Introduction
Si chacun s’accorde à appeler MOOC, un cours en ligne dont l’inscription est ouverte à tous, et ce potentiellement sans limite de participants, l’acronyme MOOC recouvre en fait des pratiques pédagogiques assez variées. En effet, les meilleures universités américaines ont choisi de diffuser en ligne des cours copie conforme de leurs cours classiques en amphithéâtre qui privilégient la transmission de connaissances, appelés xMOOC [CISEL&BRUILLARD 13]. L’entrée des grandes universités américaines a ainsi popularisé l’enseignement en ligne. Ici les objectifs pédagogiques, les ressources et les exercices sont définis par les enseignants. Certains cours privilégient la consultation de contenus sans réelles interactions entre élèves et enseignants tandis que d’autres favorisent cette interaction par le biais d’exercices et d’échanges. D’autres cours en ligne, appelés , sont fondés sur le connectivisme [SIEMENS 05], et encouragent une participation et des échanges plus importants. Dans ces cours, les animateurs définissent le thème du cours et certaines ressources de démarrage, mais les objectifs d’apprentissage sont définis par les apprenants eux-mêmes, qui contribuent également à la recherche et à la production de ressources, ce qui présuppose une bonne autonomie préalable des apprenants. Ces deux classes de cours ne sont que les deux extrêmes d’un continuum et nombre de cours se situent entre ces deux pôles.
Comme le précisent E. Bruillard et M. Cisel [CISEL&BRUILLARD 13], le terme MOOC est un terme polysémique qui désigne à la fois le cours en lui-même et l’outil informatique ou plateforme qui permet de réaliser le cours. L’entrée d’un cours est ainsi un site qui donne accès à un ensemble de services sous forme de plateforme. Les instances de plateformes proposent en général un regroupement de plusieurs cours sous forme d’un portail qui offre ainsi un choix de sujets. Coursera [COURSERA 13] ou edX [EDX 13] sont ainsi à la fois portail et plateforme.
La principale contribution de cet article est : i) d’une part d’introduire le concept de iMOOC, dénotant une démarche par investigation. Ce concept permet de proposer une articulation entre les deux classes de cours généralement retenues (cMOOC et xMOOC); ii) d’autre part de présenter la plateforme SMOOPLE (Semantic, MOOC, Pervasive Learning Environment) dédiée aux iMOOCS et fondée sur le web sémantique, facilement réutilisable pour des cMOOCs.Dans la suite de cet article, nous introduisons le concept de iMOOC. Puis, nous nous intéressons aux outils informatiques support des plateformes de MOOC. Dans un premier temps, nous faisons le point sur les plateformes actuelles tant pour les xMOOC que pour les cMOOc. Nous présentons ensuite une architecture permettant de proposer des aides aux différents participants d’un iMOOC et de manière générale à toutes formes de MOOCs.
Le concept de iMOOC
Au travers de ces exemples et de leurs variantes, on voit bien qu’il est possible d’imaginer toute une gamme de modalités pédagogiques et donc de cours dans lesquels l’enseignant peut faire le choix d’ouvrir ou de fermer aux apprenants différentes dimensions pédagogiques du cours. Si le thème du cours est un préalable à la construction d’un cours, différentes dimensions peuvent être soit sous la responsabilité et la définition de l’enseignant, soit partagées entre enseignants et participants, soit déléguées à l’apprenant dans un souci de développement d’autonomie : (i) les objectifs d’apprentissage, (ii) le choix des ressources, (iii) l’organisation des activités d’apprentissage, (iv) l’organisation du travail en groupe, (v) exercices d’application ou co-production collaborative. Annie Jézégou élargit cette liste à 14 dimensions [JEZEGOU 10] pour évaluer l’ouverture d’un dispositif, nous n’avons retenu ici que les quelques dimensions qui sont pertinentes pour notre propos. Les xMOOCs laissent le contrôle à l’enseignant sur l’ensemble de ces dimensions, alors que les cMOOCs donnent la liberté aux apprenants sur l’ensemble des dimensions, la régulation se faisant par l’échange dans la communauté.
Parmi les différents modèles pédagogiques utilisés, nous nous sommes plus particulièrement intéressés à la démarche par investigation, notamment dans le domaine des sciences [ROCARD 07]. La démarche par investigation (Inquiry-based Learning) peut être définie par l’engagement des apprenants dans : (i) Des activités d’apprentissage fondées sur des problèmes authentiques (problèmes mal définis ayant plusieurs solutions) ; (ii) Une certaine quantité de procédures expérimentales, des expériences et des activités impliquant une expérience pratique des équipements et incluant de la recherche d’informations; (iii) Des séquences d’apprentissage auto régulées où l’autonomie des étudiants est mise en avant; (iv) L’argumentation discursive et la communication avec les pairs.
Dans cette approche, la définition des objectifs pédagogiques reste de la responsabilité de l’enseignant, qui établit une situation problème pertinente, et qui a ensuite le choix d’aligner son ouverture de dimensions et ses consignes en fonction de ces objectifs. L’organisation du travail en groupe peut ainsi être vue comme gérée par l’enseignant, comme accompagnée si c’est un objectif, ou déléguée si les apprenants sont censés être autonomes à ce niveau. Avec une démarche par investigation, nous avons conçu des scénarios [GILLIOT et al. 10] fondés sur des situations problèmes dans lesquelles les apprenants étaient géographiquement distribués pendant la résolution du problème pour explorer différentes zones géographiques, produire et rechercher des informations tout en construisant une réponse collaborative au problème posé. Dans cet exemple, les objectifs pédagogiques, les objectifs d’apprentissage sont définis par l’enseignant, qui laisse par contre la liberté dans le séquencement des activités de résolution de problème et le choix des ressources explorées. Il peut néanmoins chercher à s’assurer de la couverture des découvertes des traces sur le terrain ou des informations utiles à la résolution de problème, ne serait-ce que pour faciliter et guider les apprentissages. Pour dénoter cette démarche par investigation, nous parlerons donc d’iMOOC. Cette approche permet de proposer une articulation entre les familles cMOOC et xMOOC, en jouant sur l’ouverture des différentes dimensions pour accompagner la prise d’autonomie des participants. Nous allons maintenant nous intéresser aux plateformes pour les MOOCs et plus particulièrement aux plateformes pour iMOOCs.
Les plateformes pour les MOOCs
Le développement des xMOOCs voit le développement de plateformes supports, capables d’afficher des déroulements linéaires, de proposer des vidéos, du texte et des activités simples telles que des QCM. Toutes les plateformes proposées, soit sous forme de portail de cours : Canvas, Class2go, Coursera, edX, ou de logiciels libres installables : Class2go, edX, Google Class Builder, OpenMOOC, sont basées sur ces hypothèses. Ces plateformes ressemblent finalement assez fortement aux classiques LMS [DALSGAARD 06] (LMS : Learning Management System), avec quelques différences notables : une administration simplifiée des inscriptions, l’intégration d’une architecture cloud pour permettre le passage à l’échelle en nombre de participants, le développement d’outils automatisés pour la correction des exercices, l’exploitation des données d’apprentissage, à la fois pour l’apprenant et pour mesurer l’impact des techniques d’apprentissage. A l’inverse, les cMOOCs se basent en général sur un site d’accueil simple pour permettre l’inscription, l’affichage des thématiques proposées, les premiers échanges (notamment pour se présenter) au travers d’un forum, l’essentiel des échanges entre participants se développant de manière distribuée sur les outils du web2 (blogs, réseaux sociaux, outils d’annotation, wikis, outils de production collaborative, etc.). L’apprenant se constitue alors un environnement d’apprentissage personnel de l’élève (EAP ou PLE) [CHATTI et al. 07], point d’entrée de son environnement social d’apprentissage. L’outil essentiel d’un tel MOOC est alors de pouvoir agréger les traces d’activités sous forme de flux. Si des agrégateurs de flux peuvent suffire, des outils complémentaires comme EduFeedr [POLDOJA et al. 10] ou gRSShopper [DOWNES 10] ont été proposés. Ce dernier permet de configurer des vues personnalisées, selon une perspective de PLE. Ces outils permettent en effet de rendre visible et de partager l’activité générée par le cours, ce qui est indispensable à la dynamique du cours et à la sensation d’appartenance à une communauté d’apprentissage.
Les outils pours iMOOCs
Comme on a pu le voir précédemment, les cMOOCs sont fondés sur des outils du Web 2.0 ou PLE, notamment car ils ont pour objet de favoriser l’autonomie, l’apprentissage collaboratif, etc. Pour les iMOOCs, on va retrouver à peu près les mêmes besoins. En effet, d’un point de vue éducatif, les médias sociaux, y compris les blogs, les wikis, les « rich media », etc. cadrent bien avec les approches socioconstructivistes d’apprentissage. En effet, ils fournissent des espaces pour la construction collaborative de connaissances, des séquences d’apprentissage autorégulées, d’argumentation discursive, de communication avec les pairs et de réflexion. En d’autres termes, ce sont de très bons outils pour soutenir les modèles pédagogiques fondés sur une démarche par investigation. L’environnement d’apprentissage personnel est ici aussi la vue technique de l’organisation des outils de l’apprenant comme pour les cMOOCs. Dans le cadre des démarches par investigation, nous nous intéressons aussi à l’apprentissage mobile et pervasif (ou ubiquitaire). En effet, l’apprentissage mobile permet d’apprendre en contexte et au travers des contextes. Il offre des moyens pour produire et publier des contenus notamment dans les médias sociaux, proposer des activités d’apprentissage en situation, impossibles et/ou difficiles sans mobile. De plus, l’apprentissage pervasif (ubiquitaire) permet la gestion explicite du contexte. Il est ainsi possible de filtrer, de recommander, etc. la masse d’information disponible dans un MOOC. En d’autres termes, il est possible d’adapter les activités d’apprentissage, les ressources, les outils, etc. aux besoins des apprenants et des tuteurs en fonction du contexte.