Le contrat avec le prestataire offshore
Considérations générales sur le contrat
Le contrat est utilisé presque quotidiennement pour régler des affaires courantes chez un prestataire, et l’on n’y recourt pas uniquement en cas de conflit. Depuis la gestion des congés jusqu’à la qualité des locaux en passant par les responsabilités des deux parties et les services facturés, tous ces points font constamment référence au contrat. Le contrat sert bien sûr également de référence en cas de litige, notamment ceux relatifs à la propriété intellectuelle, à la gestion des impayés ou à la rétention du produit du client. Nous ne nous étendons pas sur les clauses que l’on retrouve dans tous les contrats et nous concentrons sur les clauses spécifiques des développements en offshore. Le mode de fonctionnement que l’on choisit pour travailler avec le prestataire définit le type de contrat que l’on signe avec lui. Comme expliqué aux chapitres 2 et 4, les projets au forfait sont au premier abord les plus tentants. À moins de traiter un projet simple, court ou facile à documenter dans sa totalité, il est toutefois difficile de tirer pleinement parti des avantages du forfait en offshore. Les projets au forfait rendent les opérations opaques puisque le prestataire se voit confi er la pleine responsabilité de la gestion du projet, assortie de pénalités lorsque les engagements Le contrat avec le prestataire offshore Conduite de projets informatiques offshore 174 ne sont pas tenus. Le client ne se permet de contrôler les opérations chez le prestataire que lorsque le projet se déroule mal. On souhaite alors non seulement auditer le projet, afin de mieux comprendre la nature du mal, mais aussi vérifier la capacité du prestataire à tenir les engagements futurs et, surtout, s’assurer d’éventuelles actions correctives et de leurs effets. Même si l’on souhaite de part et d’autre travailler au forfait, le client peut réaliser qu’il n’aura pas son produit dans les temps s’il n’intervient pas de façon énergique pour rétablir un fonctionnement normal. On introduit alors une forme d’ingérence du client dans le projet, qui le rend plus proche du fonctionnement en régie. De nombreuses questions abordées dans ce chapitre valent pour la régie comme pour le forfait. Validation du contrat Le contrat est le plus souvent rédigé en anglais afin d’être bien compris du prestataire. Le tribunal compétent est spécifié comme celui où le client est domicilié, car c’est toujours plus sûr en cas de conflit. Les avocats du client sont parfois partiellement compétents pour revoir et valider de tels contrats, qui peuvent exiger une connaissance des lois du pays du prestataire offshore pour en assurer la validité, notamment lorsque des moyens sont prévus pour contraindre le prestataire à appliquer certaines dispositions. Les avocats réellement compétents sur ces sujets internationaux sont peu nombreux. Plusieurs points généraux sont à vérifier en priorité dans le contrat de partenariat avec le prestataire. Il faut vérifier en premier lieu que le client ne se rend pas coupable de marchandage ou de prêt illicite de main-d’œuvre. Si le client cherche à obtenir un contrôle très étroit des équipes du prestataire, il peut définir des règles qui l’exposent à de telles poursuites. Les employés doivent rester sous la direction de la hiérarchie de leur société et non du client. Il faut en outre vérifier que les employés du prestataire ne peuvent se faire reconnaître comme des employés du client du fait de certaines dispositions du contrat. De telles dispositions peuvent être un rattachement hiérarchique, même déguisé, à un collaborateur du client, des directives du client qui primeraient sur celles du prestataire, la mise en place de processus client, comme les demandes de congés, susceptibles de prouver un emploi déguisé. Le prestataire prend évidemment garde de vérifier la situation juridique de son partenaire de sorte que l’utilisation de ressources en offshore n’apparaisse pas comme de l’emploi déguisé. Lorsque des collaborateurs du prestataire sont appelés à se rendre régulièrement chez le client pour y travailler, par exemple, ils peuvent tenter de se faire reconnaître comme ses employés de fait. Avec le mode régie, il importe de ne pas s’exposer à des lois qui exigeraient que du personnel en régie employé sur de mêmes postes pendant une durée dépassant un certain seuil soit formellement embauché. Le terme « régie » est ici un abus de langage, les informaticiens cherchant en fait à désigner un mode de travail opposé au forfait. Traditionnellement, une société reçoit dans ses locaux le personnel placé en régie qui est managé par ses cadres. Le personnel en offshore étant distant, on ne peut théoriquement parler de régie, qui suppose le placement sur site. À défaut d’un meilleur terme, on parle aujourd’hui couramment de régie pour les projets facturés au temps consommé, par opposition au forfait, quel que soit le lieu où se trouve le personnel en régie, et quelle que soit l’organisation hiérarchique. L’anglais utilise l’expression time and material, qui est plus juste. Les avocats sauront trouver les meilleures façons d’éviter cet écueil en spécifiant une définition du mode régie dans le contrat. Le préambule Comme dans tout contrat, on peut placer en préambule certains éléments qui, sans faire vraiment partie du corps du contrat, y jouent tout de même un rôle. Par exemple, on peut exprimer pourquoi on a choisi ce prestataire et la nature des opérations que l’on souhaite mener localement. On peut y inclure tout ou partie de la proposition de services, la réponse au RFI ou une lettre d’intention signée entre les parties. Ces documents peuvent mentionner des points qui ne sont pas repris dans le contrat proprement dit. Bien que ce texte ne soit en rien contraignant pour les signataires, en cas de litige, on peut y faire référence et démontrer au partenaire que ses engagements ne sont plus pleinement tenus ou que la société a évolué au point de changer de nature. Utilisation ultérieure du contrat Certaines clauses du contrat peuvent être utiles à de nombreux intervenants sur les projets. Cela concerne notamment les jours travaillés, les vacances, les embauches, les préavis, les heures supplémentaires et même les moyens de pression que le client peut exercer sur le prestataire. Chez le prestataire, les chefs de projet doivent connaître ces dispositions du contrat, car elles ont un impact sur le déroulement de leurs réalisations. Les chefs de projet n’ont toutefois qu’une vision partielle des engagements contractuels. Le plus souvent, certaines informations ne leur sont communiquées qu’en réponse à une question précise surgissant dans le déroulement du projet. Mieux vaut donc concevoir la forme du contrat de sorte à en extraire facilement certaines parties pour les communiquer aux personnes intéressées, en conservant d’autres parties confidentielles, financières ou hors de propos. La propriété intellectuelle La protection de la propriété intellectuelle des réalisations en offshore est l’une des conditions essentielles pour que le client travaille efficacement et sereinement avec le prestataire. Il s’agit non seulement de s’assurer que la réalisation est la propriété du client et qu’elle est correctement protégée, mais aussi que le prestataire n’introduit pas d’éléments qui appartiendraient à un tiers et dont l’exploitation pourrait impliquer l’achat de licences ou serait interdite. La première précaution à prendre est, bien sûr, de protéger la propriété intellectuelle de la production outsourcée. Les règles relatives à la propriété intellectuelle peuvent varier d’un pays à un autre. En l’absence de mention spéciale, la propriété intellectuelle est généralement attribuée au créateur et rarement au client payeur. Il faut donc préciser dans le contrat que toute la production du prestataire au cours du projet est octroyée de façon pleine et entière au client donneur d’ordres, qu’elle soit réalisée par les employés officiellement salariés ou par tous les autres intervenants que le prestataire pourrait utiliser, que ce soit dans les locaux du prestataire ou en dehors. Il importe d’éviter tout débat sur la nature des intervenants ou le lieu de la production, certains d’entre eux pouvant ne pas être des employés du prestataire. Il faut également prendre soin d’inclure toute la production, en incluant les documentations relatives à l’adaptation de la méthode, les guidelines, les modèles des rapports de suivi de projet, les spécifications, les modèles d’analyse et de design, les architectures générale et technique, les codes source, les plans de test, les architectures physiques des platesformes matérielles, ainsi que tous les messages et documents échangés pour répondre aux questions ou passer des directives complémentaires ou correctives.