LE CONTRAT ROUSSEAUISTE EST-IL UN MODELE DE DEMOCATIE

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De l’essence de la démocratie : question de définition

Répondre à la question « qu’est-ce que la démocratie ? » parait simple et très évident à première vue, mais tel n’est pas le cas. Il n’ y a pas de définition précise, exacte et universelle de la démocratie. Le fait qu’on parle de démocratie libérale, de démocratie sociale ou populaire, de démocratie directe, représentative ou participative donne l’idée de ce que pourraient être les définitions liées à ces formes de démocraties. Touraine considère que « La démocratie à été définie, de deux manières différentes : pour certains, il s’agit de donner forme à la souveraineté populaire ; pour d’autres, d’assurer la liberté du débat politique. Dans le premier cas, la démocratie est définie par sa substance, dans le second, par ses procédures. »4 Ces propos de Touraine englobent d’une certaine manière les deux aspects du concept de démocratie. Le premier aspect est lié à son essence, c’est- à dire ce qu’elle est par son étymologie : souveraineté populaire ou gouvernement populaire. L’autre aspect souligne en fait ce qu’elle est par ses principes. Principes par lesquels le peuple manifeste sa souveraineté et sa liberté : les deux étant directement liées. Les procédures sont les mécanismes par lesquels l’essence de la démocratie se manifeste convenablement. La démocratie a donc des exigences et des règles du jeu qui permettent de l’atteindre. C’est ce qui fait qu’elle est d’ une part une manière d’être des institutions et d’autre part une manière d’être des hommes. L’exigence de démocratie va de pair avec l’existence de démocrates, c’est-à-dire des personnes convaincues de ses principes et de ses valeurs. Ce n’est nullement donc un hasard lorsque G. Burdeau déclare même si c’est sous la forme d’une boutade que : « La démocratie est aujourd’hui une philosophie, une manière de vivre, une religion et, presque accessoirement, une forme de gouvernement.»5 Il faut donc comprendre la démocratie de par sa substance et de par ses principes. En fait, le mot démocratie est composé de deux mots grecs : démos qui veux dire peuple et cratos gouvernement. Elle signifierait donc gouvernement du peuple par le peuple. En abondant dans le même sens Abraham Lincoln donne une définition qui circonscrit bien l’idée et le sens du mot. Il pense que la démocratie « c’est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. »
Ces propos de Lincoln résument en quelque sorte ce qu’est la démocratie ou ce qu’elle doit être quel que soit l’univers doctrinal ou spatial dans lequel le mot est utilisé. Le sens premier du mot donne l’idée que c’est le peuple qui se gouverne lui-même en ce sens qu’aucune décision politique n’est valable en dehors de son accord et /ou de sa volonté. L’autorité suprême appartient donc au peuple. La démocratie appelle à la participation de tous les citoyens, à la formation de la volonté populaire et aux prises de décisions majeures. Aussi, dans une démocratie les citoyens peuvent gouverner ou choisir des dirigeants qu’ils peuvent élire convenablement sans contraintes intérieures comme extérieures, et changer quand ils veulent de façon pacifique selon les règles définies par une constitution démocratique. Il appartient donc au peuple de décider en dernière instance. Le principe démocratique exige non seulement que l’intérêt du peuple en tant que entité soit pris en compte mais aussi que la liberté de tous les citoyens pris individuellement et collectivement soit strictement sauvegardée à tout prix. Un gouvernement est loin d’être démocratique lorsque l’intérêt du peuple n’est pas pris en compte et que la liberté des citoyens est mise en perpétuel danger par un pouvoir foncièrement arbitraire. C’ est ainsi que Friedrich Hayek pour répondre à la question « qu’ est-ce que la démocratie ? » écrit : c’ est « une forme d’ organisation sociale dont la fonction est d’ assurer la défense de la liberté de chacun contre les empiètements de tout pouvoir arbitraire ; méthode qui s’ identifie avec le principe selon lequel la contrainte ne peut être utilisée que pour assurer le respect des règles générales de conduite considérées comme justes par le plus grand nombre – ou tout au moins par la majorité du corps social. »6 L’arbitraire n’appartient pas à la démocratie. Ce qui est constant dans le principe démocratique c’est que tout part du peuple pour revenir au peuple. Si par refus de désordre le pouvoir démocratique use de contraintes, ces contraintes ne sont justes que c’est parce qu’elles sont justifiées, légalisées et légitimées par le peuple lui-même. En réalité, seul le peuple peu accréditer ce qui est juste et ce qui ne l’est pas pour que le pouvoir (ou le gouvernement) à son tour puisse l’appliquer comme étant juste et légitime. Rousseau dit à ce propos que toute loi que le peuple n’a pas ratifiée est nulle.
On peut aussi définir la démocratie en l’opposant à la monarchie ou à l’ aristocratie où la souveraineté est limitée à un petit groupe de personnes supposées meilleures par la naissance ; à la ploutocratie où le gouvernement des riches. Elle s’oppose surtout à la dictature ou le régime totalitaire où l’absence de souveraineté du peuple est le critère de validation. Dans une dictature la volonté du peuple est totalement absente, tout le pouvoir repose sur les caprices d’un chef absolu et n’a de limites d’autres que celles fixées par la volonté de ce dernier qui peut fort bien être arbitraire.
En fin de compte, d’après ces considérations, la démocratie est un système politique pour lequel c’est le peuple qui gouverne et détient le pouvoir de décision. Autrement dit, c’est l’immixtion du peuple dans les instances de décision pour prendre en charge sa propre destinée et celle de la cité. C’est donc une organisation politique dans laquelle le peuple exprime pleinement sa souveraineté. Bref, comme le dit Böckenförde, la démocratie c’est « l’autogouvernement du peuple et la décision de celui-ci sur ses propres affaires»7.

Du sens aux principes de la démocratie.

Le mot démocratie n’a pas un sens unique et univoque, il a connu bien des changements au cours de l’histoire. Ces changements modèlent aussi bien certaines théories que des principes dits démocratiques. Comme le sens se diversifie et évolue certainement les principes qui sous-tendent l’idée en tant que telle changent, se diversifient et évoluent en même temps. L’idée de démocratie, comme toute idée, vit les réalités de tous les temps et de tous les lieux pour mieux s’y adapter. Elle subit les interprétations liées à des cultures et des idéologies.
Ainsi, dans l’évolution de l’idée de démocratie de l’antiquité aux temps modernes, on peut schématiquement distinguer trois phases :
L’idée de démocratie a tout d’abord été un instrument de la liberté. Elle était exclusivement saisie sous sa forme politique. Elle était une manière d’être des institutions en vue de la liberté. Elle fut ainsi un instrument de la justice. C’est en ce qu’elle se manifeste sous sa forme purement éthique pour moraliser d’une certaine manière les rapports sociaux. Ce que l’on constate actuellement c’est que l’aspect éthique et l’aspect politique restent étroitement liés dans l’idée de démocratie. C’est ainsi que les principes éthiques et politiques se côtoient dans les piliers de la démocratie de telle façon que chaque principe démocratique présente une double face : si l’on parle de justice, de tolérance dans le jeu politique c’est pour prendre en charge la place que l’éthique y occupe.
Enfin, la démocratie exige aujourd’hui le bon usage des ressources de la terre. Elle se préoccupe de la vie convenable des générations de citoyens présentes et futures. Son concept favori c’est le « développement durable »mais aussi celui de bonne gouvernance. En fait, le développement durable cherche d’une certaine manière à concilier les besoins des générations vivantes sans aliéner ceux des générations du futur. Ainsi l’idée de démocratie ne reste t- elle pas aujourd’hui très élargie. G. Burdeau ne disait- il pas sur la forme d’une boutade que : « la démocratie est aujourd’hui une philosophie, une manière de vivre, une religion, presque accessoirement, une forme de gouvernement. »8 Saisir donc le sens exact et précis du mot démocratie devient de plus en une entreprise pratiquement impossible.
Cependant la démocratie se reconnaît tout d’abord par certains principes dits fondamentaux. Il s’agit de la souveraineté du peuple. Elle parait être le premier principe. Si le peuple n’est pas souverain, alors il n’ y a pas de démocratie. Il y a aussi l’égalité. Que cela soit l’égalité politique, l’égalité devant la loi, l’égalité de chances ou l’égalité sociale9.
L’autre principe majeur de la démocratie est la liberté. En fait, la démocratie est indissolublement liée à l’idée de liberté avec laquelle d’ailleurs elle se confond
généralement. La liberté, comme le dit Böckenförde, sous toutes ses formes, constitue le socle juridique et politique sur lequel repose le processus démocratique ouvert en rendant possible une libre participation de tous à la formation de l’opinion et de la volonté 10.
Il y a une multitude d’interprétations de la liberté. Il ne s’agit pas là de la liberté dite métaphysique, mais c’est celle- là qui permet à l’individu de jouir pleinement de ses droits naturels et politiques au sein de la société. Celle qui lui permet de prendre volontairement et avec ses semblables, son destin en main. Cette forme de liberté s’appelle « liberté-autonomie ». Elle se manifeste par l’absence de contraintes physiques et spirituelles.
A ces principes dits fondamentaux s’ajoutent d’autres principes aussi nécessaires à une démocratie que les premiers. Il s’agit : du principe de justice et de tolérance, du principe de participation des citoyens, du principe majoritaire, mais également le principe de la séparation des pouvoirs. Ces différents principes permettent à toute démocratie d’être effective, viable, fonctionnelle et conforme à l’idéal démocratique.

De la participation des citoyens

La participation des citoyens est une nécessité pour toute démocratie. Il y va de la santé de toute démocratie que les citoyens participent aux prises de décisions qui les concernent, soit directement soit indirectement. En ce sens la participation n’est rien d’autres que l’expression de la souveraineté du peuple. En fait, cette participation active de tous met chaque citoyen devant ses responsabilités, du seul fait qu’il se sente responsable de sa vie et celle de la communauté toute entière dont il fait partie. La participation est un acte de citoyenneté et condition de la liberté. On peut même se demander que serait ou que resterait-il à la démocratie sans cette participation des citoyens ? On estime que « sans large participation et sans vaste soutien, les démocraties sont vouées à flétrir et à devenir le domaine réservé d’un nombre de groupes et d’organisations sélectionnés »11.
La participation des citoyens est donc nécessaire pour que l’on puisse parler de démocratie. Bien plus, l’absence de participation est synonyme de négation de la souveraineté et de tyrannie. Les théories participatives supposent d’ailleurs que la caractéristique de tout régime démocratique, son trait déterminant est la volonté de faire participer les citoyens aux prises de décisions. Ainsi, cette participation peut se faire de deux manières.
Lorsque le citoyen participe directement aux prises de décisions et aux délibérations en exprimant ses opinions sur les questions intéressant toute la cité, sans délégation de ses prérogatives, alors on parle de démocratie directe. Par contre, la démocratie représentative est en œuvre lorsque les citoyens au lieu de participer directement choisissent, par vote, des représentants qui font tout à leur place. Une fois élus les représentants discutent, votent les lois et prennent les décisions à la place des citoyens. Mais la participation peut aussi se faire par l’usage du principe référendaire. Sous cette forme le peuple a bien des gouvernants et des représentants mais il est consulté à chaque fois qu’ il s’agit de pendre des décisions majeures qui mettent en jeu la vie de la nation. Dans ce cas le peuple est souvent appelé aux urnes pour trancher sur une question donnée par un « oui » ou par un « non ».
– De la séparation des pouvoirs « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, que le pouvoir arrête le pouvoir »12
L’auteur de l’Esprit des lois tient pour fondamental, dans toute démocratie, le principe de la séparation des pouvoirs. Il considère que tout Etat est composé de trois formes de pouvoir à savoir : les puissances législative, exécutive et judiciaire. Mais pour que l’une de ces puissances ne prenne pas le dessus sur les autres, il faut qu’elles soient exercées par diverses personnes. Parce que justement il estime que « tout serait perdu si le même corps des principaux ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs »13 du seul fait que l’homme est naturellement disposé à abuser du pouvoir qu’on lui donne quel qu’il soit.
La séparation des pouvoirs est donc pour lui la seule garantie de la santé de la démocratie pour la seule raison que « si dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutive, il n’ y a point de liberté »14. Or, on sait que s’il n’ y a pas de liberté alors il n’y a point non plus de démocratie puisque l’une et l’autre vont de pair. James Madison15 assimilait même cette accumulation des pouvoirs entre les mêmes mains à la tyrannie.
Il y a d’autres valeurs liées à ces principes, qui sont aussi nécessaires aujourd’hui à la démocratie. Elles en sont, soit des émanations, soit des manifestations. Il s’agit de certains droits fondamentaux dits de la personne ou du citoyen qui sont consécutives à la liberté. On peut se permettre de les appeler « les piliers de la démocratie moderne ». Ces droits comprennent : la liberté de parole et d’expression, la liberté de religion et de conscience, la liberté d’assemblée, droit à la santé, à l’éducation et le droit à l’égalité devant la loi. De ces droits, la liberté de parole est le plus fondamental. Cette liberté est le socle même de la démocratie. C’est ainsi que le Canadien Patrick Wilson considère en ce sens que « la démocratie, c’est la communication, c’est le fait que les gens parlent entre eux de leurs problèmes communs et élaborent leur destin commun » Il ajoute « avant que les peuples puissent se gouverner eux-mêmes, ils doivent être libres de s’exprimer »16 En fait, du droit de s’exprimer librement sans contraintes naissent tous les autres droits et libertés.

LES LIMITES DE LA DEMOCRATIE

D’ après ce que nous avons vu jusqu’ici la démocratie peut être considérée comme meilleure d’abord en tant que forme de gouvernement ou système politique mais aussi en tant qu’un ensemble d’idéaux. Elle parait être le système politique qui honore le mieux les aspirations de l’homme. Aspiration à la liberté et à l’égalité, principes qui sont constitutifs de la nature humaine. Cependant, ce système aussi présente des insuffisances et des limites et est sujet parfois à beaucoup de critiques. C’est ainsi que Winston Churchill disait dans un de ses discours, en parlant de la démocratie, qu’elle était « le pire des gouvernements à l’exception de tous les autres »17.
La supériorité du système démocratique, pour sa part, n’est pas absolue, elle n’est qu’une supériorité par défaut. La valeur de la démocratie n’est pas absolue, elle n’est que relative. Cela veut dire que, même si la démocratie est meilleure que les autres formes de gouvernement, cela ne signifie pas qu’elle est exempte d’insuffisances ou de limites.

Les limites conceptuelles

« S’il existait un panthéon des termes magiques, disait Baguenard, en parlant de la démocratie, en voilà un qui occuperait une place de choix »18. La démocratie est l’un des concepts qui font couler autant de salives que d’ancre. C’est un mot qui intervient dans tous les débats d’ordre politique, économique et social. Ce qui fait qu’aujourd’hui ce concept souffre d’un excès de significations. Le sens du mot reste imprécis et confus. « Cette notion dont on a abusé plus que d’aucune autre notion politique, prend les sens les plus divers, souvent contradictoires»19. Cette diversité du sens du mot rend difficile aussi bien son étude que sa compréhension dès lors qu’il parait dépasser son sens premier pour s’ouvrir à un excès de significations. Conséquence : des régimes politiques, les plus divers, même les plus opposés, se réclament démocratiques. Même des régimes totalitaires ou des dictatures se disent démocratiques puisqu’ils supposent recevoir un soutien fort effectif de leur peuple. Au moment où ce sont ces mêmes peuples qui crient à la liberté et réclament plus de démocratie. C’est qu’ « aujourd’hui ce terme de démocratie, comme le pense Lyman Sergent Tower, jouit d’une connotation positive dans le monde entier au point qu’on qualifie de démocratiques bien des régimes dans lesquels la part de gouvernement populaire est très faible, voire totalement absente »20. Ce qui est manifeste c’est qu’on abuse de la notion, chacun peut utiliser le mot démocratie pour y mettre la signification qui lui convient ou qui est conforme à ses aspirations. Ce qui veut dire que le vocable peut être identique alors que le contenu diffère. Tout homme politique, économiste, gouvernant ou gouverné pense pouvoir l’utiliser en toute situation pour lui donner une signification qui lui convient le mieux. C’est pour cette raison qu’il n’est pas exclu de penser que le sens du mot démocratie subit le poids de l’histoire, c’est-à-dire qu’il subit les réalités politiques, économiques, idéologiques et sociales. En d’autres termes le sens varie selon le temps, le milieu, la ligne doctrinale (on parle de démocratie libérale ou sociale), bref selon le contexte dans lequel il est utilisé et selon celui qui l’utilise.
En dehors de ces limites conceptuelles qui rendent confuse l’idée de démocratie, il existe d’autres limites liées à la théorie démocratique et à sa pratique.

Les limites théoriques et pratiques

Nous entendons par limites théoriques, ces limites ou insuffisances liées à la théorie même de la démocratie .Et si nous parlons de limites pratiques c’est pour souligner les difficultés liées à la pratique démocratique, ce déphasage qui existe entre la théorie et la réalité, entre l’ idée et son application. On a l’impression que ce qui se dit théoriquement de la démocratie est impraticable dans la réalité. C’est fort bien par rapport à ce déphasage que Hans Kelsen a pu dire que « si l’on considère ainsi le spectacle moyen qu’offrent en réalité les régimes politiques considérés comme des démocraties, et si l’on confronte cette réalité avec l’idéologie de la liberté, il doit d’ abord paraître étonnant qu’un tel écart entre idéologie et réalité puisse à la longue se maintenir »21. Ces propos de Kelsen montrent bien qu’il y a de la différence entre la théorie et la pratique démocratiques. Cette différence est bien une manifestation des limites de la démocratie aussi bien au niveau théorique que pratique.
Par ailleurs, la démocratie comme système politique ou comme forme de gouvernement a toujours subi des critiques et a manifesté des insuffisances. Dès ses premiers balbutiements à Athènes, de grands penseurs lui ont opposée une fin de non recevoir. Ainsi, pour Platon, comme pour Aristote, la démocratie est un mauvais système.
Son mal, considère Platon, vient tout d’abord de ce que les décisions y sont prises en dehors des critères de compétence et de savoir. Chacun peut accéder à la magistrature suprême, tout en étant ignorant, pourvu qu’il soit citoyen d’Athènes. Cette critique trouve sa justification, dans le fait que, dans la démocratie athénienne les magistrats pouvaient être élus par la méthode du tirage au sort. Méthode qui ne tient aucunement compte ni de la compétence ni du niveau de connaissance. En dehors de cet aspect les valeurs de référence comme la justice ou le bien sont absentes. Et le plus souvent la démocratie conduit à l’anarchie, du seul fait que le comportement des citoyens n’y est contenu par aucune règle et la liberté de chacun y dégénère en licence et à la permissivité. Et au pire des cas elle aboutit à la tyrannie, la pire des formes de gouvernement. La démocratie transfère la souveraineté de la main des plus sages à celle des plus nombreux. Pour Platon donc, ce n’est ni la compétence, ni le savoir, ni la justice ou l’injustice, le bien ou le mal qui y sont les principes de référence ou de répugnance mais c’est la loi de la majorité qui y règne. Voilà justement ce que Aristote fustige dans la démocratie : le fait qu’elle permet à la majorité, c’est- à- dire le peuple, de commander et de rester le maître de la cité. Or, la première détermination de la majorité c’est d’être inculte, ignorante et mal éduquée. Voilà pourquoi la démocratie est dangereuse, le fait que dans un Etat démocratique ce sont les plus nombreux (donc les ignorants) qui gouvernent. Aristote, aussi bien que Platon, rejette donc la démocratie. Ainsi, cette haine de la démocratie, de ces deux penseurs, n’est- elle pas liée à des raisons historiques ?22 C’est fort possible, mais nous ne le pensons pas réellement puisque ces critiques peuvent avoir des raisons valables en dehors de supposées considérations d’ordre historique. De toute façon, ces mêmes ou pareilles critères ont été formulées et/ou reformulées au cours de l’histoire sinueuse de la démocratie. Ces critiques peuvent être contre l’idée de démocratie elle-même ou contre certains de ses principes dits fondamentaux. Que cela soit contre l’idée de gouvernement du peuple, contre la représentation ou le principe majoritaire, ou que cela soit contre l’idée de justice, d’égalité ou de liberté. De toute façon, l’histoire foisonne d’exemples de quelques manières que ces critiques se manifestent.
C’est vingt deux siècles après Platon et Aristote, que l’auteur du Contrat social considéré pourtant comme le précurseur de la démocratie moderne écrivait : « il est contre l’ordre naturel que le grand nombre gouverne et que le petit soit gouverné. On ne peut imaginer que le peuple soit incessamment assemblé pour vaquer aux affaires publiques ; et l’on voit aisément qu’il ne saurait établir des commissions sans que la forme de l’administration change»23.

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE LA DEMOCRATIE ET SES LIMITES
CHAPITRE I : QU’EST-CE QUE LA DEMOCRATIE ?
Section 1 : de l’essence de la démocratie : question de définition
Section 2 : du sens aux principes de la démocratie
CHAPITREII : LES LIMITES DE LA DEMOCRATIE
Section 1 : Les limites conceptuelles
Section 2 : Les limites théoriques et pratiques
DEUXIEME PARTIE LE CONTRAT ROUSSEAUISTE EST-IL UN MODELE DE DEMOCATIE
CHAPITRE I : QU’ EST- CE QUE LE CONTRAT ROUSSEAUISTE
Section 1 : De la volonté générale à la souveraineté
Section 2 : La loi comme principe régulateur du contrat
CHAPITRE II : DE L’ ACTUALITE DU CONTRAT ROUSSEAUISTE
Section 1 : Le contrat rousseauiste : de l’égalité comme
Justice sociale au pari de la liberté
Section II : Vers un nouveau contrat social et les perspectives d’ un nouveau monde
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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