Avec les années, le rôle des éducateurs spécialisés dans les écoles du Québec a évolué considérablement. Il est passé d’un rôle de support au professeur dans les classes d’élèves présentant des difficultés multiples à un rôle d’aide au secteur régulier. A la Commission scolaire concernée, toutes les écoles ont recours aux services d’éducateurs spécialisés. Les demandes des directions d’écoles, des professeurs, des élèves sont d’ordre divers: absentéisme, motivation, communication parents-adolescents, classement des élèves, etc. Le temps alloué aux rencontres des élèves et les moyens pour évaluer les rencontres individuelles sont les principales problématiques vécues par les éducateurs spécialisés. En fait, un manque de rigueur dans les suivis en relation d’aide auprès des élèves en difficulté d’adaptation et d’apprentissage ainsi qu’un manque d’outils adéquats d’évaluation sont observés dans l’exercice de notre pratique.
L’approche que privilégient les éducateurs spécialisés de cette Commission scolaire repose sur l’engagement de l’éducateur et de l’élève dans une relation d’aide positive. Cette aide vise à résoudre des conflits sans abus de pouvoir, en trouvant une solution acceptable pour l’éducateur et l’élève.
Cette étude tend à démontrer que le contrat d’apprentissage peut s’avérer une technique appropriée pour aider les élèves devenir responsables de leur cheminement.
Cette forme de contrat respecte l’autonomie de l’élève et lui permet de saisir les implications de son engagement. C’est un contrat plus ou moins formel en vertu duquel une entente s’établit sur les buts à poursuivre par l’intervenant et le client dans l’entreprise qui leur est commune et sur les moyens à prendre pour les atteindre.
Certaines techniques de la thérapie brève seront expérimentées au cours de notre recherche. Comme son nom l’indique, cette thérapie est limitée dans le temps et permet de circonscrire le problème en poursuivant un objectif spécifique.
Notre but consiste donc à évaluer, lors de la première année d’implantation, une approche d’intervention individuelle. Cette approche en relation d’aide sera réalisée auprès de neuf élèves de niveau secondaire I en difficulté d’adaptation et d’apprentissage. L’objet de la recherche se limite à la planification, à la mise à l’essai et à l’évaluation de cette technique. Afin de guider notre processus de recherche-action, nous utiliserons le modèle de Goyette et Villeneuve (1984).
En fait, nous estimons que l’application du contrat d’apprentissage et l’utilisation de la thérapie brève durant trois étapes de l’année scolaire, soit une période de sept mois, devraient améliorer les résultats académiques des élèves en français, mathématiques et anglais.
L’historique des services aux élèves en difficulté au Québec
Au début des années soixante-dix, l’état situationnel des élèves en difficulté d’adaptation et d’ apprentissage amorce un tournant important. Une tendance se dessine sur le plan international en faveur de l’intégration de l’enfance en difficulté dans le système ordinaire de l’enseignement et dans la société. S’appuyant sur des études effectuées aux Etats-Unis et au Canada traitant d’expériences significatives et positives d’intégration dans l’école ou dans la classe ordinaires, le Comité provincial de l’enfance inadaptée est d’ avis que « l’enfant en difficulté doit tendre à régulariser les conditions de vie, d’adaptation et d’apprentissage auxquelles il est soumis, qu’il doit également susciter chez lui des attitudes et des comportements apparentés à ceux de la majorité des membres de la communauté et de la société. A l’égal de tout autre, cet enfant doit s’épanouir pleinement dans un contexte le plus propice à son développement et dans un milieu naturel et normal ». (Rapport COPEX 1970, article 235).
Pendant cette période, les services sociaux en milieu scolaire disposaient de professionnels (pour les niveaux secondaire et primaire) de travailleurs sociaux, criminologues, etc. Ils faisaient partie de ce qu’on appelait à l’époque « les services personnels aux élèves ». En 1975-1976, au Québec, le nombre de postes autorisés s’élevait à 338, ce qui donnait un rapport personnel/élèves de 1/4218, quantité nettement insuffisante pour l’aide aux élèves. Ces intervenants avaient quatre champs prioritaires d’intervention:
– les élèves provenant d’un milieu défavorisé et leurs familles;
– les enfants de niveau préscolaire ( 4 et 5 ans);
– les enfants en éducation spéciale;
– l’information préventive.
Dans l’ensemble, la tâche était donc très lourde. En 1980, à la suite d’ententes entre les services sociaux et les commissions scolaires dans le but d’offrir plus de services, la fonction d’éducateur spécialisé en milieu scolaire apparaît au Québec. Au début, ceux-ci interviennent surtout à l’intérieur de classes spéciales, et offrent ensuite des services au secteur ordinaire. Leur tâche était peu définie et les moyens d’intervention peu nombreux, amenant souvent les éducateurs à effectuer des tâches complémentaires sans liens directs avec l’éducation spécialisée. Plus près de nous, de quelle façon se sont articulés les services d’éducation spécialisée de la Commission scolaire faisant l’ objet de notre recherche? C’est ce que nous verrons ici.
L’organisation des services d’éducation spécialisée
Cette Commission scolaire a intégré les éducateurs spécialisés aux services professionnels déjà offerts pour répondre à l’augmentation du nombre d’enfants en difficulté d’apprentissage. En général, selon le ministère de l’Education, la catégorie des enfants dits en difficulté d’apprentissage regroupe des élèves qui présentent des difficultés diverses, lesquelles ne peuvent être expliquées par une déficience intellectuelle, physique ou sensorielle (Goupil, 1990, p.31 ). Nous retiendrons cette définition tout au long de notre recherche pour définir les élèves en difficulté d’adaptation et d’apprentissage. Ainsi, les premiers éducateurs spécialisés sont engagés vers 1981. A ce moment, le travail de l’éducateur se situe principalement sur le plan d’interventions individuelles auprès d’enfants afin qu’ils parviennent à maîtriser les habiletés manquant à une intégration scolaire réussie.
Le travail de l’éducateur est alors itinérant, puisqu’il intervient dans plusieurs écoles. Les demandes de soutien à l’intégration provenant du milieu scolaire vont en augmentant, créant un besoin plus ponctuel. Cette ponctualité ne permet pas un suivi à long terme de l’élève en difficulté. Le nombre d’heures accordées à chaque enfant est insuffisant. Plusieurs élèves ne peuvent être rencontrés, soulevant de nombreuses insatisfactions de la part des enseignants et des directions d’écoles.
En 1983, vu le nombre croissant d’élèves en difficulté, la Commission scolaire porte de 5 à 20 le nombre d’éducateurs spécialisés. Désormais, l’éducateur vise une approche plus globale dans l’école et s’implique davantage au secteur régulier. Il atteint ainsi un plus grand nombre d’élèves en difficulté d’apprentissage.
Cette nouvelle approche nécessite une redéfinition complète des objectifs de l’éducation spécialisée, mais répond à la demande d’une façon plus adéquate. Toutefois, le ratio est toujours trop élevé: un éducateur pour 425 élèves en moyenne. Voyons maintenant les objectifs de l’éducation spécialisée, nombreux à réaliser considérant le manque de matériel d’encadrement et d’évaluation, et compte tenu du nombre élevé d’élèves en difficulté à rencontrer.
La tâche des éducateurs spécialisés au secondaire
Au secteur régulier, l’objectif principal de l’éducateur spécialisé auprès des élèves de niveau secondaire est le suivant: l’éducateur recherche la réussite scolaire, ainsi qu’un bien-être général de l’élève. Il l’aide à comprendre la réalité scolaire et son importance, il le supporte au niveau des exigences académiques et comportementales de l’école. Il offre à l’élève une référence stable, un lien qui rejoint tous les aspects de son vécu scolaire. Il aide l’élève qui présente certaines lenteurs d’adaptation à s’intégrer le plus rapidement possible à sa nouvelle école, en le supportant affectivement et en supervisant son cheminement. Il favorise l’autonomie de l’élève en pratiquant le principe de l’intervention minimale, soit en réduisant dès que possible les mesures d’aide particulières à l’élève.
Pour réaliser ces objectifs, l’éducateur planifie un ensemble d’interventions intégrées, tel que des rencontres individuelles avec les élèves qui vivent des problèmes aux plans affectif, social, intellectuel, comportemental et familial. De plus, des stratégies applicables dans le cadre scolaire visant à cerner des problèmes spécifiques selon les besoins individuels de chaque élève sont appliquées (la modification de comportements, le développement affectif, la supervision régulière, la relaxation, les méthodes d’ étude). L’éducateur travaille en collaboration avec les parents, les enseignants, la direction et les autres professionnels afin d’élaborer des moyens concrets d’aide à l’élève en difficulté, par des rencontres de consultation et par des programmes d’aide. Il apporte un soutien à l’enseignant dans son intervention auprès de l’élèves et doit implanter des programmes de groupe pour répondre à des besoins spécifiques, tels que groupes d’entraide, sessions d’étude, « Jeunes efficaces », etc.
Les éducateurs recommandent parfois à la direction de l’école certaines dispositions de classement concernant les élèves en difficulté. Ils sont également responsables des programmes de dépistage et de prévention des élèves susceptibles de vivre des difficultés socio-affectives (Girard, 1987, p.4). Nous constatons donc que la tâche s’avère lourde pour l’éducateur qui, par exemple, assure la supervision de 500 élèves dans son école et qui dispose de peu de moyens pour réaliser tous ces objectifs.
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