Le concept de littératie
Le terme de « littératie » est un anglicisme venant de « litteracy », en opposition au terme d’ « illiteracy » (analphabétisme). Il renvoie aux compétences de lecture, non pas au fait de savoir lire et écrire, mais au fait de savoir trouver l’information, la critiquer, l’interpréter et l’utiliser. Il s’agit de compétences permettant de sélectionner les informations pertinentes, d’y porter un regard critique et de pouvoir les communiquer aux autres de manière efficace. Schield (1999) définit la littératie statistique comme l’étude de l’utilisation de statistiques servant à défendre un point de vue.
Le terme de « littératie » a été fortement médiatisé au début du siècle à travers l’enquête PISA, où on mesure tous les trois ans les performances des jeunes de 15 ans, entre autre sur la compréhension et le traitement de l’information contenue dans différents types d’écrits (Broi et al., 2003).
Les études concernant la littératie des adultes, comme l’enquête ALL (Hertig & Notter, 2005), complètent la mesure des compétences de compréhension de l’écrit par la « numératie », compétence liée à la compréhension de textes schématiques (listes, tableaux, formulaires, graphiques, cartes, plans, …), et la résolution de problèmes.
Le concept de littératie statistique
La littératie statistique peut être définie comme l’ensemble des compétences nécessaires à comprendre les statistiques, les analyser, les critiquer et les communiquer. Contrairement aux enseignements visant à former à l’usage de la statistique ou à la formation des statisticiens, les enseignements qui ont pour objectif de développer la compréhension et l’évaluation critique des statistiques portent davantage sur les cadres et contextes des statistiques que sur les procédures mathématiques.
Comme le dit Schmit (2010), la littératie statistique va au-delà d’un simple raisonnement mathématique. La numératie traite de compétences en matière de compréhension de concepts mathématiques présentés sous différentes formes et représente de ce fait un aspect certes important de la littératie statistique, mais ce n’est de loin pas le seul. Il faut non seulement comprendre les aspects mathématiques des statistiques, mais également être en mesure de savoir comment elles ont été obtenues. Il faut pouvoir les interpréter dans leurs contextes, porter un regard critique sur les aspects méthodologiques et la manière de présenter les statistiques, et être en mesure de les analyser et de les décrire. « Le cœur de la littératie statistique est la compétence de passer de statistiques à des arguments » (Schmit, 2010).
Gal (2002) résume la littératie statistique à deux composantes. Premièrement, la compétence à savoir interpréter et évaluer de façon critique les informations statistiques. Deuxièmement, la compétence à savoir débattre et communiquer autour du sens à donner à ces informations, son opinion vis-à-vis des conséquences de celles-ci ou des conclusions qui en sont tirées. Certaines statistiques sont relatées non pas dans le but de présenter des informations équilibrées, mais bien pour défendre un certain point de vue. Dans certains cas, comme parfois avec certains journalistes, politiciens ou publicitaires, il y a une mauvaise utilisation intentionnelle des données. Il semble donc important pour Gal que les lecteurs d’informations statistiques soient concernés par la validité des messages relatés et se soucient de savoir si les conclusions tirées des informations sont raisonnables. Dans ce but, Gal propose que toute personne confrontée à des informations statistiques ait toujours à l’esprit ce qu’il appelle des « questions de préoccupations » (« worry questions ») du type « Le graphique a-t-il été conçu de manière correcte ? », « D’où viennent les données ? » ou « Est-ce que ce type d’étude est raisonnable dans ce contexte ? ».
L’université d’Augsburg à Minneapolis (E-U) a mis en place un cours interdisciplinaire en littératie statistique où les étudiants sont censés développer cinq compétences (Schmit, 2010) :
– connaître les concepts fondamentaux et les méthodes de la statistique et pouvoir calculer des statistiques basiques
– comprendre l’utilisation adéquate de différentes mesures statistiques
– différencier les bonnes des mauvaises manières d’utilisation de mesures statistiques
– rédiger des descriptions de statistiques
– reconnaître la justesse rhétorique (« understand rhetorical appropriatness ») .
Citons encore le bureau de statistique d’Australie qui a défini quatre domaines décrivant ce que seraient les connaissances et les compétences nécessaires pour comprendre, évaluer et communiquer des informations statistiques (AUSSTATS, 2014) :
– Sensibilité aux données (Data awareness) : comprendre le rôle important des données dans la société, les différentes sources de celles-ci, les facteurs influençant leur qualité, et avoir la compréhension du contexte dans lequel elles ont été récoltées
– Compréhension de concepts statistiques (Ability to understand statistical concepts): compréhension des termes statistiques (moyenne, médiane, variance, pourcentages, taux, …), de leurs concepts et de leur utilisation appropriée (textes, graphiques et tableaux)
– Analyse, interprétation et évaluation de données statistiques (Ability to analyse, interpret and evaluate statistical information) : compétences de savoir utiliser les outils statistiques appropriés, de prédire et généraliser à partir de données et de déterminer les principales tendances et relations entre celles-ci
– Communication des informations statistiques (Ability to communicate statistical information and understandigs) : savoir décrire les informations en utilisant des moyens appropriés, savoir organiser les données, savoir s’appuyer sur des raisonnements statistiques pour prendre des décisions et savoir poser un regard éthique concernant des aspects tels que la confidentialité .
1 Introduction |