Le contrat de fonction publique entre les prérogatives de puissance publique et le droit commun
Le contrat de recrutement d’un agent public semble hybrider les principes des deux mondes juridiques, privé et public. En effet, tout en ayant une forme classique régissant les rapports civils, il n’en est pas moins soumis à un régime exorbitant du droit commun. Contrat administratif, le contrat de recrutement d’un agent public interfère entre le droit de la fonction publique et le droit du travail. À ce titre, la doctrine française a été une des sources d’inspiration majeures du droit administratif chinois qui est en cours de construction ; elle est toujours susceptible de fournir de précieux renseignements pour sa compréhension. Il convient de considérer le contrat de recrutement d’un agent public comme un élément du droit administratif (I) avant de comprendre ses rapports avec le droit du travail (II). Bien que les agents recrutés par contrat de fonction publique soient en principe soumis à un régime exorbitant du droit commun à l’instar de la situation statutaire des agents titulaires, l’acte par lequel ils sont engagés, comme sa dénomination le suggère, est bien un contrat. Il se distingue ainsi des actes unilatéraux de l’administration comme la nomination d’un agent titulaire (A). Conclu entre une personne publique et une personne privée, le contrat de fonction publique est qualifié de contrat administratif tant par son objet que par son contenu (B).
L’ambivalence du contrat de fonction publique
Les effets juridiques d’un acte unilatéral de nomination et d’un contrat de fonction publique ne se distinguent que très subtilement. Bien que les effets de la nomination unilatérale soient conditionnés par l’acceptation de la personne nommée (1), ils rejoignent les effets juridiques d’un contrat de fonction publique en matière de contentieux (2).Un acte de nomination est la décision par laquelle une autorité administrative compétenteconfère un emploi public et la qualité d’agent public (pour qui ne l’est pas) à une personne ayant rempli les conditions d’accès à la fonction publique (telles que l’aptitude physique et la réussite des concours). La nomination crée une situation statutaire qui ne résulte pas d’un accord de volontés, mais d’un acte unilatéral de l’administration. La personne est investie de la qualité d’agent public avant même son acceptation. Cependant, pour que la nomination produise ses effets, le consentement de la personne nommée est nécessaire. Pour ceux qui sont déjà fonctionnaires, ilspeuvent refuser leur nomination sans démissionner764. Selon Roger Bonnard, l’acte unilatéral de nomination est l’élément déterminant de l’entrée en fonction de l’agent, mais le refus de la nomination par ce dernier peut rendre caduque la nomination765. L’acte unilatéral de nomination est soumis à une « condition résolutoire »766. Les effets de la nomination nécessitent ainsi la rencontre de la décision administrative de nommer une personne à un emploi public et le consentement de cette même personne. En fin de compte, par rapport au contrat de fonction publique, seul diffère l’ordre chronologique entre l’acte et la volonté. En effet, les contrats de fonction publique sont souvent des contrats-types ou une sorte de contrats d’adhésion pour lesquels la négociation individuelle sur les clauses du contrat prédéterminé par les pouvoirs publics est presque impossible. Dans la pratique, le candidat accepte un contrat de fonction publique comme la personne nommée accepte la nomination.
Cette analyse est tout à fait valable pour le cas chinois où le contrat de fonction publique est encadré par la loi du 27 avril 2005 « sur les agents publics ». Il s’agit simplement d’une autre voie d’accès à la fonction publique767. Quant aux contrats d’engagement des agents d’USP, la forme du contrat est déterminée par les textes locaux conformément à l’avis du bureau général du Conseil des affaires d’État du 6 juillet 2002 « sur l’expérimentation du recrutement contractuel des agents des unités de service public »768, dans l’attente d’un texte central et réglementaire. Le recours pour excès de pouvoir est une des spécificités du droit administratif français qui, malgré ses avantages reconnus par la doctrine à travers le droit comparé, n’existe pas en droit positif chinois. Les contestations liées à l’acte de nomination ne peuvent pas être portées devant les instances judiciaires, tandis que celles liées au contrat de fonction publique sont soumises au conseil d’arbitrage des conflits des personnels publics puis aux tribunaux et cours Populaires en appel. Il y a apparemment, en Chine, une distinction de régime en matière de contentieux entre l’acte de nomination et le contrat de fonction publique.
Au niveau procédural et formel, cette distinction est évidente et indéniable. Mais au fond, l’existence d’un arbitrage des conflits des personnels publics, distinct de l’arbitrage des conflits du travail, marque la continuité du régime exorbitant du droit commun des personnels publics contractuels en matière de contentieux. Pour certains auteurs, le recours devant le conseil d’arbitrage des conflits des personnels publics devrait être également ouvert aux agents publics titulaires, c’est-à-dire à tous les personnels publics772, et a fortiori en cas d’appel, la procédure administrative doit être appliquée773. Bien que pertinente en soi, cette approche n’est pas conforme au droit positif qui suppose l’application de la procédure civile en cas d’appel pour les agents publics contractuels. Toutefois, cette supposition n’est déduite que de l’exclusion des actes relatifs aux droits et obligations des agents publics par l’article 12-3 de la loi du 4 avril 1989 « sur le contentieux administratif »774, alors que ni la loi du 27 avril 2005 « sur les agents publics », ni le cadrage du 3 septembre 2007 « de la procédure arbitrale des conflits des personnels publics »775, ne précise la nature de la procédure à appliquer en cas d’appel à la suite de l’arbitrage des personnels publics.