Le colon lieu de formation des toxines urémiques liés aux protéines

L’accumulation des toxines urémiques dans l’insuffisance rénale : mécanisme multifactoriel

L’accumulation des toxines urémiques n’est pas liée uniquement à la perte de la fonction rénale mais également à la dysbiose observée chez les patients insuffisants rénaux. De récentes études ont montré une différence qualitative et quantitative du microbiote intestinale chez des patients porteurs d‘une insuffisance rénale comparativement aux personnes saines. On observe un déséquilibre entre les différentes bactéries commensales en faveur des bactéries aérobies (16) et protéolytiques impliquées dans le métabolisme de l’urée (productrice d’uréase), des indoles et des phénols (17). Cependant l’insuffisance rénale n’est pas le seul facteur modifiant la flore digestive, l’alimentation influence également sa composition (18). De manière intéressante, Poesen et al ont analysé et comparé le microbiote des patients hémodialysés chroniques avec le microbiote d’adultes sains non appareillés, d’adultes sains appareillés sur l’âge et d’adultes sains de leur entourage (vivant sous le même toit). Par rapport aux sujets sains non appareillés et appareillés, le microbiote des patients hémodialysés est différent. Le microbiote des patients hémodialysés est en revanche très similaire de celui des sujets contrôles vivant sous le même toit (ayant une alimentation équivalente). Chez l’homme, il semble que l’impact de l’alimentation soit plus important que l’insuffisance rénale en soit dans les modifications du microbiote (19). De plus, il a été observé une influence des mesures diététiques spécifiques telles que la restriction en aliments riches en potassium (fruits et certains légumes verts) sur les concentrations des toxines urémiques des patients insuffisants rénaux (20).
Il existe une relation bidirectionnelle entre le rein et l’intestin surnommée l’axe rein-intestin.
L’accumulation d’urée entraine une modification significative du microbiote en augmentant le nombre de bactéries responsables de son métabolisme et en conséquence une augmentation du pH intestinale. La dysbiose qui en résulte engendre une production accrue de toxines urémiques s’accumulant du fait de l’insuffisance rénale aggravant ce déséquilibre (10,21).

Rôle des toxines urémiques dans les maladies cardiovasculaires

La mortalité cardiovasculaire des patients dialysés est cinq fois plus élevée que dans la population générale. Les concentrations élevées de pCS (22,23) et d’IS sont associées à l’augmentation de la mortalité chez les patients hémodialysés (24). Les taux élevés de pCS (25,26) et d’IS (27)augmentent le risque d’événement cardiovasculaire. Ces molécules jouent un rôle clef dans la dysfonction endothéliale observée chez ces patients (28,29).

Méthodes de contrôle des toxines urémiques : optimiser leur élimination, diminuer leur formation

Dans la population de patients hémodialysés, du fait de leur liaison aux protéines, seul la fraction libre (environ 30%) des toxines urémiques diffuse librement à travers la membrane de dialyse, entrainant une mauvaise élimination des toxines liées aux protéines par les méthodes d’hémodialyse conventionnelle (30,31). La qualité d’épuration de ces toxines n’est pas modifiée par le type de membrane (notamment en augmentant la taille des pores) (32). Il a été observé une légère amélioration de la clairance de ces toxines en rajoutant de la convection à la technique conventionnelle de diffusion (hémofiltration ou hémodiafiltration) (33,34). L’augmentation de la fréquence des séances d’hémodialyse à cinq jours par semaine au lieu de trois a également été proposée (35).
La diminution de l’élimination urinaire par la perte progressive de la fonction rénale résiduelle et les difficultés d’épuration par la dialyse des toxines urémiques nécessite l’étude de nouvelles cibles thérapeutiques. Du fait de son rôle central dans leur production, le microbiote est une piste intéressante. Cependant dans cette population de patients insuffisants rénaux peu d’études ont permis de mettre en évidence un effet bénéfique des mesures visant à modifier le microbiote telles que les prébiotiques (aliments non digérables permettant la sélection d’un microbiote), les probiotiques (micro-organismes vivants du tube digestif) ou la combinaison des deux méthodes (symbiotique). Mafra et al résument les différentes études et leurs résultats contradictoires dans une revue de 2019 (36). Le recours à des molécules absorbantes telles que l’AST-120 a été également proposé. L’utilisation d’AST-120 permet une diminution des taux de toxines chez des patients hémodialysés (37,38). Cependant pour le moment les essais thérapeutiques EPPIC 1 et 2 effectués chez des patients avec une MRC (entre le stade 3b et 5) n’ont pas mis en évidence d’effet de cette molécule sur la progression de la maladie rénale chronique. Ces études ne décrivaient pas l’effet de l’AST-120 sur les taux de toxines (39).
La modification du régime alimentaire semble être une piste prometteuse, le déterminant principal du métabolisme des bactéries de la flore digestive se trouvant dans les ingestats notamment dans la part glucidique et azotée des nutriments (40). Il a déjà été montré une production d’indoles diminuée chez les végétariens comparativement aux personnes ayant une alimentation non limitée en substance carnée (41). A l’inverse, le régime riche en protéines augmente la concentration de certaines toxines urémiques telles que l’IS (42). Le régime riche en fibres a déjà été montré comme pouvant diminuer les taux circulant d’IS et de pCS chez les patients hémodialysés (43,44).
L’objectif principal de cette étude était d’analyser les liens entre l’alimentation des individus, et les taux sériques de deux toxines urémiques pour lesquelles l’alimentation semble avoir un impact : l’indoxyl sulfate (IS) et le p crésyl sulfate (pCS) dans une population de patients en hémodialyse chronique. Les objectifs secondaires étaient d’analyser l’effet de l’alimentation sur les concentrations de ces toxines dans la sous population de patients hémodialysés chroniques anuriques.

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Matériels et méthodes

Patients et protocole

Il s’agit de l’analyse de la première enquête alimentaire réalisée au sein du protocole EVITUPH, Intra Individual Evaluation of Uremic Toxin Levels in Hemodialysed Patients (clinical trials NCT02480699). EVITUPH était une étude monocentrique ouverte sur 75 patients hémodialysés inclus entre 07/2015 et 09/2015 avec un suivi de 1 an dans le Centre de Néphrologie et de Transplantation Rénale de l’Hôpital de la Conception, CHU de Marseille. EVITUPH a été conçu pour analyser les variations des concentrations de trois toxines urémiques (IS, PCS et IAA) sur 1 an. Les critères d’inclusion étaient des patients hémodialysés quelque soit l’étiologie de leur insuffisance rénale depuis plus de 3 mois, un âge supérieur à 18 ans, le fait d’être affilié au régime de Sécurité Sociale, acceptant de participer à l’étude et de signer un consentement. A l’inclusion les patients ne devaient pas avoir reçu d’antibiothérapie depuis au moins 1 mois.
Les critères de non-inclusion étaient les femmes enceintes ou allaitantes, les personnes privées de liberté, les patients porteurs d’une infection virale répliquante (VHC, VIH).
L’étude EVITUPH comprenait un dosage mensuel des toxines urémiques associé à un questionnaire alimentaire tous les 3 mois (soit 4 questionnaires au total sur 1 an) afin d’étudier l’impact des variations saisonnières de l’alimentation sur les concentrations des toxines urémiques. Les concentrations de l’IS, du pCS et de l’IAA ont été dosées une fois par mois en début de mois sur la séance de milieu de semaine, en même temps que le bilan de routine mensuel de surveillance des patients. Concernant le questionnaire alimentaire, il était proposé lors d’une séance d’hémodialyse à tous les patients dans les 15 jours suivant le prélèvement mensuel et ce tous les 3 mois. Ce questionnaire permettait le recueil de l’ensemble de leurs apports alimentaires en quantité et en qualité sur une période de 7 jours. Il était remis au patient par une diététicienne qui leur expliquait comment le remplir et comment évaluer les quantités avec une aide visuelle. Au besoin la famille pouvait être contactée. La diététicienne revenait au bout des 7 jours pour vérifier l’exhaustivité des données avec le patient, recueillir les recettes en cas de préparations complexes. Si le patient n’avait pas rempli le questionnaire à 7 jours, un nouveau questionnaire lui était proposé avec de nouvelles explications. Après deux essais infructueux, le patient était considéré comme non contributif pour le questionnaire alimentaire.
Le recueil des données et des questionnaires était arrêté en cas de transplantation rénale, du décès du patient ou en cas de changement de centre.

Données clinico‐biologiques

Les données cliniques et biologiques ont été recueillies de manière mensuelle. Les questionnaires étaient récupérés tous les 3 mois. Le dosage des toxines urémiques a été fait par HPLC (High-performance liquid chromatography) à partir du sérum du patient.
Les données du questionnaire alimentaire ont été rentrées dans la base de données Nutrilog® version 3.2 avec le module bilan semainier. Ce module permet d’évaluer avec précision les apports énergétiques. Un tableau de bord est généré et permet de visualiser la répartition en protéine, glucide et lipide mais aussi les apports en nutriments et par groupe alimentaire. La base de données était implémentée si besoin des recettes des patients pour juger au mieux de leurs apports nutritionnels. Variables nutritionnelles : Énergie (V.C.T. : Kcal), Protides (gr), Lipides (gr), Glucides (gr), Consommation en Protéine d’origine animal ou végétale (gr), Sucres (total, gr), Acides gras saturés (%), acides gras mono-insaturés (%), acides gras poly-insaturés (%), fibres solubles et insolubles (gr).

Données et statistiques

Aucun calcul du nombre de sujets nécessaires n’a été réalisé puisqu’il n’existait aucune donnée dans la littérature. Il a été prévu d’inclure 75 patients hémodialysés. Ce nombre a été déterminé par le fait de disposer d’un effectif global supérieur à celui présenté par les études portant sur le thème des modifications des taux de toxines urémiques (qui incluent au maximum 40 patients), et par le fait d’obtenir des d’effectifs intéressants pour répondre aux objectifs secondaires portant sur des sous-groupes d’individus, notamment les patients anuriques. Nous avions prévu que la mortalité chez ces patients sur 12 mois serait de 25% et environ 5% des individus bénéficieraient d’une transplantation rénale. Cette étude a été soumise à l’avis du Comité de Protection des Personnes (CPP) Sud-Méditerranée I qui a donné un avis délibératif favorable le 31/03/2015, et à l’autorité compétente, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé qui a donné une autorisation le 24/04/2015.
Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide des logiciels statistiques SAS (V.9.13), SPSS (V.17). Le seuil de significativité des tests sera fixé à 0.05. Les variables qualitatives seront exprimées en termes d’effectifs et de pourcentage ; les variables quantitatives analysées à l’aide de paramètres usuels de position (médiane, moyenne) et de dispersion (écart-type, étendue).

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