Le complexe CuII Amyloïde-bêta lié à la Maladie d’Alzheimer

Le complexe CuII Amyloïde-bêta lié à la Maladie
d’Alzheimer

Les complexes Métaux – Aβ

 Une étude récente de microscopie couplée au Raman sur des plaques amyloïdes post-mortem a montré que Aβ est une protéine liant le cuivre et le zinc in vivo (Dong et al., 2003). L’interaction métal-Aβ pourrait être impliquée dans la maladie d’Alzheimer. Les études sur la relation entre l’Aβ, le Cu, le Zn, l’agrégation et la toxicité se multiplient. Ce chapitre fait le point sur les dernières avancées. 

Sites de fixation et constante de dissociation 

Il a été proposé que le site de fixation des métaux sur le peptide Aβ se situe sur les 16 premiers acides aminés de la séquence. De nombreuses études sur l’interaction métalAβ ont donc été réalisées sur des peptides modèles Aβ16 (16 premiers acides aminés) et Aβ28 (28 premiers acides aminés). Ce sont de bons modèles étudier la complexation sous forme soluble. Cependant ces formes tronquées n’agrègent pas (Aβ16) ou très lentement (Aβ28) comme le font les peptides Aβ40 et 42 et ne peuvent mimer la liaison métal-Aβ dans l’état agrégé. La notion de constante de fixation du métal sur les peptides ou les protéines est un paramètre important en biologie. Il renseigne sur la signification physiologique de l’interaction d’une protéine ou d’un peptide avec un métal. Une constante d’affinité trop faible indique que le peptide ne sera pas capable de lier le métal in vivo en raison de la présence d’un certain nombre de ligands plus forts. Il est aussi important de connaître ce paramètre dans le but de concevoir des chélateurs capables d’arracher le métal à l’Aβ. De tels chélateurs peuvent être des médicaments puisqu’ en reprenant le métal à l’Aβ, ils devraient ralentir l’agrégation et diminuer sa toxicité. La notion de fixation du métal correspond en fait à l’équilibre entre les formes libres du métal et de la protéine et le complexe lui même. (1) Metal + peptide Metal-peptide. (2) La constante d’affinité est donnée par la relation Ka = [Métalpeptide]/([Métal]*[peptide]). Cependant, en biologie, on utilise souvent la constante de dissociation Kd correspondant à la réaction (2) inverse (c’est-à-dire de la dissociation du complexe). La relation entre le Ka et le Kd est : Kd = 1/Ka. Le Kd présente l’avantage d’exprimer directement une concentration. Par ailleurs, les constantes sont déterminées dans des tampons, qui ont eux aussi une affinité pour le cuivre, à un pH donné. Il y a une compétition pour la fixation du cuivre entre le tampon et le peptide. Les constantes déterminées sont donc des constantes apparentes. Pour obtenir la constante absolue, il faut tenir compte de l’affinité du tampon pour le métal. En général, les constantes d’affinité métal-protéine son déterminées dans des conditions expérimentales similaires et les constantes apparentes sont comparées directement. 

CuII-Aβ 

Bush et al. ont prouvé que l’Aβ (et ses formes tronquées) était capable de fixer 2 équivalents de CuII avec des constantes de dissociation différentes, faisant ainsi apparaître un site de forte affinité et un site de fixation plus faible. Des études de RPE, de RMN ou encore de spectroscopie Raman ont permis d’identifier des résidus impliqués dans la chélation des ions métalliques, situés dans le domaine 1-16 de Aβ. La coordination est dépendante du pH, mais nous ne développerons ici que les complexes formés à des pH entre 6 et 8 (proche du pH physiologique). Garzon-Rodriguez et al. ont mesuré les constantes d’affinité du CuII pour le peptide Aβ40 et 42 sur le site de plus forte affinité en suivant la fluorescence due à la Tyrosine (en position 10). Les expériences ont révélé des constantes de dissociation de l’ordre de 2µM dans un tampon Tris. Des expériences similaires, dans le même tampon, ont été menées par Karr et al., révélant des constantes Kd de 11, 28, 47 µM respectivement pour les peptides Aβ40, Aβ28 et Aβ16. Cependant ces constantes sont des constantes apparentes car les expériences ont été réalisées dans un tampon qui lui aussi possède une affinité pour le cuivre. Il y a donc compétition entre le tampon et le peptide. Pour s’affranchir de ce paramètre, Syme et al. ont effectué des mesures sans tampon par compétition avec 2 ligands du cuivre (Histidine et Glycine). Ils ont ainsi encadré le Kd apparent du Aβ28 entre 1.5 et 500 nM. Si on tient compte du tampon utilisé (et de son affinité pour le cuivre), les Kd sont similaires. Le peptide Aβ soluble et les peptides modèles plus courts exhibent à pH physiologique un Kd apparent de l’ordre du nM à pH 7,4. 

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 ZnII-Aβ 

Des études basées sur l’augmentation du signal en fluorescence de la Tyrosine10 suite aux ajouts successifs ont révélé des constantes Kd de 300 µM pour l’Aβ40 et 57 µM pour l’Aβ42 (Garzon-Rodriguez et al., 1999). Cependant cette étude a été effectuée dans un tampon Tris/HCl à pH 7,4 qui a une affinité non négligeable pour le zinc, pouvant ainsi entraîner une sous-estimation de la constante d’affinité. Enfin une étude récente par compétition avec un chélatant du zinc, le zincon (2-carboxy-2-hydroxy-5-(sulfoformazyl) benzène) a permis de détecter une constante apparente de ~ 10-5 M (Mekmouche et al., 2005). Une fois encore, si on tient compte de l’affinité du tampon pour le zinc, les résultats de ces deux études sont en accord. D’une façon générale, on peut donc dire que l’Aβ et ses modèles possèdent pour le zinc une affinité de l’ordre du µM (~ 10µM). L’Aβ a donc une affinité plus forte pour le cuivre que pour le zinc. Cela a d’ailleurs été confirmé par le fait que le cuivre est capable de déplacer le zinc fixé sur Aβ à pH 6,6 (Atwood et al., 2000).

Table des matières

Listes des abréviations
Chapitre 1 : Maladie d’Alzheimer : causes, mécanismes et stratégies thérapeutiques
I. La maladie d’Alzheimer
I.1 Historique : une maladie déjà centenaire
I.2 Impacts sociaux économiques
I.3 Origines et facteurs de risque de la maladie
I.3.a Facteurs génétiques
I.3.b Facteurs biologiques et environnementaux
I.3.c Implication des métaux dans la maladie d’Alzheimer
I.4 Le diagnostic
I.4.a Les manifestations cliniques
I.4.b Les tests neuropsychologiques
I.4.c L’imagerie cérébrale
II. Plaques amyloïdes et neurofibrilles
II.1 Le peptide β-amyloïde et son implication dans les plaques amyloïdes
II.1.a La protéine APP
II.1.b Le peptide β-amyloïde (Aβ)
II.1.c Interaction de Aβ avec les ions métalliques
II.1.d Interaction de Aβ avec les membranes
II.2 La protéine tau et son implication dans les neurofibrilles
II.3 Relations existant entre Aβ et tau
II.4 Hypothèse de la cascade amyloïde
II.5 Différentes approches thérapeutiques
II.5.a Approches symptomatiques et traitements utilisés
II.5.b Agents thérapeutiques ciblant les causes de la maladie
III. Métaux et maladie neurodégénérative
III.1 Les métaux, indispensables pour l’organisme
III.1.a Rôle des métaux dans le cerveau
III.1.b Contrôle de la concentration
III.1.c Dérégulation des métaux et maladies
III.2 Cuivre et espèces réactives de l’oxygène (ROS)
III.3 Cuivre et MA
III.3.a Concentration
III.3.b Agrégation
III.3.c Toxicité
IV. Les complexes Métaux – Aβ
IV.1 Sites de fixation et constantes de dissociation
IV.1.a CuII-Aβ
IV.1.b ZnII-Aβ
IV.1.c FeII-Aβ
IV.1.d Signification biologique de ces sites de fixation des métaux
IV.2 Chimie de coordination
IV.2.a CuII-Aβ
IV.2.b ZnII-Aβ
IV.2.c FeIII-Aβ
IV.2.d Autres métaux
IV.2.e Dans les plaques amyloïdes
IV.3 Agrégation
IV.4 Toxicité
V. Conclusion
VI. Bibliographie
Chapitre 2 : Caractérisation structurale et thermodynamique du complexe CuII-Aβ
I. Nombre de sites de fixation et constantes d’affinités
I.1 Vérification du nombre de sites de fixation
I.2 Constantes de fixation
I.2.a La titration calorimétrique isotherme (ITC) 101
I.2.b La Fluorimétrie
II. Les ligands mis en jeu
II.1 La Résonance Paramagnétique Electronique (RPE)
II.1.a Site de forte affinité
II.1.b Site de faible affinité
II.2 Spectroscopie UV
II.3 La RMN
II.3.a RMN
H de CuII- Aβ16 à pH = 7.4
II.3.b RMN 1
H de CuII- Aβ16 à pH = 6,5
II.3.c RMN
H de CuII- Aβ28 à pH = 7,4
II.3.d RMN 2D de CuII- Aβ28/40
II.3.e RMN 1
H de NiII-Aβ16
II.3.f Exclusion de la Tyrosine
III. Ligand labile
III.1 Le site de forte affinité
III.2 Le site de faible affinité
IV. Conclusion
V. Bibliographie
Chapitre 3 : Génération de radicaux hydroxyles par les complexes CuII-Aβ
I. Détection des radicaux hydroxyles
I.1 Utilisation de la deferroxamine (ou desferral)
I.2 Détection en fluorescence
I.3 Détection des radicaux hydroxyles en RPE
II. Les résultats
II.1 En Fluorescence
II.2 En RPE
III. Potentiels d’oxydo-réduction des complexes cuivre-peptide
IV. Inhibition des ROS
IV.1 Le Clioquinol
IV.2 La Métallothionéine -3 (MT-3)
IV.2.a MT-3 et production de HO•
IV.2.b MT-3 et Aβ
V. Conclusion
VI. Bibliographie
Chapitre 4 : Le processus d’agrégation
I. Effets des métaux sur l’agrégation
II. Monomère, dimère, oligomère ?
II.1 Chromatographie d’exclusion stérique (CES)
II.1.a Aβ16,28 et 40
II.1.b Aβ42
II.2 Gel d’électrophorèse
III. Nature des agrégats
IV. Conclusion
V. Bibliographie
Chapitre 5 : Matériels et méthodes
I. Préparation des échantillons
I.1 Solutions de peptides
I.1.a Peptides Aβ
I.1.b Autres peptides
I.2 Solutions de métaux
I.3 Autres solutions
II. Méthodes
II.1 Spectroscopie d’absorption UV-Visible
II.2 Spectroscopie de Fluorescence
II.3 Titration Calorimétrique Isotherme (ITC)
II.4 Spectres RPE
II.5 Spectres RMN
II.6 Spectroscopie de Luminescence
II.7 Mesures électrochimiques
II.8 Chromatographie d’exclusion stérique (CES)
II.9 Expériences d’agrégation
II.9.a Quantification
II.9.b Electrophorèse
III. Bibliographie
Conclusion générale et perspectives
Annexes

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