LE COMPORTEMENT SPECULATIF DES BANQUES SOURCE DE
RISQUE SYSTEMIQUE
Dans la première section de ce chapitre, sont abordés les problèmes de liquidité et d’asymétrie d’information. Le rôle central du crédit dans le déclenchement des crises bancaires est traité dans la section 2. Dans la section 3, sont discutés les questions de libéralisation financière et d’aveuglement au désastre et dans la section 4, l’existence de la réglementation bancaire est justifiée.
La liquidité et les asymétries d’information : deux facteurs explicatifs de fragilité bancaire
Les banques assurent le service de transformation: en s’interposant entre les demandeurs et apporteurs de capitaux, elles collectent les dépôts des détenteurs de capitaux et mobilisent des fonds à moyen et long terme pour répondre aux besoins d’investissement des emprunteurs. D’un côté, elles supportent les risques liés aux asymétries d’information et, de l’autre, elles doivent être capables de répondre à tout moment aux besoins de liquidité des déposants.
La liquidité
Les problèmes de liquidité peuvent se matérialiser à la fois à l’actif et au passif du bilan. Les banques peuvent subir ce risque ou a contrario être à l’origine de sa réalisation.
Le modèle de Diamond et Dybvig (1983)
L’article majeur de Diamond et Dybvig (1983) met en évidence le rôle majeur des banques et justifie leur existence par leur activité d’intermédiation. La nature même des activités bancaires est particulière: financer des activités dont l’horizon temporel est généralement plus lointain que celui des dépôts. Il y a irréversibilité des engagements de crédit alors que, par nature, les dépôts sont liquides et donc susceptibles d’être retirés à tout moment (incohérence temporelle). L’illiquidité des actifs bancaires justifie l’existence des banques mais génère aussi une vulnérabilité. Diamond et Dybvig s’attachent à démontrer que les banques peuvent se retrouver au cœur de paniques bancaires si les déposants, face à un retournement d’opinion massif, s’affolent et retirent prématurément leurs dépôts. Une ruée bancaire se produit lorsque tous les déposants (ou une majorité d’entre eux) demandent la conversion de leurs dépôts en monnaie centrale ou le transfert de leurs dépôts vers une autre banque. Les crises sont alors des événements aléatoires sans lien avec les évolutions économiques, elles sont fondées sur des croyances auto-réalisatrices.1 Le modèle s’attache à démontrer les risques de paniques bancaires du côté du passif des bilans bancaires, il n’aborde pas les risques liés aux crédits et à l’insolvabilité des débiteurs. Il s’agit ici d’un phénomène de panique qui peut rendre la banque illiquide et non d’une faillite liée à l’insolvabilité et à l’impossibilité de respecter des promesses de paiement. • Les caractéristiques du modèle : Dans le modèle de Diamond et Dybvig, la banque est modélisée comme une coalition d’individus qui mettent en commun leurs dotations, les investissent dans une technologie et en retirent en contrepartie un revenu. La banque, par l’existence d’un contrat de dépôt, assure un service de liquidité aux déposants : ceux-ci sont assurés de pouvoir retirer à tout moment les fonds déposés. Le dépôt en banque est totalement liquide : il ne présente pas de risque de perte en capital et est parfaitement divisible et accepté par tous comme moyen de paiement. La banque est appréhendée comme une coalition d’agents qui mettent en commun leurs dotations et les investissent dans un processus productif peu réversible. En effet, les déposants obtiennent des contrats de dépôts spécifiant leur droit de retrait à chaque période et les pénalités en cas de retrait anticipé.