papier à entête du Correspondant qui déclare agir au nom du club de Protection : « we, ETIC SAS, acting on behalf and as agents of (…) »47. Plus loin, figure l’engagement de paiement proprement dit: « …hereby undertake to pay to you within 30 days of receipt by us of your written demand… ».
Il est bien précisé ici que le Correspondant agit pour le compte du Club de Protection en qualité de mandataire. En revanche l’engagement de règlement luimême comporte tous les éléments constitutifs d’une caution personnelle et c’est bien le Correspondant qui s’engage à procéder au règlement selon les modalités prévues dans la lettre.
Le Correspondant est donc à priori très exposé par un tel libellé dont les deux phrases extraites présentent incontestablement une contradiction, car nous sommes en présence d’un mandataire qui s’engage à régler lui-même la dette de son Mandant.
Il semble que la mention que le Correspondant agit au nom du Club aurait dû être suivie de l’assurance que celui-ci règlerait la condamnation selon la suggestion suivante « …hereby undertake that the …(name of the P&I Club)….will pay … ». L’on pourrait alors parler de clause de ducroire, le Correspondant apportant alors au bénéficiaire la garantie que le Club exécutera l’engagement.
Pour pallier cette difficulté et tenter d’éviter un risque d’exécution sur ses propres biens, le Correspondant, dont l’exemple de lettre est rapporté ici, prend soin d’inclure en fin de garantie une clause précisant les modalités d’exécution : il est indiqué que l’exécution de la garantie ne pourra en aucun cas être effectuée sur le Correspondant, pourtant émetteur de la lettre mais uniquement sur son Mandant.

De la responsabilité des fonds transitant sur les comptes du Correspondant

La profession de Correspondant de Clubs de Protection (ou d’ailleurs également d’Assureurs Corps et Machines) n’est pas une profession règlementée comme peut l’être celle de courtier ou d’avocat.
En France, la profession d’avocat est encadrée et soumise à des règles déontologiques sévères lui imposant une gestion séparée des fonds qui peuvent lui être confiés par les Clients.
Lorsque l’avocat reçoit ou détient des fonds pour le compte de son Client (qu’il s’agisse de fonds destinés à être versés à une autre partie ou de fonds encaissés par l’avocat au profit de son Client), il doit obligatoirement les placer sur un compte de la CARPA (Caisse des Règlements Pécuniaires des Avocats) qui en assure le contrôle strict, au point qu’aucun retrait n’est possible sans un contrôle préalable de la Caisse. Outre les garanties que représente ce contrôle, les fonds confiés à l’avocat doivent bénéficier d’une assurance spéciale, indépendante de l’assurance couvrant la responsabilité professionnelle.
Le statut du courtier en assurances est également spécifique est régi notamment par le code du commerce (article L-110) mais le courtier est bien un commerçant qui n’est pas soumis, comme le Correspondant de Clubs de Protection, à une mesure de contrôle sur les fonds reçus. Le courtier demeure cependant un intermédiaire en Assurance astreint à une inscription auprès de l’ORIAS.
Le Correspondant, par contre, n’est ni un intermédiaire en assurances, ni un courtier, ni un Avocat et son statut est sans doute plus proche de celui de l’agent maritime dont les activités de mandataire au service des navires sont souvent comparables par nature.
La situation du Correspondant, en fonction du pays où il exerce ses activités, peut bien entendu varier selon les lois et règlements locaux.
L’on doit rappeler ici qu’il existe de nombreuses circonstances au cours desquelles le Correspondant peut être amené à recevoir des fonds qu’il devra reverser, soit au Club de Protection (produit d’une condamnation d’un tiers au profit d’un armateur) soit (plus généralement) à des tiers ou des intérêts cargaison dans le cadre d’un contentieux.

Missions réalisées dans un contexte de corruption ou socialement et politiquement instable ou dégradé

En charge de gérer les conflits localement, le Correspondant va se trouver dans certaines contrées face à des pratiques litigieuses et délictuelles souvent instituées en véritable système économique,pratiques que l’on retrouvera souvent à tous les niveaux depuis le simple fonctionnaire de terrain jusqu’aux plus hautes sphères de l’Administration ou de l’Etat (section 1).
Nous verrons cependant que les lois et conventions érigées par certains pays dont le Royaume-Uni et les Etats-Unis visent à lutter contre ces pratiques et que les Correspondants sont dès lors concernés en leur qualité de mandataires (section 2). A cet égard, les plus récentes évolutions vont vers un contrôle plus sévère des activités de Correspondants par les Clubs de Protection et de la façon dont sont notamment gérés et négociés les dossiers, en particulier lorsque l’interlocuteur est une administration, une autorité portuaire, un membre de la justice etc…

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